Létablissement dune zone refuge pour les terroristes au Sahel menace la sécurité de toute lAfrique du Nord, mais aussi de lEurope et des Etats-Unis, dont les intérêts sont les cibles privilégiées des terroristes». Le constat est sans concession, il émane de lInstitut Thomas More qui a réalisé une étude très complète et objective consignée dans le rapport intitulé «Pour une sécurité durable au Maghreb, une chance pour la région, un engagement pour lUnion européenne». Le rapport a été présenté et débattu publiquement mercredi 7 avril à Bruxelles. Ses rédacteurs en sont venus à la conclusion que la lutte contre linsécurité dans la région «passe par la reprise en main du désert sahélien, qui abrite tous les trafics, et sert de repaire aux groupes terroristes». LInstitut sest basé sur une série dentretiens avec les responsables politiques, acteurs de terrain, spécialistes de la région, et complété par un voyage détude qui a conduit une équipe de chercheurs pluridisciplinaires à enquêter sur place. Tous les problèmes de sécurité des pays du Maghreb ont été passés en revue. Constat : les groupes religieux radicaux constituent la première cause dinsécurité transfrontalière au Maghreb. Le Groupe salafiste pour la prédication et le combat en Algérie (GSPC), devenu Al-Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi) suite à son affiliation à Al-Qaïda, lorganisation internationale de Ben Laden, est lorganisation la plus active dans le septentrion. LAqmi, bien quayant échoué dans sa tentative de fédérer tous les mouvements radicaux du Maghreb, dispose tout de même de 1500 à 2000 djihadistes. Et même si elle peine à recruter de nouveaux combattants, ses actions terroristes ayant desservi sa cause dans une région où se pratique un islam traditionnellement non violent, elle nen demeure pas moins une source majeure de préoccupation. Ce nest pas tout. La permissivité qui caractérise la région laisse les portes grandes ouvertes à plusieurs trafics. Ainsi, chaque année, note le rapport, 50 tonnes de cocaïne, soit 27% de la consommation européenne, transitent par lAfrique. Sur place, dans les pays de transit, cette drogue provoque des ravages parmi les populations. Il y a également la persistance de la culture du cannabis dans la région du Rif marocain. LAqmi a ainsi trouvé dans limmensité du désert sahélien, qui sétend de lAtlantique à la mer Rouge, un «refuge à la fois physique et financier», selon lexpression de Mohammed Benhammou, un des experts convié à la conférence de mercredi à Bruxelles. Pour cet ancien élève de lEcole nationale dadministration (Ena) de Paris et professeur à luniversité Mohammed V de Rabat, le désert du Sahel permet aux terroristes de financer leurs activités, via toutes sortes de trafics : prises dotages et demandes de rançon, voitures, cigarettes, denrées alimentaires subventionnées par les Etats puis détournées, mais aussi pétrole et armes à feu. Selon Mohammed Benhammou, un million de litres de gasoil est écoulé chaque jour dans les circuits de la contrebande. Et sur les quelque 639 millions darmes légères en circulation dans le monde, 100 millions au moins sont dans le Sahel et lAfrique de lOuest. «Ces armes sont introduites légalement dans les Etats qui passent des contrats darmement, mais finissent sur le marché de la contrebande. On peut ainsi se procurer un AK-47 à 15 dollars avec munitions. On peut même louer une arme pour un usage ponctuel», révèle-t-il. Il ny a que lAlgérie qui essaie de relativiser la menace. Cest ce que tente de faire son ambassadeur en Belgique, Amar Bendjame. Pour lui, «il ne faut pas exagérer la menace terroriste. Les membres dAl-Qaïda sont peu nombreux. Le problème, cest limmensité du désert peu contrôlé par des Etats affaiblis». On aurait pu sattendre à autre chose étant donné les liens que le polisario, protégé de lAlgérie, noue avec les terroristes et les trafiquants qui sévissent dans la région. Pour lInstitut Thomas More, léradication de cette menace ne peut se faire sans une coopération entre les pays de la région. Or, note-t-il, le conflit du Sahara ne laisse aucune chance à une maîtrise de la question sécuritaire. Cest dans ce contexte quon peut comprendre à quel point la position algérienne de soutien aux séparatistes du polisario est dangereuse. Elle conduirait à la création dun micro-Etat coincé entre le Maroc, la Mauritanie et lAlgérie, sans perspectives et sans pouvoir fort. Le polisario qui rêve dy régner en maître absolu fait déjà lobjet de vives contestations. Après la fronde du groupe Khat Achahid (la voie du martyr), voilà un autre groupe qui se crée pour contester le mode de «gouvernement» des chefs du polisario. Par ailleurs, la création dun petit Etat dans cette région augmentera les risques sécuritaires étant donné les liens que ses dirigeants ont avec les groupes terroristes et les trafiquants. Ils auront à renvoyer lascenseur et donc à permettre à ces groupes de sévir comme bon leur semble dans un pays qui sera leur base arrière à partir de laquelle ils iront propager leurs actes ou leurs marchandises. La solution proposée par le Maroc reste ainsi la seule possible, comme lavait déjà affirmé lancien représentant personnel du Secrétaire général de lONU, Peter Van Walsum. Le Maghreb ne concerne pas uniquement les Maghrébins, il est normal que la communauté internationale ait son mot à dire. Cest peut-être de là que viennent les craintes des chefs du polisario et de lAlgérie, mais la communauté internationale ne peut accorder de crédit à des perspectives menaçantes. Chaque jour, des pays déclarent leur abandon du polisario au grand dam dune Algérie qui a investi des milliards de pétrodollars qui manquent tellement à un peuple qui se sent piégé par ses dirigeants. Sahara La clarté du Conseil de sécurité Rajae oumalek Le Conseil de sécurité de lONU a prorogé, sans surprise, la mission de la Minurso. Il a écarté, définitivement, toute velléité détendre cette mission à dautres aspects tels que les droits de lhomme. Le Conseil a aussi, et de manière claire, enterré le processus référendaire et donc loption séparatiste, une véritable défaite pour Alger et le Polisario. La communauté internationale dit clairement que la seule solution viable est un accord politique global et définitif. Elle voit dans la proposition dautonomie sous souveraineté marocaine un cadre valable pour y parvenir. Elle le dit avec insistance depuis des années. Nos adversaires jouent le blocage, sans offrir de perspectives pouvant aboutir à une solution politique négociée. Cela nest pas un constat marocain, mais la conclusion tirée par lensemble de la communauté internationale, y compris les amis de lAlgérie. Face à ce constat, certains membres permanents du Conseil de sécurité commencent à montrer des signes dimpatience. Les USA font partie du lot. Pressée par le congrès, inquiétée par la montée du péril terroriste dans la région, ladministration Obama ne voit pas dun bon il la persistance dun conflit qui, aussi factice quil soit, met en danger la stabilité de la région. Lobstination algérienne, mise à lindex par les représentants successifs du secrétaire général de lONU, irrite les chancelleries. Depuis le cessez-le feu, il y a bientôt vingt ans, le dossier na pas bougé dun iota, alors même que le Maroc a fait montre dune grande disponibilité par le biais dune proposition jugée «sérieuse et crédible» par toutes les capitales. Il est clair aujourdhui que cest à la communauté internationale dexercer ses pressions sur lAlgérie pour lamener à de véritables négociations qui ne peuvent avoir lieu quautour de la proposition dautonomie élargie. Pour que ces pressions soient fortes, il faut que la résolution du conflit devienne une priorité pour lensemble de la communauté internationale. Les implications géostratégiques plaident en faveur dune telle inflexion. Lon sait que le Conseil de sécurité exclut toute solution imposée, mais il ne peut se résoudre à un constat dimpuissance alors que la stabilité internationale est menacée. Fort de son droit, de la légitimité de ses positions, le Maroc ne peut que suivre ces évolutions en espérant que ces pressions finiront par amener Alger à la raison. «Lautonomie proposée par le Maroc mettra fin au calvaire vécu par les Sahraouis dans les camps de Tindouf». Lahcen Mahraoui : Universitaire, acteur associatif et membre du Corcas, installé à Paris. propos reccueillis par Hakim Arif Le dernier rapport du SG de lONU Ban ki-moon montre une sorte de pessimisme quant à la résolution du conflit du Sahara. A quoi est dû ce pessimisme ? Lahcen Mahraoui Alors que le Maroc présente un projet historique et révolutionnaire car lautonomie renforce la démocratie locale, garantit aux Sahraouis leurs droits politiques, économiques, sociaux et culturels et met fin au calvaire vécu par les populations de Tindouf, les autres parties (Algérie et Polisario) campent sur leurs positions et cherchent à conduire le processus de nouveau vers limpasse et à faire perdurer indéfiniment le conflit. Cette situation de blocage voulue par les autres parties nous rappelle celle qui prévalait en 2006. Dans son rapport au Conseil de Sécurité N° S/2006/249 du 18 janvier 2006, lancien secrétaire général de lONU, Kofi Annan, disait dans le chapitre Observations et Recommandations : «Une fois que le Conseil de sécurité aurait reconnu la réalité politique selon laquelle personne nallait obliger le Maroc à abandonner sa revendication de souveraineté sur le Sahara occidental, il se rendrait compte quil nexistait plus que deux solutions : la prolongation pour une durée indéfinie de limpasse actuelle dans la perspective dune réalité politique différente ou la tenue de négociations directes entre les parties. La première option a été rejetée par mon Envoyé personnel qui a estimé que la poursuite de limpasse actuelle favoriserait la violence. Cette violence ne déboucherait pas sur lindépendance du Sahara occidental mais condamnerait plutôt une autre génération de Sahraouis à grandir dans les camps de Tindouf.» Et dans sa résolution N° 1495 de 2003, le Conseil de sécurité avait averti sur le fait que labsence de progrès continue à entraîner des souffrances pour les Sahraouis, demeure une source dinstabilité potentielle et fait obstacle au développement du Maghreb. Il y a donc vraiment de quoi être pessimiste ! Nombreux sont les Sahraouis qui quittent les camps de Tindouf pour rejoindre leurs familles au Maroc. A quoi est dû ce mouvement ? Pensez-vous quil va saccentuer ? La fuite des Sahraouis des camps de Tindouf vers la mère patrie ne date pas daujourdhui. Depuis lannonce par feu Hassan II que la patrie est clémente et miséricordieuse, quelques milliers de Sahraouis qui étaient séquestrés à Lahmada ont pu déjouer la surveillance de la junte militaire polisarienne et des services de sécurité algériens et rejoindre ainsi la mère patrie. Parmi eux on trouve de nombreux dirigeants du Polisario. Ce phénomène sest encore accentué ces derniers jours. En moins dun mois, plusieurs groupes constitués pour la plupart de jeunes qui nont connu que les camps de Lahmada ont rejoint la mère patrie. Dès cette annonce royale, on ne devrait plus parler de réfugiés mais bel et bien de séquestrés. A quoi est dû ce phénomène ? Ce phénomène est naturel, il est lié à de nombreux facteurs. Les conditions de vie à Lahmada sont insupportables été comme hiver, léloignement, les séparations familiales et la durée extrêmement longue de ce conflit. Une autre explication de ce phénomène est lopposition systématique des responsables du Polisario à la solution dautonomie proposée par le Maroc car cette situation de refus représente pour les populations de Tindouf léloignement de toute perspective de résolution dans un avenir proche. Personne ne veut rester dans cet enfer, mais que faire quand on est totalement encerclé par la milice du Polisario, par la gendarmerie et larmée algériennes ? Que faire quand on est séparé et sans nouvelles depuis plusieurs années de ses propres enfants sous prétexte quils sont scolarisés dans un pays ami lointain ou quand on compte dans sa famille des personnes âgées ou malades qui ne peuvent pas supporter la fuite ? Quest-ce que cela veut dire pour le Polisario ? Cela veut dire que le Polisario ne peut pas continuer indéfiniment à séquestrer les gens et que, tôt au tard, il faudra bien quil se mette à lévidence et mette fin à cette séquestration qui na que trop duré. Le Polisario est de plus en plus contesté à lintérieur même des camps de Tindouf. Quelles sont les différentes positions que lon peut recenser dans ce cadre ? Le Polisario a toujours été contesté mais personne ne pouvait afficher cette contestation par crainte de la prison, de la torture ou de la mort. Depuis plus de trois décennies, rien na changé à Tindouf, les mêmes slogans, la même pensée unique, le même parti unique formé par les mêmes dirigeants devenus maîtres dans l'emploi des techniques modernes de la manipulation des masses et de la démagogie. En somme, cest le mensonge et le totalitarisme qui nadmettent, par définition, aucune opposition. Aujourdhui, trente-cinq ans plus tard, la population dans les camps commence à en avoir assez de ce système qui vieillit, qui na jamais respecté ses promesses, qui na rien apporté aux Sahraouis, qui détourne laide internationale et dont les dirigeants senrichissent de plus en plus. Cest dans ce cadre que nous avons vu la naissance en Espagne dun mouvement opposant à la direction du Polisario, le «Khat Achahid», qui conteste aujourdhui la légitimité du Polisario à représenter les Sahraouis des camps et, par voie de conséquence, sa légitimité à négocier une solution de ce conflit avec le Maroc. La crise par laquelle passe le Polisario aujourdhui, totalitarisme, clientélisme, détournement de laide internationale, manque de perspective quant à lissue du conflit, manque de liberté de mouvement et dexpression dans les camps, le conflit ouvert avec la fraction Laâyaicha (tribu RGuibat), le chômage des jeunes diplômés, ne peut conduire qu à des soulèvements comme celui quont connus les camps en 1988. La question des droits de lHomme a longtemps été exploitée par le Polisario contre le Maroc, alors que la situation des droits de lHomme est très critique dans les camps. Le Maroc a-t-il raté quelque chose en communication, laissant linitiative au Polisario ? Le Maroc est le pays arabo-musulman et africain qui a le plus avancé dans le domaine des droits de lHomme lors de la dernière décennie. Il sest doté dun important dispositif institutionnel de nature juridictionnelle, consultative ou de médiation pour assurer la reconnaissance, la protection et la promotion des droits de lHomme et des libertés fondamentales. Toutes ces avancées, font face à une propagande orchestrée par le Polisario, financée par lAlgérie et dont les acteurs sont malheureusement des Marocains eux-mêmes, des «séparatistes de lintérieur», qui profitent du climat de libertésqui règne actuellement au Maroc pour faire de la provocation, pour chercher par tous les moyens à senrichir, à se créer de la notoriété, et qui usurpent le statut de militant des droits de lHomme. En effet, sils étaient de vrais militants des droits de l'Homme, ils prendraient position contre toute situation allant à l'encontre des droits fondamentaux de l'Homme, et ce quel que soit le point du globe concerné, et donc notamment dans les camps de Tindouf et en Algérie. Pour répondre à votre question je pense queffectivement il faudrait, tout en avançant dans la concrétisation de ces droits humains sur le terrain, élaborer une stratégie de communication efficace qui viserait, dune part, à mettre en évidence les avancées enregistrées et à mettre ainsi laccent sur les évolutions du pays pour amplifier la revalorisation de notre image à létranger et, dautre part, il faut une communication non pas agressive mais percutante pour faire perdre son impact à la propagande menée par le Polisario et lAlgérie et minimiser ainsi les dégâts collatéraux causés par celle-ci. Il y a un proverbe qui dit : «Celui dont la maison est en verre doit se garder de jeter des pierres aux autres». Les domaines datteintes des droits de lHomme, dont les responsables sont le Polisario à Tindouf et le pouvoir algérien sur lensemble du territoire algérien, sont très nombreux. Nous les connaissons, à nous donc de les faire connaître auprès de la communauté internationale à laide des témoignages de ceux qui en ont été victimes ! Donner des faits concrets, montrer ce qui sest passé et se passe encore dans les camps. Ceci pourrait pousser le pouvoir algérien à cesser ces atteintes aux droits de lHomme et à indemniser ceux qui ont en été victimes.