Le ministère de la Justice n'est pas encore prêt à abandonner les amendes journalières, même si elles n'ont pas été retenues dans la loi sur les peines alternatives. Détails. Depuis l'adoption de la loi sur les peines alternatives, la question des amendes journalières n'a eu de cesse d'enflammer le débat au moment où le ministère de la Justice semble maintenir le suspense sur cette mesure épineuse. Bien qu'elle n'ait pas figuré dans la liste des peines alternatives que l'Exécutif a adoptées dans la loi 22-43, l'amende journalière continue de faire couler beaucoup d'encre. Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, ne semble pas prêt à abandonner cette mesure fortement décriée par plusieurs avocats. Sur le plateau de 2M, le ministre s'est montré clair en disant haut et fort que cette peine aménagée n'est pas totalement abandonnée et qu'elle reste toujours d'actualité. « Cette question fait encore l'objet d'un débat acerbe », a-t-il reconnu, ajoutant : « J'ai appris que de nombreux parlementaires de la majorité sont attachés à cette mesure et pour cette raison nous allons poursuivre le débat ».
Pas la peine de s'inquiéter ! Connu pour être un interlocuteur coriace sur les plateaux télévisés, le ministre a saisi l'occasion de sa sortie médiatique pour faire un peu de pédagogie sur l'essence même de cette peine pour rassurer l'opinion publique. Il a pris soin d'expliquer que l'amende journalière ne serait pas accordée aussi aisément qu'on le penserait si elle était appliquée. « On ne peut pas réduire cette amende à acheter impunément des jours de prison », a -t-il insisté. D'abord, a poursuivi le ministre, il faut purger une partie de sa peine en réclusion avant d'avoir la possibilité de payer les amendes journalières qui sont octroyées à condition que le condamné manifeste une amélioration dans sa conduite et donne des signes de repentance. Ouahbi a tenu à rappeler également que le détenu ne peut bénéficier de cela s'il n'est pas parvenu à se réconcilier avec la victime en réparant le dommage qu'il lui a causé, qu'il soit matériel ou moral. L'argument de l'impunité Force est de constater que la mesure est plus problématique quand on l'aborde en arabe. Dans ce cas, on parle souvent d'acheter les jours de prison. C'est ce dont les gens ont horreur lorsqu'ils entendent parler d'une telle possibilité. Certes, les gens peuvent se sentir effarés à l'idée qu'un criminel ou une personne ayant commis des actes répréhensibles puisse monnayer sa peine. Ce qui induit certains à penser que cette amende journalière est synonyme d'impunité. Au moment où le ministre ne ferme pas la porte aux amendes journalières, le corps des avocats grince. Nombreux sont les robes noires qui sont rebutées par ces amendes. Jamila Sayouri, avocate au Barreau de Rabat, s'y oppose catégoriquement. A ses yeux, il est encore trop tôt pour qu'une telle possibilité voie le jour vu la corruption qui reste très ancrée dans notre société. « C'est une mesure dangereuse », a -t-elle alerté, rappelant que les avocats n'ont eu de cesse de critiquer cette nouveauté dès qu'elle a été annoncée pour la première fois. Si les robes noires sont si réticentes, c'est parce qu'elles redoutent le risque de manipulation de cette amende pour réduire les peines et échapper aux poursuites judiciaires. Pour sa part, le ministre de la Justice refuse de voir dans la réforme qu'il porte une sorte d'encouragement à la délinquance. Dans son esprit, la réforme du Code pénal est une question de renouveau et de modernisation d'un texte qu'il juge archaïque et surtout « trop sévère » qui privilégie l'emprisonnement. C'est ce qu'il a pris soin d'expliquer lors de son passage sur le plateau de 2M. « Nous avons 98.000 Marocains qui croupissent dans les prisons alors que la capacité d'accueil des établissements pénitenciers ne dépasse pas 50.000 personnes », a-t-il argué. Là, le ministre fait allusion au sempiternel souci de la surpopulation carcérale qui trouve ses racines dans un recours excessif à la détention préventive. Chaque année, les rapports de toutes les institutions concernées, comme le Ministère public ou la DGAP, montrent à quel point la part des personnes détenues à titre préventif est importante par rapport à la population carcérale totale. Force est de rappeler que près de 40% des personnes emprisonnées sont détenues provisoirement. D'où l'urgence des peines alternatives, perçues comme l'unique remède contre l'encombrement des prisons. Ceci dit, la réforme veut faire changer la nature du Code pénal pour qu'il soit tourné davantage vers la réinsertion.
Code pénal : bientôt le texte Jusqu'à présent, le Code pénal semble être finalisé, à en croire les précisions du ministre qui a reconnu que le texte aurait dû être adopté au mois d'avril dernier. Le retard qu'a pris cette réforme est dû au débat qu'elle a suscité au sein du gouvernement. Il est à rappeler que la seule question des peines alternatives a suscité tellement de divergences au sein de l'Exécutif que la loi a été reportée à plusieurs reprises avant qu'elle ne soit adoptée en Conseil de gouvernement, le 8 juin. Maintenant, la sortie du nouveau Code pénal demeure tributaire de celle de la Procédure du Code pénal. « On ne peut pas sortir le Code pénal sans que la procédure pénale soit prête », a indiqué Ouhabi à ce sujet, ajoutant qu'elle est finalisée et qu'elle sera ensuite transférée au Secrétariat général du gouvernement.