Dans sa lettre de Probité inaugurant l'année 2024, l'Instance Nationale de la Probité, de la Prévention et de la Lutte contre la Corruption (INPPLC) relève les défis persistants au Maroc pour lutter contre la corruption. En mai 2016, le Royaume a lancé officiellement la stratégie nationale de lutte contre la corruption, alors qu'il était classé à la 90ème place de l'indice de perception de la corruption par Transparency International. Une stratégie qui s'articulait autour de la gouvernance, la prévention, la répression, la sensibilisation, la formation et le renforcement des mécanismes étatiques liés aux services sociaux. Huit ans plus tard et malgré les différentes mesures d'accompagnement mises en place par l'Etat, les résultats font toujours défaut. Dans une Lettre de Probité au titre de l'année 2024, l'Instance Nationale de la Probité, de la Prévention et de la Lutte contre la Corruption (INPPLC) révèle une perception négative omniprésente de la corruption, touchant divers secteurs de la société. En effet, l'Indice de Perception de la Corruption (IPC) de Transparency, qui scrute la probité des pays sur une échelle allant de 0 (très corrompu) à 100 (très propre) sur 180 pays, a classé le Maroc au 97ème rang en 2023, avec une chute de trois places par rapport à l'année précédente, et avec seulement 38 points sur 100. Bien qu'il devance des pays tels que l'Algérie, l'Egypte et la Mauritanie, il est surpassé par les Emirats Arabes Unis, le Qatar, la Jordanie et la Tunisie. De plus, il est souligné que 53% des citoyens marocains estiment que la corruption aurait augmenté au cours de la dernière année, tandis que 31% admettent avoir eu recours à des pratiques corruptrices pour accéder aux services publics. Une régression qui démontre la nécessité urgente de redoubler d'efforts dans la lutte contre ce fléau qui mine la confiance des citoyens et des investisseurs. Sonnette d'alarme de l'INPPLC. Le dernier rapport de l'INPPLC, qui révèle une omniprésence de la corruption dans plusieurs secteurs, confortant ainsi le bilan dressé par Transparency, précise que la corruption se classe parmi les principales préoccupations pour les résidents, les Marocains expatriés et les entreprises interrogées. En ce qui concerne la liberté économique, la même source précise que le Royaume a obtenu un résultat négatif dans l'indicateur subsidiaire lié à l'efficacité judiciaire avec un score de 32,8 sur 100. Le rapport souligne, par ailleurs, les disparités sectorielles dans les niveaux de corruption, avec le secteur de la Santé et la scène politique en tête de liste. Les pratiques « corrompues » dans des domaines tels que l'emploi public, les nominations et le développement de carrière, ainsi que les aides sociales, suscitent des préoccupations croissantes, mais dégradent également la confiance de la population. Les entreprises signalent quant à elles, selon le rapport, des difficultés majeures dans l'obtention de licences, des autorisations « facilitées » et des contrats publics, compromettant ainsi un environnement commercial sain et équitable.
Un aspect préoccupant mis en avant par le rapport est le faible taux de plaintes et de dénonciations, suggérant un manque de confiance en les mécanismes de lutte contre la corruption et une crainte généralisée des représailles. D'ailleurs, Mohamed Bachir Rachidi, président de l'Instance anti-corruption, avait relevé, en décembre dernier, la baisse notable du nombre de dossiers soumis à la justice. Ceci souligne, d'après l'Instance, la nécessité de renforcer les mesures de protection des lanceurs d'alerte et de garantir leur sécurité. Facteurs structurels. Les causes profondes de la corruption sont multiples et complexes, allant du désir d'enrichissement rapide à la lenteur des procédures administratives, en passant par le manque d'éthique et de surveillance. Les entreprises justifient souvent les pots-de-vin comme étant un moyen d'obtenir des avantages compétitifs ou d'accélérer les processus, soulignant ainsi la nécessité de réformes structurelles et d'une culture d'intégrité. Malgré les initiatives de sensibilisation et de coopération de l'INPPLC, une partie écrasante de la population et des entreprises estime que les efforts actuels de lutte contre la corruption restent inefficaces. Les mesures recommandées incluent une application plus stricte des lois anticorruption, une sensibilisation accrue du public et le renforcement des mécanismes de surveillance et de dénonciation. Il est à rappeler que, depuis 2016, cette tendance alarmante est attribuée à un « affaiblissement mondial des systèmes judiciaires », réduisant ainsi la responsabilité des agents publics et créant un terrain propice à l'impunité. Les actes de corruption, tels que les pots-de-vin et les abus de pouvoir, ont infiltré de nombreux tribunaux et institutions judiciaires à travers le monde, selon l'Organisation Non-Gouvernementale. Médias et Justice pour la riposte ! En outre, le rapport met en lumière le rôle crucial du journalisme d'investigation dans la lutte contre la corruption, notant que les médias jouent un rôle essentiel dans la sensibilisation du public et la dénonciation des pratiques corrompues, contribuant ainsi à renforcer la reddition de comptes et la transparence. Sans oublier que le Code pénal marocain punit la corruption publique d'une durée d'emprisonnement allant de 2 à 5 ans et d'une amende de 2.000 à 50.000 dirhams. La corruption privée est, quant à elle, sanctionnée d'une peine comprise entre 1 et 3 ans et d'une amende de 5.000 à 50.000 dirhams. Cela dit, les résultats des enquêtes menées par l'INPPLC et Transparency soulignent l'urgence d'actions concrètes et coordonnées de la part des autorités, de la société civile et du secteur privé pour combattre efficacement la corruption et promouvoir la transparence et la probité au Maroc. Dans ce sens, Mohammed Bachir Rachdi, qui prenait part à la 10ème conférence des Etats parties à la Convention des Nations Unies Contre la Corruption (CNUCC), a déclaré que la lutte contre la corruption est désormais érigée en priorité nationale pour réaliser un développement solide et inclusif. Il a ainsi mis l'accent sur l'importance de l'approche multidimensionnelle des politiques publiques en matière de lutte contre la corruption.