Alors que la deuxième phase des législatives a débuté hier en égypte, le chercheur Dominique Thomas, spécialiste des mouvements islamistes, analyse pour Le Soir échos la montée en puissance du salafisme politique. Les salafistes ont un programme centré sur l'identité, la conception de la société et la régulation des moeurs. Les bureaux de vote ont ouvert hier dans neuf provinces, dont celles de Suez et d'Assouan, pour la deuxième phase des législatives. Cette nouvelle étape du scrutin, organisé en trois temps, devrait venir nuancer ou confirmer les premiers résultats partiels des législatives, marqués par une victoire des Frères musulmans avec 36 % des voix, suivis des salafistes avec 25 %. Contacté par Le Soir échos, Dominique Thomas, spécialiste des mouvements islamistes, revient sur l'ancrage des mouvances salafistes dans la société égyptienne et sur leur programme, qui prône une application rigoureuse de la charia. Les bureaux de vote ont ouvert hier dans neuf provinces, dont celles de Suez et d'Assouan, pour la deuxième phase des législatives. Cette nouvelle étape du scrutin, organisé en trois temps, devrait venir nuancer ou confirmer les premiers résultats partiels des législatives, marqués par une victoire des Frères musulmans avec 36 % des voix, suivis des salafistes avec 25 %. Contacté par Le Soir échos, Dominique Thomas, spécialiste des mouvements islamistes, revient sur l'ancrage des mouvances salafistes dans la société égyptienne et sur leur programme, qui prône une application rigoureuse de la charia. Les résultats de la première phase des législatives ont été marqués par une percée des salafistes, avec 25 % des voix pour le bloc Al Nour. Comment expliquez-vous cette montée en puissance des salafistes ? Il faut attendre la suite des résultats pour apprécier le phénomène dans sa globalité. Mais pour les villes du Caire, d'Alexandrie, il n'est pas étonnant de voir les salafistes en bonne position car ils composent depuis plusieurs années des tissus religieux et sociaux bien implantés dans la société égyptienne, par le biais d'associations et de prédicateurs. Leur engagement en politique, qui est un phénomène récent, s'est donc traduit par une percée. Qui sont les formations politiques qui composent le Bloc El Nour ? Le salafisme du bloc Al Nour n'est pas uni mais résulte d'alliances pragmatiques. Le bloc Al Nour est composé de plusieurs formations : le parti salafiste Al Nour, qui domine le bloc et plus orienté vers Alexandrie et Damiette, le mouvement Al Asala, plus urbain et implanté à Ismaïlia et au Caire, le Parti de la justice et du développement, qui est une émanation politique de Al Gamaa Al Islamiya, et un autre groupuscule, le Front salafiste. Les salafistes sont pour une relecture de la politique étrangère égyptienne, en rupture avec la ligne actuelle. Toutes ces mouvances ont été créées entre mai et juillet 2011 et sont marquées par des localismes très forts. à l'image du bloc Al Nour, le salafisme se caractérise par de nombreuses mouvances… Oui, le salafisme n'est pas un courant homogène. Dans tous les pays du monde arabe où le salafisme politique est présent, comme au Yémen ou au Koweït, on a ce phénomène commun d'une grande hétérogénéité. Sa fragmentation en différents mouvements s'explique par son histoire et ses liens avec le salafisme moderne, la doctrine wahabite apparue en Arabie Saoudite. L'égypte, qui est le berceau des idées de l'islam politique des deux derniers siècles, a connu toute une évolution des idées. Certaines mouvances restent notamment critiques sur l'engagement d'Al Nour en politique. Les personnes très imprégnées du wahhabisme scientifique des cheikhs saoudiens prônent le non-interventionnisme dans le domaine politique. Quelles sont les grandes lignes du programme d'Al Nour ? Les salafistes ont un programme centré sur l'identité, la conception de la société et la régulation des moeurs. La da'wa salafiya est un engagement de prêcher la hisba : c'est-à-dire de moraliser la vie publique et d'« interdir le mal ». Sur quels points les salafistes divergent-ils des Frères musulmans ? Les salafistes divergent des Frères musulmans sur le degré et le mode d'application de la charia comme source de législation. Le bloc salafiste est pour une application rigoriste de ces principes. Autre point de désaccord : les relations internationales. Les salafistes sont pour une relecture de la politique étrangère égyptienne, en rupture avec la ligne actuelle, alors que les Frères musulmans semblent l'accepter, même si c'est du bout des lèvres, et ils ne remettent pas en cause les accords internationaux. Mais sur l'identité ou sur l'islam, il pourra y avoir des alliances ou des orientations communes entre Frères musulmans et salafistes.