Engagé dans sa première tournée régionale après sa prise de fonctions, Staffan De Mistura s'est rendu au Maroc et aux camps de Tindouf dans l'espoir de relancer le processus politique. Mission compliquée compte tenu du déphasage du polisario. Détails. À bord du jet privé mis à sa disposition par le gouvernement espagnol, le nouvel Envoyé personnel du Secrétaire Général des Nations Unies pour le Sahara, Staffan De Mistura, sillonne le Maghreb dans le cadre de sa première tournée régionale après la prise de ses fonctions. Cette première tournée se déroule dans un climat, pour le moins que l'on puisse dire, tendu, et qui semble avoir l'allure d'une initiation de l'émissaire onusien à un dossier inextricable qu'aucun de ses prédécesseurs n'a su régler. Armé de sa réputation et de ses talents diplomatiques, De Mistura est censé relancer le processus politique, au point mort depuis la démission de Horst Kohler en 2019, et ce, conformément à la Résolution 2602 du Conseil de Sécurité, qui a appelé au retour du processus des tables rondes, «dans un esprit de réalisme et de compromis, pour parvenir à une solution politique réaliste, pragmatique, durable, et basée sur le compromis». Ce à quoi rechigne l'Algérie, très contrariée par la Résolution onusienne, et qui veut se soustraire définitivement à sa responsabilité dans ce conflit qui dure depuis plus de quarante-cinq ans. Alger, par la voix d'Amar Belani (envoyé spécial de l'Algérie pour le Sahara), a jugé ce processus d'»obsolète», une façon astucieuse pour justifier son retrait. C'est dans ces conditions que l'émissaire onusien doit mener sa mission ardue. Le Maroc droit dans ses bottes Le Maroc a été la première étape de la tournée de Staffan De Mistura qui a rencontré le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, en compagnie d'une délégation de haut niveau. Cette rencontre a été l'occasion de réitérer la position du Royaume, connue de tout le monde et que l'on peut résumer ainsi : un engagement sincère envers le processus onusien, avec le plan d'autonomie comme horizon indépassable de toute solution envisageable. Aussi, la présence de l'Algérie sur la table de négociations est-elle exigée pour arriver vite à une solution, du moment que le voisin de l'Est est le parrain du polisario, l'abrite sur son sol et le soutient militairement, financièrement et diplomatiquement. A cet égard, le grand défi de Staffan De Mistura est de persuader Alger de prendre part au processus politique, ce qui est d'autant plus difficile après la rupture des relations diplomatiques entre le Maroc et l'Algérie qui n'ont plus de canaux de communication officiels. Par ailleurs, compte tenu des victoires diplomatiques qu'il a pu engranger ces dernières années avec la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara et les ouvertures des consulats de plusieurs pays dans les provinces du Sud, le Maroc est, plus que jamais déterminé à résoudre ce dossier d'autant que la communauté internationale reconnaît la crédibilité du plan d'autonomie qui respecte la spécificité culturelle des populations marocaines du Sahara et leur confère un droit de gérer de façon autonome les ressources de la région. Suite à son entrevue avec Nasser Bourita, Staffan De Mistura s'est rendu, samedi, à Tindouf, pour rencontrer les dirigeants du front polisario, au moment où le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, s'est envolé vers les Emirats Arabes Unis pour remettre un message écrit du président algérien adressé à son homologue émirati Khalifa Bin Zayed Al Nahyan, selon l'agence de presse officielle Wam. Un signe de désintérêt ou une façon de faire comprendre que l'Algérie n'a nulle intention d'assumer ses responsabilités dans le conflit ? Déphasage et confusion du polisario Comme attendu, le front séparatiste n'a pas manqué de prouver qu'il demeure en déphasage complet avec la réalité. En continuant à véhiculer la propagande belliciste et à croire à la guerre sainte qui n'existe que dans son imaginaire et dans ses communiqués de l'APS, le polisario a donné l'impression d'être dépassé par les événements et de ne pas être assez crédible. Un jour avant l'arrivée de l'émissaire onusien aux camps de Tindouf, les dirigeants du front, sous l'effet de l'exaltation, ou d'un excès de zèle, ont commencé à tenir des propos contradictoires, manifestant ainsi leur confusion qui dure depuis que le Conseil de Sécurité a ouvertement soutenu la thèse marocaine, le 27 octobre dernier. Lors d'un point de presse, dont les détails ont été relayés par des médias proches du front séparatiste, le supposé représentant du front à New York, Mohammed Ammar, est allé jusqu'à hausser le seuil des revendications du polisario en revendiquant directement l'indépendance sans passer même pas par le référendum. Avec un discours fantasmagorique, ce dernier a ressassé les propos belliqueux, réaffirmant le droit de recourir à la lutte armée. Renier le référendum qui fut la principale revendication du front polisario depuis sa création signifie qu'il est en perte de vue, désemparé et dépassé par les événements. Ces propos ont été vite contredits par Abdelkader Taleb Omar, représentant du polisario en Algérie, qui a désavoué son «camarade'', en s'attachant à l'option référendaire. Selon lui, le référendum devrait résoudre le problème, ceci reste loin de toute réalité sachant que l'ONU elle-même a reconnu l'impossibilité d'organiser cette option compte tenu des difficultés de définir le corps électoral. Ceci-dit, le fameux référendum n'est plus à l'ordre du jour et est passé aux oubliettes. Pour sa part, le membre du Secrétariat, chargé de l'Europe et de l'Union Européenne, Oubbi Bouchraya El Bachir, qui passe son temps à ressasser les éléments de langage du discours séparatiste, sur les plateaux de télévisions occidentales, a quant à lui appelé à l'implication de l'Union Africaine dans le règlement du conflit. Ceci demeure non conforme aux décisions du Sommet de l'UA de Nouakchott de 2018, qui a reconnu la compétence exclusive des Nations Unies sur le dossier du Sahara, puisque les Résolutions du Conseil de Sécurité demeurent l'unique référence en la matière. Outre cela, le représentant du polisario a fustigé la Résolution 2602 du Conseil de Sécurité qui, selon lui, est dépourvue de volonté, avançant que le CS préfère se dissimuler derrière l'Envoyé personnel du SG onusien. Ces propos contradictoires et déphasés font état de la confusion qui règne au sein de l'intelligentsia polisarienne à la première visite de Staffan De Mistura. S'en prendre au Conseil de Sécurité n'est pas de nature à faire avancer les choses et ne fait que rapetisser la position du front séparatiste aux yeux de la communauté internationale. Incapable de réalisme et de voir les choses en face, le polisario s'efforce de compliquer la tâche du nouvel émissaire onusien, à peine investi dans sa nouvelle mission. Ce dernier a eu des entretiens préliminaires avec des représentants du polisario, avant d'avoir fait une visite de terrain au sein des camps des séquestrés. Une visite protocolaire et routinière faite par tous ses prédécesseurs.