Tous les coups semblent permis. À quelques jours du passage au vote en plénière de l'accord agricole entre le Maroc et l'Union européenne, la ferveur est montée de plusieurs crans. D'un côté ou de l'autre du Détroit, les sorties s'enchaînent, les unes plus percutantes que les autres, au fur et à mesure que l'on approche de l'échéance du vote. L'une des plus fraiches en date est opérée par le gouvernement Benkirane. L'intransigeance prévaut, et les enjeux sont énormes. Jeudi dernier, le Conseil de gouvernement affirmait qu'un éventuel vote négatif du Parlement européen sur le protocole d'accord agricole Maroc- UE, «affecterait les intérêts supérieurs des deux parties». Le fait est significatif, puisque la coïncidence semble avoir voulu qu'il se déroule à la veille même de l'importante visite d'El Othmani à Madrid. Pour rappel, l'Espagne est le principal Etat membre détracteur de l'accord agricole avec l'UE. Jusqu'aujourd'hui, ce positionnement était exprimé de façon assez feutrée. Mais si le gouvernement n'hésite plus à le faire valoir de manière aussi ouverte, cela voudrait sans doute dire que l'heure est résolument au raffermissement de la position du royaume dans les débats entourant ce dossier. «Une fermeté de position» que les exportateurs marocains, regroupés au sein de l'Association marocaine des exportateurs, continuent d'exhorter. «Nous devons garder une position de force dans nos relations avec l'UE», tance ce membre du Conseil d'administration de l'association patronale. Il est en effet certain que, par rapport au statut avancé, l'absence d'accords ou de partenariats économiques privilégiés, donnerait l'image d'un plafond qui ne tiendrait plus que sur quelques poutres fragiles... prêtes à s'effondrer à la moindre bourrasque. Aziz Akhannouch, le ministre de l'Agriculture et de la pêche maritime, a tout à fait conscience de cette métaphore. «Le statut avancé perdrait sa substance en l'absence d'accords sectoriels», déclarait-il dans ce sens. Ce dernier semble, en tout cas, déjà en train de préparer le terrain de son argumentaire, en tête à tête, avec son homologue espagnol. Celui-ci devrait en effet effectuer une visite au Maroc ce jeudi 9 février. Le dossier serait donc fortement soulevé dans les échanges entre les deux hommes. Les parlementaires entrent en scène Autre fait, non moins important. Au moment où les choses se jouent aux niveaux des sphères gouvernementales, l'accord agricole -décidément l'un des sujets «buzz» de ce début de mandat- était aussi au centre d'un déplacement d'un groupe de parlementaires marocains à Bruxelles. De fait, une délégation de députés et de conseillers, chargée du suivi de la Commission parlementaire mixte Maroc-Union européenne, a tenu mercredi et jeudi derniers, une série intensive de rencontres avec plusieurs eurodéputés sur le sujet. Pendant longtemps restée quasi-inaudible dans le débat autour de ce partenariat, la machine parlementaire semble en tout cas s'ébranler...au moment le plus opportun ? «Nous savons qu'il y a un lobbying au sein du PE qui œuvre contre les intérêts du Maroc. Nous savons aussi qu'il y a des députés, notamment espagnols, dont le vote sera dicté par des raisons politiques internes et par des considérations électorales», a déclaré à la presse, le vice-président de la Commission parlementaire mixte Maroc-UE (CPM), le conseiller Abderrahim Atmoun. «C'est pour cela qu'il faut redoubler d'efforts pour approcher le plus grand nombre de parlementaires européens», appuie le responsable. Une réponse politique à des craintes... politiques, semble-t-il. «Ce que nous n'acceptons pas, c'est que le vote de cet accord soit un alibi pour porter atteinte aux intérêts suprêmes du royaume», a confirmé Nouzha Skalli, parlementaire membre de la délégation. Autre aspect à souligner : cette délégation a regroupé presque toutes les sensibilités politiques du royaume, allant du PJD à l'UFSP en passant par l'Istiqlal. Le compromis gouvernemental s'en retrouve prolongé, ce qui ne peut être que de bonne augure. Il faut savoir que cette visite de la délégation parlementaire marocaine intervient à la suite du vote positif de la commission du commerce international (INTA) du Parlement européen. Une bataille de gagnée...