La forêt marocaine est en danger. D'année en année, les ressources forestières, poumons de nos cités, se dégradent, mettant en péril les écosystèmes. « La forêt est plus qu'en danger, c'est indéniable. Prenez par exemple la forêt de Maamora : elle est passée de 120 000 ha à 30 000 hectares », nous déclare Ahmed Iraqi, ancien secrétaire d'Etat à l'Environnement et président de l'Association marocaine des études et recherches sur le changement de l'environnement. Cette dégradation du patrimoine forestier reste toutefois difficilement mesurable. Si certains avancent le chiffre d'une perte de 30 000 hectares par an, d'autres répliquent que la dégradation des forêts ne se mesure pas uniquement en termes de superficie mais aussi en termes de densité. « La dé-densification des forêts n'est actuellement pas mesurée. Or, on peut avoir toujours la même superficie, mais perdre sur le plan de la qualité » souligne Abderrahman Aafi, chercheur en écologie et biodiversité, avant de tirer la sonnette d'alarme sur les conséquences « Lorsqu'une forêt perd en densité, des espèces disparaissent, des écosystèmes sont menacés de disparition. Cela déclenche tout un processus de déséquilibre ». Pression anthropique, par manque d'alternatives Exploitation forestière et activités anthropiques restent une menace sérieuse même si 45 000 ha sont plantés chaque année. Première cause de ce recul des forêts : les activités anthropiques. « Les terres agricoles envahissent les forêts, et les cités urbaines envahissent les terres agricoles » résume Ahmed Iraqi. En raison de ce mouvement, la pression des populations sur le milieu forestier s'accroît, et les ressources forestières sont surexploitées.« Mais c'est normal, les riverains de la forêt prélèvent car il n'y a pas d'autres ressources que la forêt. Il faut bien qu'ils vivent », rappelle toutefois le chercheur Abderrahman Aafi. Bien souvent, les riverains, premiers concernés par la dégradation des ressources naturelles, sont conscients du recul de la forêt, mais ne disposent pas d'alternatives pour avoir d'autres activités génératrices de revenus. Il faut également rappeler que dans ce contexte, si une part des prélèvements se fait dans le cadre des aménagements d'une gestion régulière, une autre partie se réalise de manière illicite. Des « mafias du bois » bien difficiles à contrôler. D'autant plus que sur les 9 millions d'hectares, un agent forestier couvre environ 40 000 hectares à lui tout seul, rappelle Abderrahmane Aafi. Développement durable Pour faire face à la dégradation des forêts, des stratégies de reboisement ont été lancées à l'échelle nationale. Actuellement, le Haut Commissariat aux Eaux et Forêts plante environ 45 000 hectares par an. Mais « le rythme actuel de reboiseement demeure insuffisant pour inverser la tendance à la dégradation observée et encore moins pour répondre aux besoins du pays en produits ligneux », rappelle le Haut Commissariat. En effet, le reboisement reste insuffisant face à la pression anthropique croissante, ainsi que face à la dégradation de la qualité des sols. Les changements climatiques, avec le manque de pluie et les sécheresses, freinent la régénération des ressources. Et ces changements climatiques sont, encore une fois, dues aux activités anthropiques. Au-delà du reboisement ou de la sensibilisation environnementale, la problématique de la conservation des forêts relève donc d'une question de développement durable de ces régions, et des moyens qui lui sont alloués. L'équilibre reste à trouver, entre conservation du patrimoine forestier et satisfaction des besoins des populations. « n ne peut pas s'attaquer à la question de la forêt de manière isolée, il faut résoudre la question de l'environnement en s'intéressant aux raisons de sa sollicitation anormale. Actuellement, on essaye de traiter le normal -les conséquences- en oubliant l'anormal -les causes-. Voilà le problème de la forêt », conclut Ahmed Iraqi. Et ailleurs ? Selon les derniers chiffres de l'Organisation des Nation-Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), publiés en 2011, les forêts du monde couvrent un peu plus de de 4 milliards d'hectares, soit 31 % de la superficie totale des terres. Cela équivaut à une moyenne de 0.6 ha par habitant. En termes de répartition, ce sont les cinq pays les mieux dotés (Russie, Brésil, Canada, Etats-Unis et Chine) qui totalisent plus de la moitié de la superficie forestière mondiale. Dans son dernier rapport, la FAO rappelle que même si le taux de déforestation et de perte des forêts reste alarmant, une prise de conscience est en train de s'opérer à l'échelle planétaire. « Plus de 75 % des forêts du monde font l'objet d'un programme forestier national », note le rapport 2011. Reste à savoir si derrières ces programmes nationaux, les moyens sont assurés pour la conservation des ressources forestières. Hommage pictural au jardin zoologique En lien avec la Journée internationale du 21 mars, une exposition de peinture sur le thème de la forêt se tiendra du 29 mars au 29 Avril au Jardin zoologique de Rabat. Les œuvres présentées résultent du travail de six femmes, passionnées d'art et soucieuses de leur environnement : Fatma Ajarg, Sakina Ataallah, El Batoul Bargach, Amina Benfattah, Ouafae Benzakour et Atika Saïagh. « L'exposition se veut une promenade à travers les bois et les buissons, une exploration des lieux de saison en saison. Chacune a sa manière à tirer une révérence à la forêt, source et ressource, telle une mère qui n'est jamais avare de ses dons envers les siens », précise le communiqué de l'exposition. Résultat : des œuvres aux styles artistiques et techniques variés, fédérées par leur thématique environnementale. « Notre souci est de transmettre un message quant à l'importance et l'urgence d'une mobilisation et d'une sensibilisation à préserver notre forêt », nous explique Sakina Ataallah. Un message écolo à découvrir en peinture au village d'accueil du Jardin zoologique de Rabat.