Une salariée, médecin du travail, est licenciée par son employeur pour «manquements aux obligations». L'attitude de l'employeur est-elle abusive ? Devait-il dans ce cas précis faire valoir son pouvoir disciplinaire ? Eléments de réponse. Contrairement à d'autres pays, les médecins du travail au Maroc sont peu nombreux puisque leur nombre ne dépasse guère les 900 médecins. Mme Hind a été congédiée le 27 octobre 2012 par son employeur pour «manquement aux obligations». La salariée en question est un médecin du travail au sein d'une grande multinationale. Ses rapports avec la direction de l'établissement ne cessaient de se détériorer et ce depuis le changement du directeur. Celui-ci cherchait en effet à réduire les coûts de production en résiliant les contrats des anciens cadres et en recrutant de nouveaux salariés à moindre coût. Le médecin du travail considéra que ce licenciement est mal fondé et que l'employeur n'a pas respecté la procédure en vigueur. Elle regrette en outre le recours à ce moyen pour mettre fin à une collaboration qu'elle considère fructueuse. Elle aurait aimé que son employeur lui propose un arrangement à l'amiable au lieu de la laisser traîner devant les tribunaux. Le licenciement du médecin du travail est-il abusif ? Sous quelle condition l'employeur doit –il exercer son pouvoir disciplinaire ? Etat des lieux de la médecine du travail au Maroc Le médecin du travail est vu par les uns comme un coût ou un luxe et pour les autres comme un simple subordonné au chef de l'entreprise. Pourtant, le code du travail exige sa présence dans les entreprises qui emploient plus de 50 salariés. Son rôle préventif n'est plus à démontrer en matière de maladies et accidents liés au milieu du travail. Il veille à l'établissement d'une fiche médicale pour chaque nouvelle recrue, assure l'examen de la santé des employés au moins une fois par an, adresse chaque fin d'année un rapport médical à l'inspection du travail, etc. Les médecins du travail au Maroc sont peu nombreux puisque leur nombre ne dépasse guère les 900 médecins. Ils couvrent moins de 1% de la population active et 80 % des médecins du travail sont des fonctionnaires de l'administration et des établissements publics. Indépendance du médecin du travail ? En théorie, le médecin du travail doit, en toutes circonstances, accomplir sa mission en toute liberté et indépendance, que ce soit envers l'employeur ou les salariés. Il ne doit prendre en compte que les considérations dictées par sa profession. Le code du travail demeure fidèle à l'esprit de l'article 1 et 2 de la loi n° 10-94, où il cherche à préserver et à prévaloir le caractère humanitaire sur le caractère commerciale. L'article 2 cette loi précise en effet que « la médecine est une profession qui ne doit en aucun cas ni d'aucune façon être pratiquée comme un commerce. Le médecin l'exerce loin de toute influence ; Ses seules motivations étant sa science, son savoir, sa conscience et son éthique professionnelle ». Il s'ajoute à cela que le contrat du médecin du travail ne doit comporter aucune disposition limitant les devoirs ou l'indépendance professionnelle du médecin. (Voir Article 51) Malheureusement, sur le plan pratique, le médecin du travail exerce son métier sous plusieurs contraintes à savoir la réduction au maximum -par certains employeurs- du temps de travail nécessaire pour le contrôle de la santé de chaque salarié, le recours aux infirmières pour réduire ses honoraires, etc. La protection spéciale du médecin du travail Les médecins du travail disposent de la même protection contre les licenciements que les délégués des salariés : l'employeur ne peut rompre leur contrat de travail sans l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail. En vertu de l'article 313 du code du travail, « toute mesure disciplinaire envisagée par l'employeur ou le chef du service médical inter-entreprises à l'encontre du médecin du travail, doit être prononcée par décision approuvée par l'agent chargé de l'inspection du travail, après avis du médecin inspecteur du travail ». Pour Alexandre Barège (JCP2011, éd. S, n° 1456, p. 41-42), ce statut protecteur, d'ordre public, « a pour objet de garantir au mieux l'indépendance du médecin du travail, qui exerce ses fonctions dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs ». Ceci dit, l'employeur dans le cas pré-cité aurait dû demander l'avis de l'inspecteur du travail avant de prononcer sa décision. * Tweet * *