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L'abolition de la peine de mort fait toujours débat | Le Soir-echos
Publié dans Le Soir Echos le 10 - 10 - 2012

La Coalition marocaine contre la peine de mort vient de remettre au ministre des Affaires étrangères et de la coopération un mémorandum appelant à l'abolition de la peine de mort.
Les ONG montent au créneau pour demander l'abolition de la peine capitale au Maroc.
Leur patience, elles la puisent dans leur espoir. Les 11 associations composant la Coalition marocaine contre la peine de mort célèbrent, cette année, la Journée mondiale commémorant le combat qu'elles mènent par un mémorandum. Dans une rencontre tenue, hier à Rabat, la Coalition a annoncé avoir saisi la diplomatie marocaine pour la convaincre de la nécessité de ne plus hésiter face au vote de la résolution du moratoire abolissant la peine de mort. La Coalition invite le Maroc à faire ce pas à l'occasion de la 67e assemblée générale des Nations unies pour rallier officiellement le camp des abolitionnistes.
L'occasion propice
Pour la Coalition, le Maroc ne doit pas rater cette nouvelle occasion, parce qu'il dispose désormais d'un cadre favorable instauré par les avancées et les acquis réalisés. « Nous continuerons à croire que le plus sacré des droits de l'Homme est celui de la vie. Il ne peut être violé au nom des croyances, des religions, des politiques, des états d'exception ou autres considérations», écrivent les membres de la coalition. Et de rappeler que le Maroc a reconnu cette sacralité de la vie humaine par l'adoption de la nouvelle Constitution dans son article 20. « La Constitution déclare le ralliement du Maroc aux déclarations internationales des droits de l'Homme et implique une bien plus grande responsabilité sur le volet juridique » indique la Coalition revendiquant l'urgence d'éliminer totalement la peine de mort du code pénale.
Appel à la mobilisation
A sa démarche diplomatique, la Coalition appelle l'ensemble des composantes de la prise de décision à se joindre au combat. Elle insiste sur l'importance d'impliquer les parlementaires dans cette quête pour la préservation de la vie humaine. Nouzha Skalli, députée du PPS, présente à l'occasion, a témoigné de son soutien à la cause et estimé qu'il s'agissait d'un engagement personnel avant qu'il ne devienne politique. Les ONG attendent des députés qu'ils se nourrissent de l'abolition de la peine de mort pour construire des projets de lois et permettre au Maroc d'avancer dans le sens de cette abrogation. A côté de la politique, l'académique a également un rôle à jouer. La Coalition en est convaincue et exhorte l'UNESCO à la création d'une Chaire spécialisée dans cette question.
Tribune
Charles Fries, ambassadeur de France au Maroc
M. Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, a choisi de faire de l'abolition universelle de la peine de mort une priorité de son action. La France lance ainsi aujourd'hui, à l'occasion de la 10e Journée mondiale contre la peine de mort, une campagne mondiale en faveur de son abolition.
Ce n'est pas un hasard si la France occupe, au sein de la communauté des nations, une place de premier plan dans le combat universel pour l'abolition de la peine de mort. L'engagement et la vision qui furent ceux de Victor Hugo, d'Albert Camus ou encore de Robert Badinter ont permis de faire évoluer les mentalités dans notre pays, jusqu'à convaincre la majorité que la peine de mort n'avait pas sa place dans notre système pénal. Ces grands hommes ont en effet su faire triompher l'idée que la peine de mort n'est pas la justice, mais qu'elle marque bien au contraire l'échec de la justice. Ils ont promu dans notre pays une certaine conception de l'homme et de la justice. Ils sont aussi à l'origine d'une prise de conscience mondiale, qui progresse aujourd'hui encore sur tous les continents, indépendamment du type de régime politique, du niveau de développement ou de l'héritage culturel.
Fort du rôle privilégié de la France en matière de lutte contre la peine de mort sur la scène internationale, Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, a souhaité mobiliser le réseau diplomatique français autour d'une nouvelle campagne de sensibilisation visant à encourager le débat sur l'abolition partout dans le monde et à apporter notre soutien aux acteurs locaux abolitionnistes. Cette initiative intervient quelques semaines avant les échéances importantes que constitueront le passage au vote à l'automne de la résolution biennale de l'AGNU, appelant à l'instauration d'un moratoire universel sur la peine de mort, mais également l'organisation au Maroc du Congrès régional contre la peine de mort (les 18, 19 et 20 octobre à Rabat). Elle intervient au lendemain de la tenue, en marge de la semaine ministérielle de l'AGNU, d'un événement de sensibilisation à l'abolition, qui a réuni aux côtés des ministres des Affaires étrangères français et béninois plusieurs grandes personnalités engagées sur ce dossier (Mme Pillay, Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, M. Roth, directeur exécutif de « Human Rights Watch » et M. Chenuil-Hazan, directeur général d'«Ensemble contre la peine de mort»). Fort du moratoire de fait qu'il applique depuis 1993, dans une région dans laquelle la peine de mort reste encore malheureusement la règle et qui est marquée par un des plus forts taux d'exécution de condamnés à mort dans le monde, le Maroc constitue à mes yeux un partenaire précieux pour avancer sur le chemin de l'abolition universelle de la peine de mort. La nouvelle Constitution, fruit d'un processus de démocratisation engagé depuis plus de 10 ans, offre d'ailleurs de nouvelles opportunités pour progresser vers une abolition en droit, en consacrant à son article 20 le droit à la vie comme « droit premier de tout être humain ». L'intention affichée par le gouvernement de réformer le code pénal en réduisant le nombre de crimes punissables de la peine de mort est également un pas dans la bonne direction.
La France soutient le débat autour de l'abolition au Maroc. L'Agence française pour le développement a ainsi accordé en septembre 2011 une subvention de plus de 200 000€ au projet de renforcement et de structuration du mouvement abolitionniste marocain conduit par l'association « Ensemble Contre la Peine de Mort » mené en partenariat avec l'Organisation marocaine des droits de l'Homme et la Coalition marocaine contre la peine de mort. Ce projet a notamment débouché sur l'organisation en juillet dernier d'un débat à la Chambre des représentants impliquant la majorité des partis politiques et sur diverses actions de sensibilisation : témoignages dans des lycées marocains, ateliers de sensibilisation et cycle de conférences sur « le droit à la vie ». L'ambassade de France soutiendra également l'organisation du Congrès régional contre la peine de mort de Rabat, qui aura pour principaux objectifs de fédérer les acteurs abolitionnistes de la région et de préparer le Congrès mondial de Madrid en juin 2013.
Il y a 31 ans, alors qu'il présentait son projet de loi portant abolition de la peine de mort devant l'Assemblée nationale, Robert Badinter interpellait les députés français en leur disant : « demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue ». Aujourd'hui, la vision de la France, c'est de pouvoir dire un jour, grâce à l'action de l'ensemble des abolitionnistes dans le monde : « aujourd'hui, la justice dans le monde n'est plus une justice qui tue».

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