«Quand viendra le moment d'avancer de manière décisive sur la question du Sahara occidental ?» s'est demandé l'envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies, Staffan de Mistura, en notant que l'année prochaine marquera le cinquantième anniversaire du début du conflit. C'est, pour lui, l'heure de vérité. C'est ce qui ressort de l'exposé qu'il a fait devant le conseil de sécurité le 16 octobre et qu'il a entamé en soulignant que le moment était venu «de faire une évaluation franche.» Par «souci de transparence», De Mistura a mis sur la table les deux options sur lesquelles il dit avoir travaillé ces derniers mois : la partition du territoire et l'autonomie. Partition revisitée En ce qui concerne la partition, l'envoyé personnel a indiqué avoir «revisité» et «développé avec toutes les parties concernées» le concept qui avait déjà été présenté par le premier envoyé personnel, James Baker, en 2002. De Mistura précise que, lors de ses consultations, «certains pays de la région et d'ailleurs» ont manifesté «un certain intérêt pour cette possibilité de division du territoire», mais qu'il n'a perçu «aucune volonté d'envisager d'explorer cette possibilité», ni de la part du Maroc ni de la part du polisario. Il le regrette, en ajoutant que cette idée lui semblait «digne d'être prise en compte, dans le contexte d'une éventuelle solution mutuellement convenue.» Exit donc la partition, en raison de la position négative du Maroc et du polisario sur une telle option. Notons cependant que la proposition d'un partage territorial apparait très difficile à réaliser pour plusieurs raisons, dont la première est le refus catégorique du Maroc, qui a déjà eu l'occasion de rejeter cette option. L'Algérie, en effet, a soumis, au cours d'une visite de son président à Houston, en novembre 2001, un projet de partition du territoire, octroyant, grosso modo, Sakia El Hamra au Maroc et Oued Eddahab au polisario. Dans son rapport S/2002/178 (19/02/2002), le secrétaire général des Nations unies indiquait que selon J. Baker, «l'Algérie et le polisario seraient disposés à examiner ou à négocier une division du territoire comme solution politique au différend concernant le Sahara occidental.» Le 21 février 2002, l'ambassadeur algérien à l'ONU écrivait au secrétaire général, «s'agissant de la troisième option [partition]… l'Algérie voudrait réitérer ici qu'elle demeure disposée à examiner toute proposition de solution politique qui prendrait pleinement en charge les intérêts nationaux légitimes du peuple sahraoui.» Nous avons déjà posé la question ailleurs, nous la réitérons ici : Comment l'Algérie, qui a toujours prétendu qu'elle «ne saurait se substituer au polisario», peut-elle vouloir «examiner toute proposition de solution» ? Cette option a été refusée par le Maroc, qui ne s'est pas fait faute, à l'époque, de dénoncer la duplicité algérienne et le peu de cas que le gouvernement algérien fait des principes qu'il prétend défendre. La proposition algérienne ne visait pas seulement la création d'un pseudo-Etat, qui aurait été inféodé à son régime, mais aussi et surtout à affaiblir le Maroc en le séparant de la Mauritanie, le coupant de ses racines et, au-delà, du reste de l'Afrique. Proposition obsolète Dans le discours du 6 novembre 2017, le roi Mohammed VI a rappelé les fondamentaux de la position marocaine : – Aucun règlement n'est possible en dehors de la souveraineté pleine et entière du Maroc sur son Sahara, et en dehors de l'Initiative d'autonomie. – Les parties à l'origine de ce différend doivent assumer pleinement leur responsabilité dans la recherche d'un règlement définitif. – Le Conseil de sécurité est la seule instance internationale chargée de superviser le processus de règlement. – Le rejet catégorique de toute proposition obsolète. La partition est à ranger dans la catégorie des propositions obsolètes. Autonomie Quant à l'initiative d'autonomie proposée par le Maroc en 2007, de Mistura note que le conseil de sécurité y a fait référence à plusieurs reprises, la dernière fois dans la résolution 2703 (2023), en louant les «efforts sérieux et crédibles» du Maroc. L'envoyé personnel fait remarquer que l'autonomie peut être «un modèle de réussite», comme ce fut le cas «dans dans de nombreuses situations à travers le monde», notamment en Ecosse, au Groenland, dans le Trentin-Haut-Adige, etc. De Mistura estime que le plan marocain d'autonomie a suscité de l'intérêt mais il a créé aussi «une attente, peut-être même un droit, de mieux comprendre ce que ce plan implique.» Un «droit», selon lui, pour «les populations concernées», pour le conseil de sécurité et, croit-il pouvoir ajouter, «pour les pays qui ont exprimé leur soutien à l'initiative.» Il estime le moment venu, «sans préjuger de la solution choisie pour un règlement de la question du Sahara occidental... d'explorer les modalités que le Maroc envisage concrètement.» Il est donc nécessaire, souligne-t-il, que le Maroc explique et développe sur sa vision. Apparemment, cette préoccupation de l'envoyé personnel aurait été comprise. En définitive, De Mistura n'est pas vraiment sorti des rails comme certains médias l'ont hâtivement donné à penser sur la foi d'une dépêche d'agence. Comme ses prédécesseurs, il est simplement arrivé à un moment crucial de sa mission, où il devait procéder à une évaluation de la situation. On est loin de l'alternative initiale, où les options envisagées étaient soit l'indépendance, soit l'intégration au Maroc. On est loin aussi de l'ultimatum de James Baker qui, en février 2002, avait proposé au Conseil de sécurité quatre options : – Application du plan de règlement sans l'accord des parties, – Révision de l'accord-cadre sur une base non négociable, – Partition du territoire, – Retrait définitif de la Minurso. De Mistura, dans son exposé, a «pris note» des paroles du roi Mohammed VI, dans son discours au Parlement le 11 octobre, et rappelé la lettre du président Emmanuel Macron, notant que «le plan d'autonomie marocain gagne du terrain auprès de certains acteurs internationaux.» Il a souligné que «l'Algérie a rappelé son ambassadeur à Paris après la publication de la lettre» de Macron. Six mois pour décider L'envoyé personnel a évoqué «la misère, le désespoir et la frustration» qui sévissent dans les camps de Tindouf, mais à aucun moment, il ne s'est posé une question fondamentale, qui est de savoir qui empêche la population des camps de retourner au Maroc. Il a, en revanche, exprimé ses craintes sur la stabilité et la sécurité dans la région en raison de «la situation actuelle entre l'Algérie et le Maroc, avec la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays et d'autres manifestations de tension.» Pendant ce temps, le régime algérien continue à soutenir que «son pays ne se considère pas comme partie au conflit.» En conclusion, De Mistura s'est donné six mois pour essayer d'avancer, faute de quoi et s'il n'était pas en mesure de faire part au Conseil de «progrès significatifs et d'éclaircissements en avril 2025», il donne à entendre, à son tour, que la facilitation par l'ONU du processus politique sur le Sahara occidental devra être réévaluée. À ce stade, tout donne à penser que de grandes manœuvres ont commencé.