Transparency Maroc lance un appel à participations pour un projet de livre collectif. Blagues, proverbes, et expressions anti-corruption seront regroupés dans le même ouvrage. Qu'y a-t-il de plus efficace que les mots pour dénoncer une injustice ? Même arrivés au 21e siècle, on n'a pas trouvé mieux ! Transparency Maroc, en lutte permanente avec la corruption, s'est donc décidé à éditer un livre rassemblant un ensemble de mots qui vilipendent ce fléau national. Cette œuvre collective vise à regrouper, dans un ouvrage commun, un ensemble de proverbes, de blagues, d'adages et d'expressions populaires. Ces dernières marquent l'inventivité du Marocain lambda, pour lequel la corruption est un élément de sa vie quotidienne, qu'il voit, tolère à des degrés plus ou moins variés, ou abhorre. et qui devient souvent un moteur à sa créativité. «Le projet est adressé à trois publics différents. Les artistes peintres seront conviés à réaliser des toiles en s'inspirant d'expressions anti-corruption. Les écrivains et les journalistes pourront, quant à eux, nous communiquer leurs textes, dans lesquels ils dénoncent le fléau. Et enfin, les citoyens nous feront part des expressions courantes et proverbes qu'ils utilisent dans la vie courante», nous informe Dounia Najjaati, chargée de communication à Transparency Maroc. Banalisation de la pratique Seulement, ces expressions anti-corruption n'ont pas toujours un effet positif, comme l'assène Hakima Lebbar, psychanalyste et propriétaire d'une galerie d'art, qui participe à cette action. «De nombreux proverbes portant sur la corruption contribuent à la banalisation de cette pratique, voire à sa valorisation en l'abordant comme une fatalité ou en présentant celui qui la pratique comme une personne intelligente et rusée». L'objectif est donc de changer, via cet ouvrage, la donne en faisant de ces adages des armes contre la corruption, et pas des portraits à son effigie. En outre, «l'objectif n'est pas de créer des proverbes (qui, en fait, ne deviennent proverbes que par l'appropriation collective qui en est faite), mais de formuler des messages populaires qui condamnent la corruption ou qui s'inscrivent en faux avec des expressions usuelles», explique la psychanalyste Hakima Lebbar. Afin d'étendre l'action au plus grand nombre, les textes seront acceptés dans toutes les langues, et pas seulement en «darija», langue de la rue qui donne naturellement naissance à une profusion de proverbes. Une fois réunies dans l'ouvrage, «l'ensemble des contributions seront distribuées gratuitement à grande échelle, ou vendue à un prix symbolique», souligne Dounia Najjaati. Les fonds collectés permettront à nouveau de poursuivre la lutte contre la corruption, travail de longue haleine auquel s'attellent plusieurs instances, dont Transparency Maroc. Enfin, les cents premières expressions proposées seront calligraphiées par des artistes, exposées lors de l'exposition contre la corruption et remises à leurs auteurs. En attendant que l'une des expressions prenne vraiment vie. «Arrechwa mossiba, ou 3aqibtha sa3eba». (La corruption est un fléau, et sa sanction est sévère). u La foire aux proverbes En matière de proverbes et d'expressions orales, les Marocains sont des experts. La langue est souvent utilisée comme une arme, face à laquelle il vaut mieux ne pas se retrouver. Les exemples sont nombreux. «Dhen lou helkou, yenssa lli khalkou» (tapisse lui le palais, il oubliera qui l'a créé), «desser lkelb itebek» (sois gentil avec le chien, il te suivra), «denya bloujouh, ou l'akhira bzraout» (dans la vie, ce sont les relations qui comptent. Mais lors du jugement dernier, il n'y aura que des fouets). «Bla hdiya, bla drahem, ila azemti tekhrouj salem » (Sans cadeaux, sans argents, si tu résistes tu en sortiras sain).