Deux conférences de préparation pour ce qui sera le rendez-vous mondial contre la peine de mort : le 3ème Congrès mondial qui aura lieu à Paris du 1er au 3 février 2007. L'occasion de faire le point sur la situation dans le monde et au Maroc. 75 pays dans le monde maintiennent encore la peine de mort. 12 pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord continuent à prononcer des condamnations à mort et à procéder à des exécutions. Au Maroc, 149 condamnés à la peine capitale dont 9 femmes. Aucune exécution, n'a eu lieu depuis 1993, pourtant l'image du Maroc est écorchée par une telle loi qui est caduque. Analyse. A l'occasion du 3ème Congrès mondial contre la peine de mort qui aura lieu à Paris du 1er au 3 février 2007, «Ensemble Contre la Peine de Mort» a organisé deux conférences de presse. D'abord à Rabat, le mardi 23 janvier où «Ensemble contre la peine de mort» et l'Observatoire marocain des prisons, ont mis la lumière sur les enjeux du 3ème Congrès mondial contre la peine de mort concernant les perspectives de l'abolition en Afrique du Nord, et ce, avec la participation de Michel Taube, Délégué général et Porte-parole d'ECPM et Youssef Madad, Secrétaire général adjoint de l'Observatoire marocain des prisons. La conférence de Paris qui a eu lieu le mercredi 24 janvier a vu la participation de plusieurs figures militantes telles que : Patrick Baudouin, Président d'Honneur de la FIDH, Sylvie Bukhari de Pontual, Présidente de la FIACAT, Jean-Marc Delas, membre du Conseil de l'Ordre, représentant le Bâtonnier de Paris, Françoise Rudelski, Déléguée Générale de SOS Attentats, Geneviève Sevrin, Présidente d'Amnesty International France, Michel Taube, Délégué Général d'ECPM et Marc Zarrouati, Président de l'ACAT. C'était là une occasion pour mettre sur la table toute l'actualité de la peine de mort dans le monde et surtout de revoir la copie du Maroc, pays qui s'achemine, à coup sûr, selon les spécialistes, vers une prochaine abolition. Une seule question prédomine dans les débats lors de cette journée d'étude du 23 janvier à Rabat: «Pourquoi faut-il abolir la peine de mort au Maroc ?» Les réponses versent toutes dans la même direction : c'est simple, depuis 1993, il n'y a plus d'exécution. C'est là le premier argument qui vient mettre en valeur d'abord le moratoire sur la peine capitale et surtout la nécessité pour ce Maroc nouveau de plier une page et de donner une image autre de son approche des droits de l'Homme. À la fois valeur de symbole et surtout enjeu politique dans la course au positionnement sur l'échiquier mondial, la peine de mort est cependant inscrite comme tache noire dans l'appareil judiciaire marocain. Comment alors tolérer une telle aberration quand les peines de mort sont transformées de facto en peines à perpétuité. Autant, dans ce cas déclarer officiellement, l'abolition. Pourtant, qu'il y ait d'autres urgences ou pas, il est question là de la valeur suprême de la société humaine: le droit à la vie. Qu'est-ce qui cause ce retard dans la prise d'une telle décision alors que tout laisse croire qu'elle est imminente, surtout après la tenue d'un congrès mondial au Maroc et ses derniers préparatifs en vue du prochain Congrès mondial à Paris? Pour beaucoup, ce n'est pas là un fait anodin, et il est même possible de voir la peine de mort abolie au Maroc dans les prochains mois. Mais certaines voix martèlent que la société n'est pas «encore mûre pour un tel changement». Coalitions et abolitionnistes Il faut rappeler ici que même le Ministre marocain de la justice, Mohamed Bouzoubaâ, est favorable à l'abolition. Il est relayé dans ce voeu par d'autres grandes figures de la politique et de la société civile marocaine qui plaident pour qu'une telle abolition ait lieu. Il y a aujourd'hui une coalition marocaine qui milite pour l'abolition, des parlementaires qui l'ont demandée et qui se sont exprimés pour un débat national, des médias qui ouvrent leurs tribunes à des opposants à la peine de mort. Bref, les ingrédients précurseurs d'une réelle mutation à la fois des mentalités et par la suite de la loi. Tous ces éléments montrent que le Maroc s'achemine vers un questionnement serein du principe de la peine de mort et le rôle de la Coalition mondiale est de soutenir les Etats dans lesquels les conditions sont de plus en plus réunies pour avancer vers l'abolition ou du moins vers un débat serein au sein de la société. Le Maroc se positionne déjà, en marge de ce congrès, comme un exemple pour le monde arabe et pour la communauté internationale. «Nous avons choisi Casablanca, il y a quelques mois, comme capitale mondiale de l'abolition, pour souligner le rôle que peut jouer le Maroc dans ce combat universel, et aujourd'hui cette conférence nous permet de faire le point avant le rendez-vous de Paris», a expliqué Michel Taube, l'une des grandes figures de la lutte pour l'abolition de la peine de mort lors de son passage par le Maroc. Déjà lors de la conférence de Meknès qui s'est tenue en décembre 2005 relative à la politique pénale, plusieurs recommandations ont été faites quant à la réduction des crimes passibles de peine de mort et la possibilité d'aller de façon graduelle vers l'abolition. «C'est juste une question de temps», avait souligné Youssef Maddad, membre du comité de pilotage de la Coalition mondiale et représentant de l'Observatoire marocain des prisons. «Je crois à la valeur d'exemple du Maroc non pas comme un pays abolitionniste mais comme un pays qui peut envisager l'abolition, et cela représente énormément, et ce sera une grande victoire pour nous si ce qui se passe aujourd'hui au Maroc pouvait arriver demain dans d'autres régions…», précise Michel Taube. À la lumière de cette radioscopie des intentions et des volontés dans le coeur social et politique marocains, il est capital pour nous de voir ces prémices se transformer en réalité sur le terrain. Les locataires du couloir de la mort au Maroc attendent cette décision, qui pourrait ouvrir d'autres horizons devant ce que l'on appelle communément la réinsertion des détenus. Un prisonnier qui sait que sa peine est susceptible d'être revue à la baisse aborde la prison d'un autre oeil. Le cas contraire s'avère fatal. Et là, les exemples sont nombreux de dérapages à cause de la perte de l'espoir de recouvrer un jour la liberté. Dans cette optique, ce qui est sûr, c'est que le travail des abolitionnistes demeure ardu du fait de la négligence au Maroc d'un débat aussi important. Le congrès qui s'est tenu au Maroc est venu relancer les choses en attendant plus d'implication des partis politiques. Et peut-être le round parisien pourrait apporter du nouveau. Dossier à suivre.