«C'est assurément un bon point pour nous... mais rien est encore acquis». C'est en ces mots que les responsables du ministère d'Akhannouch ont réagi à chaud, hier, suite à l'avis -finalement amendé-, en faveur de la conclusion de l'accord sur la libéralisation des échanges de produits agricoles et de pêche, en l'occurrence émis lundi par la Commission de la pêche du Parlement européen (PE). Cette instance a officiellement invité la commission du commerce international (INTA), à laquelle incombe le dernier rapport sur cet accord avant sa soumission au vote des eurodéputés en séance plénière du PE dans les prochains mois, à «proposer au Parlement de donner son approbation» pour la ratification de cet accord, probablement en janvier prochain. De ce côté-ci du détroit, l'enthousiasme que devrait sans doute susciter cette décision de la Commission de la pêche de l'UE auprès des opérateurs de l'industrie de la pêche, se veut relatif. Si ces derniers appuient clairement le principe du partenariat et le projet «d'arrimage de l'économie marocaine à celle de l'UE», ils demeurent convaincus qu'au-delà des opportunités d'échange qui pourraient se dégager de ce partenariat, les priorités sont aujourd'hui ailleurs. «Nous n'arrêtons pas de répéter que nous aurons plus à gagner en favorisant et incitant les investissements étrangers dans l'industrie locale de transformation des produits de la pêche», lance Hassan Sentissi, président de la Fédération nationale des industries de la pêche (FENIP). Pour ce dernier, l'attrait des investissements est donc plus une priorité, d'autant plus que le royaume a déjà de très bons acquis en termes d'exportation des produits de la pêche, transformés ou pas, vers les pays européens. Le Vieux Continent absorbe effectivement 50% du total des exportations de l'industrie locale de conserves de poisson, 87% des semi conserves de poisson et 99% des produits frais conditionnés. Le responsable brandit l'argument «de la disponibilité sur le marché local d'une main d'oeuvre compétitive et moins chère, en comparaison avec l'Europe», pour justifier sa position. Dualité d'opinions Mais ne perdons pas de vue l'essentiel : même si les produits de pêche marocains ne peuvent pas prétendre subir les mêmes attaques lobbyistes que les produits agricoles de la part de certains courants parlementaires européens, il se trouve toutefois que le revirement de situation qui vient de s'opérer au niveau de la Commission de la pêche de l'UE, est lourd de sens. Il vient rééquilibrer - au sens premier du terme - les débats autour de la validation finale de cet accord au niveau du PE en janvier prochain, en séance plénière. Quelques mois effectivement après le «rejet» exprimé en juillet dernier par la Commission agriculture et développement rural, concernant le volet «produits agricoles» de cet accord, celle de la Pêche, elle, adopte une attitude moins compliquée et moins réticente, en recommandant à l'INTA de proposer au PE de donner son approbation. La situation est fort embarrassante pour cette dernière commission. Elle a sur son bureau, au moment même où nous parlons, deux avis antagonistes des deux principaux organes parlementaires concernés par le projet de libéralisation réciproque entre le Maroc et l'UE des échanges en produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche. Le rapport qu'il devra émettre et qui devrait constituer le principal document de base pour les eurodéputés lors de la séance plénière, devra trancher. Au Maroc, en tout cas, le document est attendu de pied ferme par les institutionnels et les opérateurs privés, aussi bien du secteur de l'agriculture que de la pêche. Il y a quelques jours encore, les principales filières agricoles exportatrices sont montées au créneau pour faire entendre, «En choeur», une position concertée. Ces derniers se devaient de réagir. Ils l'ont fait...tardivement ? La suite des évènements nous le dira ... «L'amendement» qui a tout changé... Plus qu'un «rééquilibrage», le vote majoritaire en faveur de cet accord au niveau de la Commission de la pêche de l'UE, vient de très loin. Le projet d'avis sur lequel les membres de cette instance ont travaillé lundi, proposait en effet au Parlement européen le «refus» d'approuver le texte qui devrait libéraliser 45% (en valeur) des importations du Maroc venant de l'UE et 55% des exportations du royaume vers le marché européen. Les arguments qui y étaient présentés parlaient de «préoccupations» et d'«inquiétudes» sur divers aspects de l'accord. Parmi ces derniers, «le déséquilibre entre les réductions tarifaires conclues par les deux parties». D'autres avaient trait à des réserves quant à la conformité des produits marocains importés par l'UE aux mêmes normes - notamment environnementales et sociales - auxquelles sont assujettis les produits manufacturés dans l'espace communautaire. À cela s'ajoute l'argument selon lequel «le marché communautaire ne devrait pas s'ouvrir à des produits provenant de stocks appauvris, dans la mesure où cela ne pourra que se traduire par un appauvrissement accru». La Commission de la pêche affirme en effet, à la suite d'une évaluation menée en interne, que de nombreux stocks halieutiques sont appauvris dans les eaux marocaines. Pour finir, l'autre aspect «le plus controversé» aux yeux des membres, a été celui sur l'intégration du Sahara marocain dans les négociations de cet accord. Mais apparemment, cette pilule aussi a fini par passer... Lire aussi : Un nouvel accord de pêche dans le pipe