La situation des personnes handicapées au Maroc, et plus particulièrement le respect de leurs droits et leur inclusion, ont fait l'objet d'une étude menée par le CES (Conseil économique et social) dont les résultats ont été rendus publics dernièrement. Le rapport du CES intitulé « Respect des droits et inclusion des personnes en situation de handicap » note, en préambule, que selon l'Organisation Mondiale de la Santé, 15% de la population mondiale, soit un milliard d'individus, vivent avec un handicap. Il s'agit de personnes qui nécessitent une attention particulière en matière d'accès à l'éducation, à la santé et à l'emploi. Au Maroc, 5,12% de la population, soit 1 530 000 personnes sont dans cette situation. L'inclusion de ces citoyens constitue une responsabilité et un devoir nationaux, consacrés par la loi. Nous publions dans notre page Panorama, les parties de ce rapport traitant de l'accès à l'éducation et à la santé, ainsi que les mécanismes de compensation du coût de l'handicap. D'après l'Enquête nationale réalisée en 2004 : «43% des personnes interrogées attribuent la cause de leur handicap à des origines maléfiques, magiques ou divines». Cette croyance est sans doute encore plus répandue au sein de l'opinion publique. Les personnes concernées subissent des discriminations multiples fondées sur leur handicap, les privant de leurs droits fondamentaux (accès à l'éducation, à la santé, à l'emploi, etc.). Elles sont ignorées dans les politiques publiques de développement, dont les actions devraient pourtant réduire les causes et les coûts générés par le handicap. Les données disponibles sont insuffisantes pour pouvoir mettre en place des stratégies pertinentes et adaptées, et elles ne sont pas actualisées. De plus, le langage généralement utilisé contribue à renforcer la stigmatisation des personnes en situation de handicap. Evolution de la notion de handicap 1. Modèle médical Le handicap est une notion complexe, évolutive, multidimensionnelle et controversée. Le handicap était d'abord envisagé d'un point de vue strictement médical. Ce modèle reposait sur la Classification internationale du handicap (CIH), adoptée par l'OMS en 1981, basée sur trois niveaux : la déficience qui correspond à une lésion au niveau d'un organe (ex. amputation de la jambe), qui entraîne une incapacité d'assumer une fonction (ex. marcher) qui à son tour entraîne un handicap qui est un désavantage social (ne pas pouvoir remplir une tâche). 2. Modèle social En opposition au modèle médical, le modèle social part du principe que les individus sont davantage handicapés par la société que par leur état de santé. Ce modèle considère que le handicap est créé par les barrières sociales, culturelles, économiques et environnementales qui empêchent la personne en situation de handicap de participer à la société. 3. Modèle universel basé sur les droits humains Au-delà de ces deux modèles, il apparaît que le handicap ne doit pas être envisagé d'un point de vue strictement médical ou social mais plutôt comme une interaction dynamique entre l'état de santé et les facteurs contextuels, à la fois personnels et environnementaux. C'est ce modèle qui forme le cadre conceptuel de la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) adoptée par l'OMS en 2001 et qui a remplacé la CIH. La CIF associe le handicap à la participation sociale de l'individu, laquelle dépend des facteurs personnels et des facteurs environnementaux. Le handicap n'est pas seulement un attribut de l'individu, mais une situation dynamique qui résulte de l'interaction entre plusieurs facteurs intrinsques et extrinsques à la personne. Le processus de production du handicap illustre cette interaction et montre que l'on peut améliorer la participation sociale en supprimant les obstacles environnementaux handicapants. Typologie des déficiences et définition La population handicape est diverse et hétérogène. Pour l'Enqute nationale sur le handicap au Maroc de 2004, sept grandes catégories de déficiences ont été reconnues comme pouvant générer des situations de handicap : - déficiences motrices, - déficiences auditives, - déficiences visuelles, - déficiences de la parole et du langage, - déficiences viscérales et métaboliques, - déficiences intellectuelles ou psychiques, - déficiences esthétiques. Au Maroc, la loi n° 07-92 relative à la protection sociale des personnes handicapées a défini le handicap dans son article 2, en stipulant qu'est considérée comme handicapée, au sens de la loi, « toute personne se trouvant dans un état d'incapacité ou de gêne permanente ou occasionnelle résultant d'une déficience ou d'une inaptitude l'empêchant d'accomplir ses fonctions vitales, sans distinction entre handicapés de naissance et ceux qui souffrent d'un handicap acquis. Autrement dit, la personne handicapée est celle qui se trouve incapable ou gênée d'accomplir ses fonctions vitales à cause de sa déficience ou de son inaptitude. A l'inverse, la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées a mis en avant, dans son article premier, le rôle décisif des barrières environnementales en tant que facilitateurs ou obstacles ˆ l'inclusion sociale des personnes en situation de handicap : par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l'interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l'égalité avec les autres. Ainsi, le cadre conceptuel et la définition contenus dans la loi marocaine ne sont pas en conformité avec les nouveaux concepts définis par les instances internationales. L'approche qu'elle adopte est fondée sur le modèle médical, dans la mesure ou elle occulte, dans sa définition du handicap, l'impact de l'environnement. Lutter contre les stéréotypes Sur cette base, le Conseil recommande de : 1- adopter, dans toutes les politiques relatives à la question du handicap, une approche fondée sur le Droit, conforme au cadre conceptuel universel ; 2- mettre en place des mesures appropriées, y compris pénales, pour lutter contre tous les agissements discriminatoires, les termes et le langage stigmatisant et non respectueux, les comportements cruels, inhumains, et dégradants ou attentatoires à la dignité des personnes en situation de handicap ; 3- lutter contre les stéréotypes à travers : - des campagnes de sensibilisation du public en vue de favoriser une attitude réceptive et une perception positive à l'égard des personnes en situation de handicap, - la mise en conformité des manuels scolaires, des programmes et des circulaires, à tous les niveaux du système éducatif, avec les dispositions légales interdisant toutes les formes de discrimination fondée sur le handicap et en imposant une attitude de respect envers ces personnes, - l'inclusion de modules spécifiques sur le handicap dans la formation des professionnels de santé, - l'interdiction, dans les médias, de toute image négative et dégradante des personnes en situation de handicap et la promotion positive de l'information et la communication en faveur du respect de la dignité de cette catégorie de la population ; 4- mettre en ligne un portail Internet, contenant l'information utile relative aux droits des personnes en situation de handicap et les services auxquels ils peuvent avoir accès.