Afin de faciliter l'inclusion des personnes en situation de handicap sur le marché du travail au Maroc, l'ONU recommande entre autres la révision de la législation du travail en vigueur et le renforcement de la mise en œuvre du système de quotas. En effet, dans le Royaume, la part des opportunités d'emploi pour les personnes en situation de handicap (PSH) est bien inférieure à celle des autres personnes. Malgré les efforts fournis pour les intégrer dans le marché du travail, un écart subsiste et les attitudes et opinions des employeurs sont toujours négatives envers cette catégorie. Cela ne peut s'expliquer uniquement par leur incapacité ou leur réticence à travailler, ressort-il d'une nouvelle étude de la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l'Asie occidentale (CESAO) intitulée « Personnes handicapées : Enquête sur les perceptions du marché du travail au Maroc » qui donne un aperçu des perceptions des employeurs quant à l'embauche de ces personnes au Maroc. Elle met aussi en évidence les obstacles dans les attitudes des employeurs et dans les environnements de travail qui empêchent ces personnes de participer sur un pied d'égalité avec les autres au marché du travail.
Les conclusions de cette étude, faut-il le noter, sont basées sur les résultats d'une enquête menée en 2021 par la CESAO auprès de 82 entreprises des secteurs public et privé de différentes tailles et domaines au Maroc, afin de connaître leurs perceptions des facteurs qui entravent l'inclusion des personnes en situation de handicap sur le marché du travail. Le secteur privé constituait 85 % de l'échantillon, contre 15 % pour le secteur public.
Plus de la moitié (42) des établissements inclus dans l'échantillon n'avaient pas d'employés en situation de handicap. En revanche, l'autre moitié (40 établissements) comptait parmi ses employés des personnes en situation de handicap, est-il souligné.
Perceptions et idées fausses des employeurs
Premier résultat ainsi soulevé par l'étude : 76 % des institutions (et entreprises) sondées estiment que l'emploi de personnes en situation de handicap nécessite d'énormes budgets de la part des gouvernements et des institutions, tandis que 62 % considèrent que cette catégorie de personnes est plus exposée que les autres aux accidents de travail.
L'étude montre aussi que plus de 77,5 % des répondants estiment qu'il est difficile d'offrir des aménagements en milieu de travail aux employés en situation de handicap.
De plus, 82,5 % pensent qu'il existe des emplois plus adaptés à cette catégorie de personnes, contre 17,5 % qui pensent le contraire. Ainsi, d'après les auteurs de cette étude, deux conclusions contradictoires peuvent être tirées ici : soit ces réponses indiquent une incitation à orienter les personnes handicapées vers certains métiers et emplois ; soit ils tentent de justifier l'incapacité des institutions à intégrer les personnes handicapées sur le lieu de travail, servant ainsi d'excuse pour se soustraire à ce devoir sociétal.
Les résultats de l'enquête montrent également une croyance répandue parmi les employeurs selon laquelle les personnes en situation de handicap manquent de capacité suffisante de créativité et d'innovation dans les emplois techniques, tels que l'ingénierie et les technologies de l'information et de la communication, ce qui les porte à croire que les emplois traditionnels tel que l'artisanat sont plus appropriés à leurs capacités.
Taux d'emploi par type de handicap
Les résultats de l'enquête font ressortir, d'autre part, que les personnes déficientes visuelles sont plus susceptibles d'être employées dans des institutions et des entreprises des secteurs public et privé qui emploient des personnes handicapées, comptant entre 1 et 26 personnes à déficiences visuelles. Viennent ensuite les personnes en situation de handicap physique, allant de 1 à 19 individus.
Les personnes malentendantes arrivent en troisième position, allant de 1 à 16 individus. Les personnes en situation de handicap mental sont les moins fortunées, variant entre 1 et 3 individus. La plupart des personnes employées auprès de ces différents établissements et souffrant de handicap sont des hommes, tient à relever l'étude.
Ces différences d'emploi entre les institutions mettent en évidence un manque de politiques d'emploi claires à l'adresse des personnes en situation de handicap dans la plupart des institutions et entreprises des secteurs public et privé au Maroc, souligne l'étude.
Celle-ci montre en effet que seules 36 % d'entre elles environ ont adopté une stratégie d'emploi inclusive. Elle révèle aussi qu'environ 87 % des institutions et entreprises indiquent que les lois en vigueur régissant les questions de handicap au niveau national ne contribuent pas à améliorer l'employabilité des personnes handicapées, en raison de nombreuses restrictions liées à la mise en œuvre de ces lois dans la pratique.
L'étude montre également qu'environ 87 % des participants à l'enquête ont déclaré être au courant du système de quotas pour l'emploi de personnes handicapées dans leurs établissements, mais le plus grand défi réside dans l'application de ce système.
Disparités entre les sexes
L'étude nous apprend, par ailleurs, que les institutions et entreprises des secteurs public et privé ont affirmé que le sexe n'était pas un critère qui facilitait ou restreignait le processus d'embauche des personnes handicapées et que les femmes handicapées pouvaient s'intégrer sur le lieu de travail au même titre que les hommes dans les mêmes circonstances. En effet, plus de 67 % des organisations participantes qui emploient des personnes en situation de handicap estiment que l'embauche d'une femme en situation de handicap n'est pas plus difficile que l'embauche d'un homme handicapé, contrairement aux autres institutions participantes.
Aménagements raisonnables
Les résultats de l'enquête indiquent, d'autre part, que trois établissements sur quatre qui comptent des employés ayant une déficience auditive ont adapté l'environnement de travail à leur avantage.
De plus, les résultats montrent que seulement un établissement sur cinq qui compte des employés ayant une déficience visuelle a adapté l'environnement de travail au profit d'un employé ayant une déficience visuelle.
En ce qui concerne les déficiences mentales, l'enquête montre que trois des établissements participants qui ont des employés ayant des déficiences mentales n'ont entrepris aucune mesure d'adaptation en milieu de travail.
De plus, 80 % des organisations participantes ont déclaré ne pas avoir d'employés ou d'utilisateurs responsables du suivi et de la surveillance des programmes d'adaptation des lieux de travail pour les personnes handicapées. La grande majorité des organisations (82,5%) ont déclaré qu'elles n'avaient pas de stratégie pour adapter le lieu de travail aux besoins des personnes handicapées.
Recommandations
Côté recommandations, l'étude suggère une série de mesure visant à faciliter l'inclusion des personnes en situation de handicap sur le marché du travail.
Dans le domaine législatif, elle appelle à revoir la législation de travail en vigueur au regard des droits des personnes en situation de handicap; à appliquer les lois relatives à l'emploi inclusif, en particulier l'emploi des personnes en situation de handicap mental ; à promulguer une législation relative à l'égalité des chances; et à renforcer la mise en œuvre du système de quotas.
Elle suggère, par ailleurs, de renforcer l'engagement à fournir des aménagements raisonnables sur le lieu de travail dans les secteurs public et privé, conformément aux dispositions légales et réglementaires.
L'étude recommande également de mettre en place un système spécifique de protection sociale et de prise en charge des personnes handicapées pour leur permettre de bénéficier de services sur un pied d'égalité et d'une formation continue. Enfin, l'étude appelle à développer une politique globale d'éducation et un système de formation professionnelle au profit de ces personnes afin qu'elles puissent jouir de leur droit au travail et l'exercer sur la base de l'égalité avec les autres.