Dans la perspective du troisième congrès mondial qui se tiendra du 1er au 3 février à Paris, les acteurs de l'abolition de la peine de mort ont organisé deux conférences de presse pour annoncer les enjeux de ce congrès. L'une a eu lieu à Rabat le 23 janvier et l'autre à Paris le 24 janvier. Michel Taube, délégué général et porte-parole de l'association « Ensemble contre la peine de mort » organisatrice du congrès, nous livre plus de détails sur le sujet et parle des chances du Maroc d'abolir la peine capitale. Quels sont les enjeux du troisième congrès mondial contre la peine de mort ? POUR chaque édition du congrès mondial il y a des enjeux particuliers. Pour cette édition qui a lieu à Paris, nous voulons insister sur trois choses. Premièrement il y a une trentaine de pays dans le monde où il n'y plus d'exécutions depuis plusieurs années comme au Maroc où la dernière exécution remonte à 1993. Nous voulons donc demander à tous ces Etat de ratifier la convention internationale qui interdit la peine de mort pour confirmer cet engagement. Puis il y a un deuxième enjeu qui est régional. Nous allons insister lors du congrès sur deux régions du monde. D'abord la Chine qui est la championne du monde de la peine de mort puisque 95 % des exécutions ont lieu dans ce pays. Ainsi, dans la perspective des jeux olympiques de Pékin qui auront lieu en 2008 nous allons demander un arrêt des exécutions dans ce pays asiatique. Enfin, nous aller axer sur la région du monde arabe. Malheureusement, jusqu'à aujourd'hui, aucun pays du monde arabe n'a aboli la peine de mort. C'est dommage, car dans le reste du monde, chaque année de nouveaux pays l'abolissent : les Philippines en 2006, le Sénégal en 2005, la Turquie en 2004... Justement, comment voyez-vous les perspectives de l'abolition de la peine de mort dans les pays arabes ? On est convaincu qu'un pays arabe pourrait demain abolir cette peine car il y a des signes nouveaux positifs dans cette région du monde. Par exemple en Jordanie il y a une réforme du code pénal qui réduit sensiblement le champ d'application de la peine de mort. Au Liban, le Premier ministre était prêt, il y a quelques mois, à abolir la peine de mort. C'est le conflit israélo-libanais qui a gelé toutes les initiatives... Puis il y a le Maroc qui, selon nous, est le pays le plus avancé sur le chemin de l'abolition dans la région. Dans le monde arabe, il y a de plus en plus de représentants de l'Islam qui prêchent l'idée d'un moratoire des exécutions de la lapidation et des châtiments corporels au nom de principes religieux. Ces voix sont de plus en plus nombreuses tel que le grand mufti d'Egypte qui a écrit un texte justifiant l'arrêt des exécutions au nom même de l'Islam. Et selon vous, quelles sont les chances de l'abolition de la peine de mort au Maroc ? Dans le Maghreb je pense que le pays qui est le plus avancé, de très loin, c'est le Maroc. Et je pense que tous les feux sont ouverts pour que cela se fasse au Maroc. Je pense aussi que le Roi est intimement opposé à la peine de mort, j'en suis convaincu. Qu'est ce qui vous pousse à penser cela ? Plusieurs choses. C'est qu'il n'y a plus d'exécutions depuis plus de 10 ans. Le Roi a déjà commué certaines condamnations à mort. Malgré les attentats terroristes de Casablanca en 2003, certes il y a eu certaines condamnations à mort, mais il n'y a pas eu d'exécutions de terroristes. Ce qui est un signe très fort. Ceci dit, je pense que les autorités marocaines attendent qu'un consensus soit réuni dans la société marocaine pour faire le pas vers l'abolition. Ce que nous pensions avec Youssef Maddad, Secrétaire général de l'Observatoire Marocain des Prisons, avec des dirigeants politiques marocains, c'est que ce consensus existe déjà dans la société marocaine. Car plusieurs partis ont déjà demandé l'abolition, de nombreuses réunions publiques de la société civile depuis 2003 pour demander l'abolition de la peine de mort. Dans le code pénal marocain il y plus de 1100 cas qui permettraient de condamner à mort des personnes mais les magistrats marocains ont très peu condamné à mort ces dernières années. En plus, dans le cadre des relations qui lient le Maroc à l'Union Européenne, il y a des discussions très avancées pour encourager Rabat à abolir la peine capitale. Il y a également le rapport final de l'Instance Equité et Réconciliation qui va dans ce sens. Je trouve donc que tous les éléments sont mûrs et concourent pour que la peine de mort soit abolie au Maroc. Pour cela il y a deux voies : la voie juridique et celle politique. C'est pourquoi vous tablez sur les partis politiques pour voter une telle loi dans le prochain parlement ? Tout à fait. C'est pourquoi nous avons demandé à voir tous les grands partis marocains qui ont tous accepté de nous recevoir. Nous espérons que très prochainement, tous les partis politiques demanderont publiquement l'abolition de la peine de mort, soit lors de l'actuelle législature, sinon au lendemain des prochaines élections législatives. Nous voulons donc que chaque parti mette dans son programme politique pour les prochaines élections l'engagement de faire passer une loi pour l'abolition de la peine de mort.