À quelques jours de la réunion du Conseil de Sécurité, l'émissaire onusien pour le Sahara, Staffan De Mistura, a recommandé la partition du territoire. Un plan controversé qui soulève des doutes quant à sa crédibilité. Décryptage. Déboussolé, l'Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies pour le Sahara, Staffan De Mistura, a fini par se décrédibiliser lui-même aux yeux de tout le monde en optant pour une solution saugrenue pour le conflit du Sahara qui bouclera bientôt son cinquantième anniversaire. Il a eu beau sillonner le monde entier à la rencontre des parties concernées et les pays observateurs en quête d'une idée ingénieuse, il a fini par choisir la facilité. Alors que l'initiative d'autonomie proposée par le Maroc en 2007 est plébiscitée majoritairement par la communauté internationale, l'émissaire onusien s'est résigné à exhumer la vieille idée de la division du territoire. Devant les membres du Conseil de Sécurité, il a proposé l'idée de partition lors de son briefing traditionnel présenté, mercredi dernier, à New York lors d'une réunion à huis clos. Rejeté à la fois par le Maroc et le Polisario, ce plan controversé consiste à créer un Etat indépendant dans la partie Sud du Sahara et intégrer le reste du territoire au Royaume pour qu'il puisse y exercer pleinement une souveraineté reconnue internationalement. En gros, le plan est surréaliste puisqu'il viole ouvertement l'intégrité territoriale du Royaume sur un territoire qui lui revient de droit et par la légitimité historique et sur lequel il est factuellement souverain. Ce plan, rappelons-le, n'est qu'une idée pour l'instant qu'il n'a fait l'objet d'aucune présentation formelle aux parties au conflit.
Ce plan s'inscrit en porte-à-faux avec l'évolution implacable du dossier sur le plan politique. De Mistura semble faire fi du soutien international croissant à l'initiative d'autonomie proposée en 2007. Une réalité incontestable qui s'ajoute à la longue liste de pays ayant reconnu officiellement la souveraineté du Maroc et ouvert, en plus, des représentations consulaires dans les provinces du Sud. Lorsqu'il a rencontré la dernière fois le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, De Mistura a compris que le Maroc n'acceptera jamais aucune solution en dehors de la souveraineté marocaine. Face à cela, il a jugé que "le moment était venu pour le Maroc d'expliquer et de développer sa proposition d'autonomie de 2007". "Le moment est venu pour moi et pour tous mes interlocuteurs d'explorer les modalités que le Maroc envisage concrètement", a-t-il ajouté. De l'autre côté, le Polisario reste dogmatiquement acoquiné aux vieilles lunes de l'autodétermination dont l'ONU a remis en cause la faisabilité technique en soulignant l'impossibilité d'appliquer un référendum vu les difficultés de déterminer le corps électoral.
Le spectre de James Baker !
En proposant une telle proposition, l'émissaire onusien ne fait pas preuve d'ingénuité pour peu qu'il se contente de déterrer une vieille idée de l'ancien Envoyé personnel James Baker. Ce plan avait aussitôt passé à la trappe quand il fut proposé il y a vingt ans. En novembre 2001, l'ex-Secrétaire d'Etat américain en avait parlé avec le président algérien de l'époque, Abdelaziz Bouteflika, qui avait approuvé la division du territoire trahissant ainsi ses véritables motivations derrière ce conflit. Le voisin de l'Est avait montré ainsi qu'il cherchait juste à diviser le Royaume au mépris de la prétendue cause du Polisario qui passait au cadet de ces soucis. Pour sa part, le front séparatiste avait observé à l'époque un silence sépulcral qui montrait à quel il est enchaîné à la volonté de son parrain. A ce moment, le Maroc avait sévèrement réagi via un communiqué du ministère des Affaires étrangères en rejetant en bloc cette solution. Mais De Mistura s'efforce de croire que cette partition serait une solution médiane pour concilier les revendications des deux parties. Il semble, en y pensant, oublier ce que signifie une telle proposition pour le Maroc : renier sa souveraineté et son intégrité territoriale qui font l'objet d'un consensus national.
Aveu d'échec ?
"En voulant imposer n'importe quelle solution à tout prix dans une situation de blocage du processus politique, De Mistura s'est retrouvé à suggérer une piste ridicule au mépris des dernières Résolutions adoptées ces dernières années par le Conseil de Sécurité", fait remarquer Mohammed Badine El Yattioui, Professeur d'Etudes Stratégiques au National Defence College (NDC) des Emirats Arabes Unis. Notre interlocuteur a l'intime conviction que cette maladresse de l'émissaire onusien est le fruit de la situation de blocage du processus politique auquel l'Algérie refuse de participer bien qu'elle soit la principale partie par son soutien total au Polisario.
"C'est assez troublant qu'un diplomate aussi chevronné que lui en vienne à proposer une solution qu'il savait dès le départ qu'elle allait être rejetée", regrette M. El Yattioui, qui fait état d'un échec patent de l'émissaire onusien qui a eu de la peine à débloquer le processus politique.
Et les Tables rondes ?
Bien qu'il soit un diplomate incontestablement aguerri, De Mistura semble à bout d'inspiration pour relancer le processus politique au point mort depuis 2019. Il a échoué à ressusciter les Tables rondes que son prédécesseur, Horst Kohler, a lancées en 2018 et 2019. Ce dernier était parvenu à réunir toutes les parties concernées, y compris l'Algérie, autour de la table de négociation à Genève. Depuis sa démission, Alger, dont le régime s'est radicalisé de façon inédite, s'est retirée de ce processus sous prétexte qu'il est obsolète. Alger continue de prétendre qu'il n'est qu'un simple observateur comme l'a réitéré son Chef de la diplomatie, Ahmed Attaf, lors de son dernier face à face avec De Mistura. Curieusement, ce dernier n'est pas si tatillon sur le rôle de l'Algérie et ne semble pas très enthousiaste à relancer les Tables rondes bien que les dernières Résolutions du Conseil de Sécurité appellent "toutes les parties" à contribuer à reprendre le dialogue.
Aussi, l'émissaire onusien assiste impuissant à la radicalisation du Polisario qui continue de revendiquer officiellement et ostensiblement son retrait de l'accord de cessez-le-feu depuis 2020 avec une appétence visible pour les actes terroristes. De l'autre côté, le Maroc reste sur la défensive en se réservant le droit de légitime défense au mur des sables tout en réaffirmant incessamment son attachement à l'accord de 1991. L'échec de l'émissaire onusien de faire face impartialement aux vélocités guerrières du Polisario et à ramener l'Algérie au dialogue soulève beaucoup de questions sur sa capacité à faire la différence. Sa proposition incongrue renforce les doutes sur son avenir. Trois questions à Mohammed Badine El Yattioui : "La partition est en contradiction avec les dernières Résolutions du Conseil de Sécurité" * Que pourraient être les raisons qui ont poussé De Mistura à proposer un plan si irréaliste ?
Parmi les raisons qui ont poussé De Mistura à faire le choix de la partition est le blocage imposé par l'Algérie qui refuse de participer au processus politique et notamment aux Tables rondes bien qu'elle soit directement impliquée au conflit. Face à un tel embarras, l'émissaire onusien s'est senti obligé de proposer quelque chose à tout prix aussi inacceptable soit-elle. L'idée de partition, pour le Maroc, renvoie à une vision passéiste et dépassée d'autant que ce plan issu de l'ère Baker a été refusé catégoriquement dès 2002 par le Royaume. N'oublions pas aussi que cette initiative fut prise à l'initiative du président algérien Bouteflika qui lui avait soufflé cette piste. Maintenant, on voit très bien que Staffan De Mistura est dans une situation d'échec personnel. C'est ce qui explique qu'il se soit résigné à proposer une solution désuète rejetée par le passé et qui est en porte-à-faux des dernières Résolutions du Conseil de Sécurité.
* S'agit-il d'un aveu d'échec ?
Il est évident que l'émissaire onusien fait preuve d'un échec cuisant. On ne s'attendait pas à ce qu'un diplomate de son calibre finit par choisir une solution vieille de 22 ans sans prendre en compte tout ce qui s'est passé depuis 2007, à savoir le soutien croissant et irréversible de la communauté internationale au plan d'autonomie et les succès indéniables de la diplomatie marocaine dans ce dossier. On peut faire fi de plusieurs avancées majeures telles que la reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc, le soutien exclusif de l'Espagne et de plusieurs pays européens au plan d'autonomie, en plus de la récente décision de la France. Tous ces grands pays sont d'accord pour dire que la seule solution crédible et réaliste pour clore ce vieux conflit qui n'a que trop duré est l'autonomie sous souveraineté du Maroc.
* A quoi faut-il s'attendre de la prochaine réunion du Conseil de Sécurité ?
Il paraît assez clair que le Conseil de Sécurité va proroger le mandat de la MINURSO d'un an supplémentaire tel que recommandé par le Secrétaire général. Il est fort probable aussi qu'une grande partie des membres du Conseil, dont des membres permanents, soutiennent sans équivoque le plan d'autonomie. Encore faut-il suivre attentivement le vocabulaire qui sera employé par chaque pays. En tout cas, on peut espérer une Résolution manifestement favorable aux intérêts du Maroc du fait du soutien des Etats-Unis et de la France.
Camps de Tindouf : Un constat macabre ! Lors de son exposé, De Mistura a fait état du degré de frustration et de misère qui règnent au sein des camps de Tindouf. "Le niveau de désespoir est si difficile à décrire et à estimer", écrit-il dans son briefing. Dans le huitième paragraphe, il décrit une atmosphère morose où les divisions et les règlements de compte sont monnaie courante entre les clans rivaux qui s'accusent mutuellement de violations des droits de l'Homme. "Je reviens tout juste de ma troisième visite dans les camps de réfugiés de Tindouf, où j'ai été une fois de plus frappé par la misère des conditions de vie et l'absence de perspectives d'une vie meilleure", a-t-il confié. Il reconnaît lui-même avoir senti à quel point les populations des camps vivent dans l'incertitude d'une jeunesse désoeuvrée et en perte de confiance.
Conseil de Sécurité : Le SG de l'ONU recommande le renouvellement du mandat de la MINURSO Le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a rendu public, jeudi, son rapport annuel sur le Sahara marocain, dans lequel il recommande au Conseil de sécurité de proroger d'une année le mandat de la MINURSO, jusqu'au 31 octobre 2025.
Comme les années précédentes, ce rapport aborde les récents développements qu'a connus la question du Sahara marocain, aussi bien sur le terrain qu'au niveau international.
Il donne un aperçu sur l'évolution du processus politique depuis octobre dernier jusqu'à maintenant.
Il aborde, également, les aspects sécuritaires en relation avec l'action de la MINURSO, notamment en ce qui concerne ses activités civiles et les défis que rencontre la mise en œuvre de son mandat.
Le rapport examine, en outre, la question des droits de l'Homme, en soulignant l'assistance aux populations séquestrées dans les camps de Tindouf, ainsi que la protection des droits de l'Homme au Sahara marocain et les violations des droits et des libertés fondamentaux dans les camps.
Il conclut par des recommandations, dont celle, particulièrement, sur la prorogation du mandat de la MINURSO pour une durée de 12 mois.
Le Conseil de sécurité se réunira le 30 octobre courant pour adopter la nouvelle Résolution sur le Sahara marocain, qui sera présentée par le porte-plume américain.