Les nouvelles voix nigérianes continuent de s'accrocher et de déferler dans le flot des ondes. Après Asa et Nnekka, apparues quelques temps avant Ayo, en ouverture du Festival de Casablanca, le 13 juillet, les soul sisters fraîchement débarquées sur la scène musicale occidentale s'appellent Irma, Imany et Mariama. Première chef de file de cette vague de chanteuses «à voix», Asa, surnommée le petit faucon du Lagos. Elle accepte de vous accorder un entretien lors de la sortie de sa première galette fin 2006, opus qu'elle signe avec le label français naïve, records, situé rue Victor Massé, pas n'importe quelle rue puisqu'il s'agit de la rue qui regroupe le plus grand nombre de magasins de musique du 9e arrondissement de Paris. D'emblée, la jeune auteur-compositeur annonce dans un anglais parfait la couleur de sa patte artistique, celle d'une artiste traversée par la musique à la veine soul, pop, folk nigérian et dont la voix a transporté des milliers d'âmes, depuis sa sortie en novembre de la même année dans les bacs français. Un album, à l'image de l'authenticité de son interprète, simplement intitulé Asa, du nom de cette jeune Nigériane de 25 ans, surnom qui signifie «petit faucon», et qu'elle a adopté depuis une fugue enfantine. Prophétie avérée ? Ce premier album connaissait déjà une belle envolée, s'étant alors hissé au top des disques d'or. Les influences d'Asa ? Le Nigeria, où elle retourne à l'âge de 2 ans avec sa famille, ayant vu le jour à Paris. Bukola Elemide, de son vrai nom, est une Yoruba qui a ainsi passé son enfance et son adolescence au cœur du mouvement incessant de Lagos. En 2004, retour vers la France, à Marseille, puis à Salon-de-Provence, où elle étudie dans une école de jazz. Asa, toujours portée par la musique, regagne ensuite Paris dans la cadre d'un projet jazz, un échange franco-nigérian. La suite ? Sa rencontre avec le compositeur Cobham Asuquo et un premier opus enregistré à Montreuil. Mais, Asa n'en oublie pas pour autant le Nigeria, elle chante ses rêves, ses craintes, l'esclavage moderne, la guerre car «nous avons besoin d'un Mandela qui a tout compris alors qu'au Zimbabwe, qui a connu la même histoire que l'Afrique du Sud, Mugabe n'a rien compris. Le peuple c'est comme une corde : si on en défait les fibres elle ne sera plus solide. Il faut faire des compromis et partager. Nous sommes un pays riche mais un peuple pauvre. Pas d'eau, pas de job pour les jeunes. Tout le monde improvise pour survivre.» «Music is my saoul» restent les derniers mots que vous retenez de cette interview et de cette artiste à l'âme profondément noire, tournée vers le continent. Moins de six mois plus tard, Nneka, déboule telle une météorite sur la scène de la Boule noire à Paris, et détonne, dégageant une énergie rare, un flow âpre, des textes chocs. On sent l'artisane de la scène, une force incroyable qui émane de ce petit bout de femme, menue, gracile, se balançant au rythme de la musique dans des vêtements de rappeur new-yorkais. Elle est née à Warri, d'un père nigérian et d'une mère allemande. Nneka est un prénom igbo qui vient du peuple Ibo issu de la partie orientale du Nigeria et qui signifie «la Mère suprême, la Meilleure mère». Elle est née et a grandi à Warri dans la région du delta du Nigeria. Après s'être installée à Hambourg, elle poursuit une carrière de chanteuse tout en continuant ses études d'anthropologie. Elle passe son temps entre le Nigeria et la ville allemande. Toujours en 2006, une chanteuse, également née d'un père nigérian et d'une mère tsigane roumaine, promène sa voix à la tessiture chaude, soul sur la scène française. Ayo, est l'interprète du méga tube «Down On My Knees». Vivier de cette nouvelle génération de chanteuses remarquées, que représente actuellement le Nigeria sur le plan musical ? «C'est un pays qui réunit deux vagues : une école musicale au cœur du Nigeria, de chanteurs afro-beat, soul, dont Kist Wham, P Square, Too face, D'banj, et les Nigérians qui ont grandi en Europe, et offre un genre qui parle aux Européens comme Asa, Ayo, Nneka, Kezia Jones. Il s'agit d'une musique acoustique, déjà explorée en guitare, ils ne sont pas porteurs d'un vrai art. Les labels musicaux les produisent car c'est une soul soft mais déjà faite 20 ans plus tôt par Joan Armatradding ou Tracy Chapman, précurseurs de Sade et grandes sœurs des grâces nigérianes », souligne Jean-Michel Denis, rédacteur en chef d'Afrique magazine et critique musical. Nouvelles venues, Irma, Imany et Mariama. A suivre l'oreille tendue. Je trouve qu'à force, c'est un air de déjà vu, ça en devient limite lassant.