Ancien député français et ex-secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes, Pierre Lellouche a tourné la page de sa carrière mais la politique le passionne toujours. Le ministre proche de Nicolas Sarkozy nous parle dans cette interview des relations franco-marocaines, l'Algérie et la question du Sahara laquelle est, à ses yeux, tranchée depuis longtemps. Entretien. -Pensez-vous qu'il y a eu sérieusement une crise froide entre le Maroc et la France ? J'estime que le Maroc se trouve dans une situation internationale compliquée et pas du tout facile pour les Marocains. Le Royaume s'en sort, pour autant, bien, à mes yeux. Concernant la crise ou la tension à laquelle vous faites allusion, il se peut qu'elle existe mais personnellement je ne le ressens pas autant que le décrivent les médias. Le Maroc, à mon avis, a toujours eu une bonne image en France et le Roi Mohammed VI, comme ses prédécesseurs, a toujours été un ami de la France. Il existe naturellement des problèmes liés à l'immigration, au trafic de drogue, et à la délinquance des étrangers mais ce n'est pas de la responsabilité du gouvernement marocain. C'est un vrai sujet qui tenaille tous les pays européens pas seulement la France. Sur ce, il faut qu'on ait un débat et qu'on travaille ensemble.
« Il serait judicieux de dépassionner le débat sur la crise, si on suppose qu'elle existe». -Mais des problèmes persistent tels que la question des visas, le sort de l'imam Iquioussen et d'autres dossiers épineux. Qu'en pensez-vous ? Il est judicieux de dépassionner le débat sur la crise, si on suppose qu'elle existe. Honnêtement, je n'ai pas l'impression que le Maroc soit à l'origine de nos problèmes en France. Nous en avons plus avec l'Algérie. Pour répondre à votre question, il faut considérer ce genre de dossiers dans leur globalité avec un débat serein avec nos amis marocains. En France et en Europe en général, la gestion des migrants clandestins est devenue tellement compliquée que le système est saturé. Quasiment 500.000 clandestins sont entrés en Europe l'an dernier. En France, on en a 150.000. C'est devenu ingérable. Là, le Maroc pose moins de problèmes que l'Algérie avec laquelle nous sommes liés par l'accord consulaire de 1968 qui leur accorde des privilèges, à mon avis, exorbitants. -Comment auriez-vous géré le dossier des migrants clandestins non désirés? J'aurai eu un discours avec nos amis marocains parce qu'on a naturellement des intérêts économiques, politiques et culturels convergents. Mais en même temps, il faut régler les dossiers épineux. -Comme voyez-vous le rapprochement entre l'Algérie et la France ? Personnellement, j'ai du mal à le comprendre. Peut-être ne suis-je pas assez intelligent pour comprendre la pensée si complexe du président de la République qui lui-même s'est plaint de la rente mémorielle dont se prévaut le régime algérien estimant qu'il est temps d'arrêter. Puis quelque temps plus tard, on rouvre les bras, on échange les ambassades et les salamalecs et on envoie les délégations et 16 ministres qui se déplacent à Alger en pleine crise des stations de service en France. Vous m'interrogez sur le Maroc, moi j'ai plutôt envie de dire que le problème est avec l'Algérie. Je pense que les Algériens s'en sortent comme d'habitude en faisant peur à tout le monde. -La question du Sahara est souvent évoquée, pensez-vous vraiment que c'est un des sujets qui puissent être à l'origine du froid diplomatique? À mon avis, la question du Sahara est déjà réglée. À l'époque où j'étais ministre de l'Europe, j'ai amené l'ex-ministre des Affaires étrangères, Tayeb Fassi Fihri, au Parlement européen pour calmer le discours sur l'attitude de quelques européens sur le Maroc. Franchement, il est temps de finir avec cette histoire puisqu'il n'y a plus de discussion. Tout le monde le sait. Naturellement, l'Algérie s'en sert pour son propre compte. Pour moi, il faut qu'on arrive à un moment où tout le monde prenne conscience que le Maroc a le droit de jouir de son intégrité territoriale qui va jusqu'au Sahara. Les Algériens doivent, pour leur part, apprendre à vivre avec cette réalité et ne plus vivre en état de tension permanente avec leurs voisins comme ils se servent de la guerre de 1954 contre nous depuis 60 ans. « L'affaire du Sahara est réglée, il temps que tout le monde le comprenne Pour sa part, la France évidemment essaie de rester équilibrée. Mettez-vous à la place des Français, quoiqu'on en dise, on serait accusé de s'ingérer dans les affaires intérieures et de complaisance. -Cela fait des années que vous avez quitté la politique, depuis l'élection d'Emmanuel Macron, avez-vous définitivement tourné la page de la politique? J'ai quitté la politique lorsque Macron a été élu parce que je ne me voyais pas dans l'opposition face à quelque chose que je ne comprends pas. « Je n'ai toujours pas saisi l'idée de ce que c'est le macronisme, ni en politique intérieure, ni en politique étrangère».
Sincèrement, je n'ai toujours pas saisi l'idée de ce que c'est le macronisme, ni en politique intérieure, ni en politique étrangère. Il a été élu par effraction dans un contexte de confusion des partis traditionnels (la droite et la gauche), mais je pense que le macronisme ne résistera pas à la fin du mandat de Macron lui-même. Je vais vous dire une chose: l'histoire politique de la France a été toujours façonnée du clivage gauche-droite. Comme Macron a créé le vide autour de lui, il ne reste plus que les extrêmes dont il vit politiquement, hélas.