Moulay Hafid Benhachem:«Je suis d'accord avec le contenu du rapport de la Commission parlementaire, mais pas avec les sources sur lesquelles il s'est appuyé» Le rapporteur spécial de l'Organisation des Nations Unies pour la torture et autres peines ou traitements cruels, M. Juan Mendez, devrait effectuer du 14 au 22 septembre une visite au Maroc au cours de laquelle il devrait se rendre dans des centres de détention pénitentiaires, des commissariats de police et des hôpitaux psychiatriques, a annoncé M. Driss El Yazami, président du Conseil national des droits de l'Homme, lors de la journée d'études organisée par la Délégation générale de l'administration pénitentiaire et de la réinsertion, le mardi 17 juillet 2012 à Rabat. Cette journée d'études, présidée par Moulay Hafid Benhachem, délégué général de l'administration pénitentiaire et de la réinsertion, et à laquelle ont assisté les directeurs régionaux de l'administration pénitentiaire, avait pour thème le rapport de la Commission parlementaire d'inspection de la prison de Oukacha, à Casablanca, présenté en début de mois devant la Chambre des Représentants et faisant état d'un terrible constat, ainsi que les préparatifs pour le mois sacré du Ramadan. «Je suis d'accord avec le contenu du rapport de la Commission parlementaire, même si je ne suis pas d'accord avec les sources sur lesquelles s'est appuyé ce rapport et leur crédibilité», a d'emblée déclaré M. Benhachem. «Le secteur pénitentiaire ne manque pas de problèmes, que ce soit au niveau de sa gestion, du respect des lois, des infrastructures, de l'alimentation ou de la santé. Mais depuis ma nomination, d'énormes efforts ont été déployés pour améliorer cette situation. La première étape a consisté à faire régner à nouveau la discipline, car auparavant, c'était le laxisme. Il y avait des évasions, certaines réussies par ruse, d'autres grâce à la complicité de fonctionnaires véreux. Certains prisonniers passaient la nuit chez eux, d'autres se permettaient d'effectuer des voyages à l'étranger. Il y avait également une défaillance dans le respect des lois et les prisons étaient dans un état de délabrement poussé. Face à cette situation sécuritaire et organisationnelle déficiente, la première priorité tracée en 2008 a été de reprendre le contrôle des prisons, ce qui s'est aussitôt traduit par la fin des évasions, et les agressions entre prisonniers et contre les gardiens ont été jugulées. «Puis on s'est penché sur la situation infrastructurelle des centres de détention pénitentiaires, qui était aussi assez déplorable. Dans certaines prisons, telles celles d'Oukacha et de Kénitra, la pluie s'infiltrait dans les cellules. Il a fallu effectuer d'importantes réfections et de nouvelles constructions pour redresser au mieux cette situation. Par ailleurs, la situation sociale et matérielle des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire a également été améliorée, grâce à un renouvellement de leur statut et à une amélioration des salaires, les émoluments minimum sont passés de 2.100 à 3.100 Dhs. D'autre part, ces fonctionnaires, auparavant privés d'indemnités, de primes de responsabilité, des heures supplémentaires et des heures de nuit, y ont maintenant droit et nous avons demandé au gouvernement de leur accorder également une indemnité de logement et une hausse des montants des primes qui leur sont allouées. Sauf que dans les conditions économiques difficiles actuelles, on ne peut demander au gouvernement plus qu'il ne peut donner. Certaines plaintes de fonctionnaires de l'administration pénitentiaire adressées aux députés de la commission parlementaire exploratoire de la prison d'Oukacha sont donc sans fondements. A les entendre, l'opinion publique a l'impression que rien n'a été fait au profit de ces fonctionnaires, ce qui n'est pas vrai. Ils ont beaucoup obtenu et nous continuons à demander beaucoup au gouvernement pour les satisfaire. Les critiques concernant les dépassements de la loi au sein des prisons ne concernent pas uniquement les détenus, mais aussi certains fonctionnaires. De ce fait, la prochaine étape dans le redressement de la situation dans les prisons va consister au relèvement du niveau professionnel des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire et de leurs tâches. Si la majorité des fonctionnaires sont des gens honnêtes et à la hauteur de leur responsabilité, certains éléments doivent être évalués et alors, soit ils se corrigent, soit ils sont sanctionnés, voir même poursuivis en justice si nécessaire. Nous ne voulons pas que les établissements pénitentiaires continuent de faire l'objet de critiques virulentes. Il en va de l'image de marque du Maroc aussi bien auprès de l'opinion publique nationale qu'à l'étranger. Je suis décidé à changer cette situation avec le soutien du gouvernement ». M. El Yazami a, pour sa part, tenu à souligner que le Maroc avait changé, que le peuple, son niveau d'instruction, ses ambitions et les médias ont changé. Et que le Maroc s'est engagé à respecter les normes internationales en matière de Droit de l'homme selon le choix de SM le Roi et du peuple marocain. M. El Yazami a indique que le Conseil National des Droits de l'Homme était également entrain d'élaborer un rapport sur l'état des prisons au Maroc, dont une copie a été adressée au Délégué général de l'administration pénitentiaire pour y adjoindre ses remarques avant publication. «Nous reconnaissons toutes les difficultés de la mission des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire, qui accueille toutes les déviances sociales», a-t-il précisé, «mais nous avons également beaucoup réalisé en matière de respect des droit de l'Homme et ce de manière pacifique». «Les prisons ont deux rôles», explique M. Abderrazak Âouam, de la Délégation ministérielle pour les Droits de l'Homme. «Le premier est d'appliquer les peines privatives de liberté et les décisions de justice prononcées par les tribunaux, application encadrée par la loi en ce qui concerne les conditions de détention et les règles éthiques. Il faut toutefois préciser que peine privative de liberté ne signifie pas privation de la dignité et des droits humains. Un prisonnier a des obligations et se doit de respecter le règlement intérieur. S'il déroge toutefois au règlement, il ne peut être torturé pour ce fait. Car l'autre mission d'un centre de détention carcéral est de préparer le détenu à sa réinsertion dans la société». 44 centres de détention carcérale vont bénéficier du programme intégré de réinsertion social et économique élaboré par l'administration pénitentiaire, programme dont la généralisation sera achevée en 2013, a annoncé M. Azzedine Belmahi, coordinateur de la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus. L'encadrement de ces détenus devrait commencer dès l'entrée en prison, au niveau familial, administratif, sanitaire et de la formation et un service sera spécifiquement dédié à préparer les détenus à leur libération. Dehors, ils seront pris en charge par le Centre de soutien post-carcéral. «Les prisons marocaines sont placées sous microscope, que ce soit par le parlement, le CNDH, la Délégation ministérielle des Droits de l'Homme, les médias, l'opinion publique mais aussi l'étranger», a rappelé M. Benhachem aux directeurs régionaux de la Délégation générale de l'administration pénitentiaire: «Faîtes attention et soyez vigilants» !