Hakima Lebbar, psychanalyste et galeriste, membre du Conseil national de Transparency-Maroc et commissaire d'exposition «Des proverbes contre la corruption» dont l'actuelle étape se déroule à Jamaâ Lfna à Marrakech et auteur de la conception et de la réalisation du livre «Des proverbes contre la corruption», explique dans l'entretien suivant la démarche de l'ouvrage. L'Opinion: Quelles sont les principales étapes qui ont permis d'aboutir à cet ouvrage? Hakima Lebbar: J'avais effectué une première enquête sur les proverbes début des années 2000, plus exactement en 2001. Par la suite, j'ai continué à recueillir des proverbes non seulement en darija mais aussi en amazigh et même auprès de la communauté juive marocaine. Au fur et à mesure de ce travail, un constat s'est imposé qui est que les proverbes banalisent et même encouragent la corruption. C'est de là que vient ce projet de lutter contre la banalisation insidieuse des pratiques de la corruption. Donc, nous avons commencé à mettre en chantier ce projet il y a près de deux ans et qui est essentiellement basé sur la notion collective. Il fallait faire participer le maximum de personnes de toutes les catégories sociales dans son élaboration. Nous avons voulu impliquer tout le monde, ainsi vous allez trouver des proverbes contre la corruption proposés aussi bien par des hauts cadres que par un gardien de voitures, une femme de ménage ou une grand-mère qui s'y connaît en finesse de la darija. Il y a aussi des artistes qui ont réalisé chacun une œuvre à partir d'une expression, soit 22 travaux, des élèves d'établissements scolaires qui ont créé au sein d'ateliers des proverbes de leur propre invention, aussi des écrivains, poètes, chercheurs qui ont écrit des textes que nous avons libres, décalés et non moralisateurs. L'Opinion: Dans la partie des textes, on remarque la prépondérance des textes en français. Hakima Lebbar: Dans le texte d'appel à participation lancée par Transparency-Maroc pour ce projet, il a été pris compte de l'idée de l'équilibre entre les langues et il a été indiqué que les auteurs peuvent écrire non pas seulement en français et en arabe, mais aussi en amzigh et darija de façon qu'il y ait diversité et liberté totale d'expression. Ainsi donc, le résultat qu'on voit c'est ce qui a été reçu. L'Opinion: Quel était l'objectif des ateliers des établissements scolaires de Kénitra et Béni Mellal ? Hakima Lebbar: C'était pour les pousser à créer et les sensibiliser. C'est aussi pour montrer que les enseignants peuvent travailler sur ce thème. La même expérience a été effectuée à Casablanca et Rabat, mais nous n'avons pas eu le temps de collecter les travaux pour le livre. Les élèves participants à ces ateliers ont reçu chacun une œuvre calligraphiée de sa propre expression. Vu le succès de ces ateliers, nous pensons systématiser un atelier pilote. L'Opinion: Qu'est-ce qui vous a le plus marquée dans ces ateliers ? Hakima Lebbar: Ce qui m'a le plus touchée c'est d'assister au travail collectif, de voir comment pour l'élaboration progressive d'une seule expression, plusieurs élèves participent, du premier qui lance le tout premier jet au dernier qui met la dernière main au travail en passant par les améliorations successives. Au final, ce sont plusieurs auteurs d'une seule expression ! Propos recueillis par S. A.