Pour commencer, que représente pour vous cette participation au festival de Dakhla ? Premièrement, je tiens à dire que de telles manifestations sont cruciales pour l'animation de la ville. C'est une réelle bouffée d'air non seulement pour ses habitants mais pour tous les Marocains. Ouvert, ce festival donne à apprécier différentes couleurs de tous les horizons, de croiser des regards différents et c'est franchement formidable. Cela permet à chaque artiste de redonner le souffle à ses créations et de s'éloigner de la monotonie qui risque de s'incruster dans son répertoire. Je remercie d'ailleurs les organisateurs de m'avoir invité et de l'honneur qu'ils m'ont fait et l'hommage qu'ils m'ont rendu. Je ne l'oublierai jamais. Justement, vous avez participé à un festival très éclectique, cocktail de reggae, musique marocaine, funk, jazz. Suivez-vous un peu toutes ces couleurs et connaissez-vous les artistes avec lesquels vous avez partagé l'affiche ? Pas vraiment, mais je suis là pour cela. J'entends parler de ces artistes, je les ai vus à la télé, mais je ne les ai jamais rencontrés auparavant. Et la rencontre c'est l'esprit même de ce festival. Cependant, se rencontrer sur la même scène n'est pas suffisant. J'aurais aimé que les organisateurs prévoient des rencontres entre les artistes de manière à ce que l'on puisse échanger nos réflexions. Cela devrait être au cœur de tous les festivals mais ce n'est pas le cas. Vous êtes un artiste à la fois mythique et populaire de la chanson marocaine et nous croyons tous vous connaître mais finalement, nous savons très peu sur vos goûts musicaux… Je suis né dans le pays de la beauté et cela fait que j'en aime toutes les couleurs. Par contre, j'apprécie, les genres épurés et non ceux qui tentent à ressembler à d'autres. Est-ce que vous suivez la jeune scène marocaine, ce que l'on appelle «musique marocaine actuelle» ? J'écoute attentivement le discours de ces jeunes. Je trouve qu'ils sont encore au stade du tâtonnement. Comme dans un grand laboratoire, ils essaient de se trouver une niche mais ils n'y arrivent pas encore. Il faudrait qu'ils puissent développer leur propre école comme Nass El Ghiwan, l'ont fait avant eux. Et pour cela, il leur faudra encore des efforts et du courage sinon, leur musique risque de ternir et de s'éteindre pour de bon. De jeunes artistes marocains participant au festival, «Gnawa Stone», ont essayé de vous approcher pour un duo. Est-ce vrai ? Oui et je leur ai proposé que l'on se rencontre, qu'on échange nos idées et voir après ce qui peut se passer. L'art est une idée. Et je pense que c'est avec mes idées que je peux assister cette nouvelle génération de musiciens et chanteurs… Certains artistes de la nouvelle scène reprochent à leurs aînés leur manque de communication. Vous, qu'en pensez-vous ? Il faut juste que ces jeunes artistes aient de l'audace pour aller vers les autres. Moi, par exemple, je suis ouvert à toutes les propositions. Au contraire, nous aimerions leur apporter des choses. C'est ainsi que nous avons mûri aussi. Personnellement, je voyais en Mohamed Abdelwahab un monument, une star inaccessible. Mais j'ai osé et il est devenu mon ami. De même pour Abdelhalim Hafid. Puisque vous citez vos premiers pas, que pouvez-vous nous dire sur la situation de la chanson marocaine. Se porte-t-elle aujourd'hui mieux qu'hier ? La chanson marocaine est récente. Il y a tout juste 50 ans, elle n'existait pas encore. Il y avait l'Aïta seulement. Elle est née avec Houcine Slaoui et Mohamed Fouiteh puis avec de jeunes compositeurs comme feu Abderrahim Sekkat, Abdelkader Rachdi un nouveau genre ni en arabe classique ni ressemblant à la Aïta a commencé à se dessiner. Cette musique suit ainsi son chemin. Que ce soit avec nous, l'ancienne génération, ou avec cette jeune génération qui monte… Vous n'avez pas sorti de nouvelles chansons depuis bien longtemps. Est-ce un choix délibéré de camper sur ses anciens succès ou bien y a-t-il d'autres raisons à cela ? En réalité, j'ai sorti une nouvelle chanson titrée «El Bouhali» cette année. Il y a aussi «Choufou lehwa» qui est nouvelle. Moi je pense qu'il ne faut pas lancer plusieurs chansons à la fois mais qu'il faut donner à chacune le temps de grandir, d'être écoutée et d'être sentie. Pour ne rien vous cacher, j'ai 35 nouvelles chansons sur lesquelles je travaille. Certains de vos fans reprochent que l'Abdelhadi Belkhayat de la chanson classique, des textes lyriques d'«Al Qamar Al ahmar» n'a plus refait surface depuis longtemps. Que leur répondez-vous ? En vérité, le problème des textes lyriques comme d'Al Qamar Al ahmar c'est qu'ils ne peuvent être assimilés que par une petite frange d'intellectuels, de ces personnes qui saisissent le sens du mot et de ses dimensions. En revanche, la chanson marocaine populaire en darija est comprise par tous et donc peut être mieux reçue. En parlant d'Al Qamar Al ahmar, l'histoire conte que ce grand chef-d'œuvre vous a rapporté très peu financièrement. Est-ce vrai ? Il faut placer les choses dans leur contexte. A l'époque où est sortie cette chanson, tous les artistes marocains devaient beaucoup se sacrifier. Les artistes n'étaient pas aussi matérialistes qu'aujourd'hui. Ils cherchaient juste à percer et à imposer leur marque. Le peu nous rendait heureux… (Rire). Aujourd'hui, après le festival de Dakhla, avez-vous d'autres dates de concerts ? Je participerai au festival Mawazine où je présenterai de nouvelles créations.