Israël et la Syrie se livrent à une guerre des mots en se menaçant mutuellement de représailles en cas de conflit militaire, mais, selon les analystes, cette escalade devrait rester verbale. "Notre message doit être clair à Assad: non seulement tu perdras la prochaine guerre mais tu perdras aussi le pouvoir, toi et ta famille", a menacé M. Lieberman, ministre des Affaires étrangères et leader du parti ultra-nationaliste Israël Beiteinou. Toutefois, l'attaque frontale et sans précédent du chef de la diplomatie israélienne contre le président Bachar al-Assad et sa famille, ne fait pas l'unanimité au sein du gouvernement israélien et a été vivement dénoncée par l'opposition. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a voulu calmer le jeu, sans désavouer pour autant un ministre qui constitue un précieux allié politique à la tête du parti ultra-nationaliste Israël Beiteinou, troisième formation du gouvernement (15 députés sur 120). Son bureau a indiqué, au nom des deux responsables, qu'Israël "veut la paix et des négociations avec la Syrie sans conditions préalables", mais "qu'entre temps Israël ripostera avec vigueur et détermination à toute menace". Mardi, le chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem avait mis Israël en garde contre tout projet de guerre contre la Syrie, estimant qu'un tel conflit se transformerait en "guerre généralisée". Le ministre syrien répondait au ministre israélien de la Défense, Ehud Barak, qui s'était inquiété qu'en "l'absence d'accord de paix avec la Syrie, nous pourrions nous retrouver dans une confrontation militaire qui pourrait mener à une guerre totale" qui selon lui ne résoudrait rien. Damas parle "plutôt de paix..." Ce leader travailliste a réaffirmé jeudi que "la paix avec la Syrie est un objectif stratégique", désavouant à demi-mots M. Lieberman: "le moins que je puisse dire c'est que je suis mécontent des échanges de propos des deux derniers jours" entre Israël et la Syrie. "Tout cela relève de la posture et ça va se calmer dans deux ou trois jours, car ni Israël ni la Syrie ne souhaitent déclencher une guerre", a estimé Eyal Zisser, professeur de l'institut Moshe Dayan auprès de l'université de Tel-Aviv. Selon ce spécialiste de la Syrie, les déclarations d'Ehud Barak "ont été mal formulées et mal interprétées par les Syriens, car elles étaient destinées à un usage interne pour convaincre Benjamin Netanyahu d'engager des négociations avec la Syrie". A Beyrouth, le sénateur français Philippe Marini, chargé par le chef d'Etat français d'une mission de contacts sur la Syrie, a estimé après avoir rencontré cette semaine le président syrien que Damas parlait "plutôt de paix que de guerre". En Israël, la personnalité controversée de M. Lieberman, connu pour son style pugnace, est également mise en cause. Un ex-directeur général du ministère des Affaires étrangères et ex-ambassadeur en Turquie, Alon Liel, a ainsi annoncé qu'il "renonçait à son passeport diplomatique" pour dénoncer la tournure dangereuse que prend selon lui la diplomatie israélienne sous la direction de M. Lieberman. Un dirigeant du parti Kadima (centriste), principal parti d'opposition, l'ex-ministre de la Défense Shaoul Mofaz, a pour sa part dénoncé les propos "irresponsables" du ministre, tandis que le député travailliste Eitan Cabel exhortait M. Netanyahu à destituer M. Lieberman. La Syrie et Israël avaient engagé en mai 2008 des négociations indirectes, par l'intermédiaire de la Turquie, portant sur le plateau du Golan occupé par Israël en 1967 puis annexé, ainsi que sur un éventuel accord de paix. Mais ces discussions ont été rompues après l'offensive israélienne contre la bande de Gaza il y a un an, alors que l'actuel gouvernement israélien de droite exclut un retrait intégral du Golan exigé par la Syrie .