Le spectre de la schizophrénie européenne planerait-il toujours sur les relations commerciales avec le Maroc ? L'accord agricole, en l'occurrence, semble en effet suivre le même dessein que celui de la pêche, noyé aujourd'hui au fond des abysses. La Commission du commerce international (INTA) du Parlement européen (PE) s'est en effet prononcé, jeudi, en faveur de la mise en œuvre de l'accord entre le Maroc et l'Union européenne (UE). La même INTA, qui justement avait refusé, il y a quelques mois, le renouvellement de l'accord de pêche entre les deux parties. Ce vote a en tout cas quelques airs de «rattrapage» sur le dossier de la pêche. Il constitue tout de même, quoi qu'il en soit, un léger bond en avant dans le processus marathon de validation de ce partenariat, entamé depuis décembre 2010, et qui devrait voir le bout du tunnel lors de la prochaine plénière du PE, le mois prochain. De ce côté-ci du détroit, les réactions ne se sont pas fait attendre et confirment quelque peu cette lecture. «Ce n'est que justice. C'est loin d'être une faveur qui nous est accordée, après le rejet de l'accord de pêche», tance d'entrée un membre du Conseil d'administration de l'Association marocaine des exportateurs (ASMEX), principale entité du lobbying professionnel marocain dans ce dossier. «C'est un bon acquis, en attendant les choses sérieuses en plénière», avance, pour sa part, cette parlementaire marocaine proche des circuits communautaires à Bruxelles. Une réserve qui trouve écho auprès du même responsable de l'ASMEX. «Il ne faudrait cependant pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Rien n'est encore acquis», relativise-t-il, au moment où Aziz Akhannouch, le ministre de tutelle, avait encore la tête dans la validation du programme gouvernemental, au Parlement, pour ne pas pouvoir réagir à chaud à cette décision de l'INTA. Il faut savoir que l'UE est devenue une habituée des «surprises» dans ses relations avec le royaume. Les récentes péripéties ayant entouré le processus de renouvellement de l'accord de pêche sont encore toutes fraîches dans la mémoire des institutionnels et des opérateurs du royaume. Un autre «coup» de ce genre, serait certainement la goutte qui ferait déborder le vase du statut avancé. L'histoire semble se répéter... Il faut savoir que l'avis favorable de l'INTA tombe dans un contexte bien particulier. Miguel Arisa Canete, le ministre espagnol de l'Agriculture et de la pêche, vient de confirmer la visite de «bon voisinage» qu'il devrait rendre à Akhannouch, le 9 février prochain. Evidemment, le fond de cette rencontre sera, à coup sûr, constitué par l'accord sur les échanges des produits agricoles et halieutiques entre le Maroc et l'UE. Cet accord est, justement, très contesté par la partie espagnole pour des raisons que cette dernière ne cache plus, principalement liée à l'argument selon lequel le royaume ne respecterait pas les clauses de prix et les quotas autorisés. Le vote favorable de l'INTA place Canete dans une mauvaise posture pour cette prochaine rencontre avec Akhannouch. Il faut savoir en effet que le ministre espagnol devrait, en plus de l'accord agricole, apporter dans ses valises une plaidoirie pour la cause espagnole qui souffre encore du rejet de l'accord de pêche Maroc-UE. Eviter les erreurs du passé Du côté marocain, en tout cas, les avis sont clairs. «Il faudrait dissocier les deux dossiers et considérer chacun d'eux en prenant en compte les intérêts en jeu», explique notre source à l'ASMEX. La même source avance toutefois, au-delà de tout ceci, la nécessité d'une concertation entre la tutelle administrative et les opérateurs concernés. Histoire d'éviter les erreurs du passé... Sur la rive d'en face du détroit, la décision de l'INTA est une «bataille de perdue, dans une guerre qui n'est pas encore finie». Au moment où nous mettions sous presse, les eurodéputés espagnols, porteurs de voix des agriculteurs ibériques, promettaient de redoubler de pression sur le PE en vue du vote final en plénière. Février promet beaucoup de surprises... Bout du tunnel en février L'approbation donnée à la mise en place de l'accord agricole par la Commission du commerce international du Parlement européen (INTA), n'est qu'une étape parmi bien d'autres. Ce projet de libéralisation des échanges des produits agricoles et halieutiques entre le Maroc et l'UE, a fait un long chemin. Signé le 13 décembre 2010, cet accord fait suite à la ratification par le Conseil européen et la Commission européenne de l'accord paraphé par les chefs négociateurs des deux parties à l'issue de la clôture des négociations en novembre 2009. Le processus de négociation a été déclenché suite à l'adoption de la feuille de route euro-méditerranéenne adoptée par les ministres euro-méditerranéens des Affaires étrangères réunis en novembre 2005. Ces négociations ont permis au Maroc d'améliorer le positionnement de ses produits agricoles au sein des marchés de l'Union européenne, d'adapter les mesures de l'accord à sa nouvelle orientation stratégique dans le domaine agricole (portée par le Plan Maroc Vert) et également d'ouvrir suffisamment son marché, afin d'y insuffler une dynamique de compétitivité et de l'approvisionner en produits nécessaires au fonctionnement et au développement des différentes filières et industries agricoles. Les termes de l'accord sont fondés sur trois grands principes : la libéralisation progressive et asymétrique des échanges agricoles, agro-industriels et de la pêche, l'exclusion d'un nombre limité de produits sensibles et l'instauration de mesures d'accompagnement à la libéralisation commerciale en faveur du Maroc, en particulier pour le développement rural.