Meurtri par la pandémie, le secteur touristique dépend cruellement de la saison estivale. Au moment où le gouvernement peine à trouver des solutions pour attirer les touristes étrangers, l'espoir des opérateurs se réduit comme peau de chagrin. À quelques semaines du début de la saison d'été, le doute plane toujours sur le sort du secteur touristique, pris en otage par l'état d'urgence sanitaire et la fermeture des frontières internationales. Bien que les restrictions de déplacements ne soient aussi strictes qu'auparavant, les flux touristiques internes sont loin de reprendre leur dynamique, malgré les efforts du ministère du Tourisme et des différentes parties concernées.Celui-ci mise sur le tourisme domestique pour sauver le secteur d'une faillite annoncée en cas d'une saison estivale décevante, sachant que le nombre de touristes étrangers a chuté de 78%, selon les chiffres présentés par la ministre de la Solidarité et du Développement social Jamila Moussali, qui s'exprimait au nom de la ministre du Tourisme Nadia Fettah Alaoui, lors de la séance des questions orales à la Chambre des Représentants. Professionnels du Tourisme : l'enjeu vital Dans ce contexte, le sort des opérateurs touristiques et des professionnels du secteur demeure incertain, nonobstant les efforts modestes du gouvernement pour indemniser les salariés des établissements touristiques. Artisans, hôteliers, transporteurs touristiques et restaurateurs, tous, manquent de visibilité sur leur sort. Interrogée sur ce sujet, Jamila Moussali s'est contentée de lister les mesures déjà prises par l'Exécutif dans le cadre du contrat-programme pour la relance du tourisme ayant apporté des indemnités forfaitaires aux employés du secteur, dont le nombre des bénéficiaires avoisine les 79.000 personnes. « 5.518 entreprises touristiques ont déposé leurs déclarations pour faire bénéficier leurs salariés », a-t-elle précisé. Ces efforts demeurent insuffisants aux yeux des députés, qui considèrent que le secteur touristique est trop informel pour supporter les ravages de la crise actuelle. Ce qu'a reconnu la ministre Moussali, promettant un vaste plan de régularisation des professionnels tels que les artisans et les guides touristiques dans le régime de sécurité sociale. Restrictions de déplacements : il est temps de lâcher du lest Les députés ont également signalé la persistance des restrictions de déplacements qui nuisent terriblement aux activités des catégories les plus fragiles des professionnels du tourisme. Le député istiqlalien Tarik Kadiri a critiqué la tendance du gouvernement à imposer les mesures restrictives de manière arbitraire, sans égards à son impact dévastateur. Cet état d'incertitude concernant la continuité des mesures restrictives, bien que la situation sanitaire s'améliore, suscite l'incompréhension des députés, dont quelques-uns ont fait part de leur sidération du silence du gouvernement. Une situation intolérable aux yeux de Tarik Kadiri qui a rappelé que trois millions d'artisans et propriétaires de bazars se trouvent dans une situation lamentable et sont en perte d'espoir. Aussi conséquente soit-elle, l'indemnité mensuelle de 2000 dirhams, dont le gouvernement a prolongé le bénéfice jusqu'au mois de juin, ne saurait remédier à la situation. Le député istiqlalien a souligné l'insuffisance des aides compensatoires versées aux employés, ajoutant qu'elles sont trop modiques pour leur permettre de supporter le coup dur de la crise qui dure depuis plus d'un an. De son côté, Lahcen Haddad, député du Parti de l'Istiqlal et ancien ministre du Tourisme, a appelé l'Exécutif à trouver des solutions immédiates pour sauver les catégories professionnelles précitées de la faillite imminente. Touristes étrangers : l'Exécutif improvise Plusieurs députés, dont l'Istiqlalien Tarik Kadiri, ont dénoncé l'absence d'une stratégie claire du gouvernement pour accueillir les touristes étrangers tandis que les pays européens se préparent à rouvrir leurs frontières. S'ajoute à cela la tenue de l'opération Marhaba qui est encore incertaine. En réalité, rien n'est encore annoncé concernant la gestion de la réouverture des frontières aériennes, qui resteront fermées pour des raisons sanitaires jusqu'au 10 juin prochain, selon une note la Direction générale de l'aviation civile (DGAC). En sus d'une communication laconique, le ministère du Tourisme, comme l'ensemble des autres départements gouvernementaux, reste taciturne sur la gestion du passeport sanitaire et les modalités de sa mise en place. Ceci a induit les députés à penser que l'Exécutif est dépourvu d'un plan d'action clair en la matière. Tourisme domestique : des chèques-vacances en préparation Au moment où le département de Nadia Fettah Alaoui tente, en collaboration avec l'Office National du Tourisme, de convaincre les Marocains de passer leurs vacances dans leur pays, la ministre a également annoncé quelques nouvelles mesures de soutien du tourisme interne, telles que la réhabilitation des établissements hôteliers dans plusieurs régions et la mise en place de chèques- vacances, dont l'exécution sera actée prochainement par décret. En attente d'une bonne nouvelle ou de mesures audacieuses, la campagne de promotion du tourisme national « Ntla9awfbladna », lancée le 3 mai, ne fait pas l'unanimité quant à son efficacité. Ils sont nombreux à considérer qu'un effort de communication, aussi sagace soit-il, ne saurait galvaniser les Marocains à aller visiter les paysages pittoresques de leurs pays au moment où un séjour en Espagne ou en Turquie coûte moins cher qu'un séjour digne de ce nom dans une ville touristique marocaine, comme Marrakech ou Agadir. En témoignent les prix des nuitées, jugés élevés, qui dépassent souvent les mille dirhams dans les hôtels. Par ailleurs, l'offre touristique a besoin de diversification et d'amélioration qualitative, a déploré Lahcen Haddad qui a rappelé que le débat sur la promotion du tourisme domestique date de l'année dernière sans que le gouvernement ait décidé des mesures concrètes. Un plan en la matière s'impose faute de visibilité sur l'ouverture des frontières internationales, sachant que le trafic aérien ne reprendra son niveau antérieur à la crise du Covid-19 qu'en 2024, à en croire Jamila Moussali. Transporteurs touristiques : pas de solution à un calvaire qui dure Une des catégories les plus touchées par la crise du Covid-19 est celle des transporteurs touristiques qui subissent une situation difficile. En plus de l'arrêt de leur activité à cause de la suspension des flux touristiques, ces derniers sont pris dans le calvaire de leur contentieux avec les banques qui leur imposent de rembourser leurs créances. Prenant conscience du spectre de la faillite, les sociétés de transport concernées demandent toujours un report de paiement. Bien que les représentants des deux parties se soient réunis plusieurs fois, aucun accord n'est encore trouvé. Les sociétés endettées appellent le gouvernement à leur accorder un programme de prêts garantis, à l'instar de Daman Relance, en plus d'un allègement des charges fiscales. Dans ce contexte d'incertitude, de nombreux emplois sont menacés, nous a indiqué le président de la Fédération nationale du transport touristique, Mohamed Benmansour.