Le médecin du travail étant salarié de l'entreprise, son rôle est parfois mis à rude épreuve, notamment en ce qui concerne les limites que lui pose le « secret professionnel ». Le médecin du travail veille sur les salariés en évitant toute altération de leur santé du fait de leur travail, notamment en surveillant les conditions d'hygiène et les risques de contamination. Le médecin du travail est au cœur du débat sur la libre circulation de l'information en matière de maladie professionnelle et d'accident du travail. Il se trouve en fait entre l'enclume des salariés qui sous-estiment son rôle dans l'entreprise, et le marteau de l'employeur qui se méfie de sa présence au sein de l'entreprise. Médecin du travail et secret professionnel Le Dr. Fatima est médecin du travail au sein de la société M.A. Elle travaille sous contrat à durée déterminée depuis deux ans. La semaine dernière, elle a eu un malentendu avec son employeur. L'origine de ce conflit remonte à la dernière réunion effectuée avec la direction, et où elle avait prévenu le chef de l'entreprise sur le danger de l'utilisation d'une substance chimique sur la santé des salariés; elle lui a donc conseillé de la substituer par un autre produit, moins nocif, et d'informer les salariés. Celui-ci s'était alors montré réticent à ce changement qui nécessiterait une réorganisation du travail et augmenterait les coûts de production. À la fin de cette réunion, l'employeur lui avait rappelé qu'elle était tenue de respecter le secret professionnel. Le statut du médecin du travail Le médecin du travail est à la fois un professionnel de la santé et un salarié. D'une part, il est soumis au régime général concernant l'ensemble du personnel médical. Et d'autre part, il est soumis aux dispositions du code du travail. Il est, en fait, lié à l'employeur ou au chef du service médical inter-entreprises par un contrat de travail respectant les règles de déontologie professionnelle. Le code du travail prévoit que le recrutement du médecin du travail est indispensable dans les entreprises industrielles, commerciales, et d'artisanat ainsi que les exploitations agricoles et forestières et leurs dépendances qui emploient plus de 50 salariés, quel que soit l'effectif, s'il y a risque de maladie professionnelle. Cependant, pour atténuer le lien de subordination juridique, l'article 314 du code du travail stipule expressément qu'en toutes circonstances, le médecin du travail doit exercer sa mission en toute indépendance et liberté, tant vis-à-vis de l'employeur que des salariés (voir Abdellah Boudahrain, Le droit du travail T1). Le rôle du médecin du travail Le médecin du travail joue en premier lieu un rôle préventif. Il procède aux examens médicaux des nouvelles recrues et veille sur les salariés en évitant toute altération de leur santé du fait de leur travail, notamment en surveillant les conditions d'hygiène dans les lieux de travail, les risques de contamination et l'état de santé des salariés. Cependant, il n'est pas dispensé des soins aux salariés notamment en cas d'urgence, ou à l'occasion d'accidents ou de maladies survenus dans l'établissement (voir article 319). Il peut également proposer leur changement de poste en tenant compte de l'âge, de la résistance physique ou de l'état de santé des salariés. Et en cas de désaccord avec l'employeur, le médecin du travail saisit l'inspecteur du travail (voir Article 320). Il joue enfin le rôle de conseiller en particulier, auprès de la direction, des chefs de services et du chef du service social, notamment en ce qui concerne l'application des mesures d'hygiène et de sécurité au travail. Par ailleurs, l'employeur est dans l'obligation de consulter le médecin du travail sur toutes les questions d'organisation technique du service médical du travail, sur les nouvelles techniques de production, sur les substances et produits nouveaux (article 322) et il doit lui communiquer la composition des produits employés dans son entreprise. Le secret professionnel Dans le cas précité, il s'agit d'un amalgame entre le secret professionnel proprement dit et le secret de fabrication. La notion de secret professionnel est une notion qui couvre une réalité plus large et imprécise, elle constitue un alibi pour empêcher le médecin du travail de jouer pleinement son rôle. Ceci dit, il est temps aujourd'hui de préciser ce terme, d'autant plus que le code du travail qualifie la divulgation du secret professionnel comme faute grave dans l'article 39. Cela ne va pas sans dire que le médecin du travail est tenu, à l'instar de l'inspecteur du travail, de ne pas divulguer le secret de fabrication, notamment celui relatif aux dispositifs industriels et techniques et à la composition des produits employés, chose qui pourrait porter un préjudice commercial à l'employeur. Il est également tenu de respecter le secret médical tel qu'il est prescrit dans le code de déontologie médicale, notamment à l'article 4: «Le médecin doit à son malade le secret absolu en tout ce qui lui a été confié ou qu'il aura pu connaître en raison de la confiance qui lui a été accordée ». Toutefois, il est dans l'obligation de déclarer, dans les conditions prévues par la législation en vigueur, tous les cas de maladies professionnelles dont il aura connaissance ainsi que les symptômes ou maladies pouvant avoir un caractère professionnel (voir article 324). Aussi, dans le cas cité, le médecin du travail bénéficie d'un droit d'alerte auprès de la direction, du comité d'hygiène et de sécurité et de l'inspecteur du travail, et en vertu des articles 324 et 325, il incombe au Dr. Fatima d'informer les intéressés. * Tweet * * *