Les rapports entre deux voisins condamnés à évoluer ensemble sont toujours empreints de hauts et de bas. Dans le cas de figure actuel, le bas serait ici constitué par la vive opposition de l'Espagne à la ratification, par le Parlement européen (PE), de l'accord agricole avec le Maroc. Cette opposition a été récemment ré-exprimée par les professionnels du secteur agricole, qui voient la mise en œuvre de cet accord comme une menace économique réelle contre leurs intérêts. Aujourd'hui, Abdellilah Benkirane devra mettre à l'épreuve sa force de persuasion. Ce sera son premier test grandeur nature sur ce dossier. Ceci, même si l'on sait que cela sera loin d'être une pure partie de plaisir... Et ce n'est pas son ministre de l'Agriculture, Aziz Akhannouch, qui dira le contraire. En fin de semaine dernière, les agriculteurs espagnols n'ont pas manqué de manifester leur désapprobation quant à la visite de leur Chef de gouvernement au Maroc. Pis, ils considèreraient cette visite comme «une trahison» à leur cause. Par ailleurs, il faut savoir que parallèlement à la plaidoirie employée en faveur de l'accord de pêche, celui sur les échanges des produits agricoles a également été au centre de la dernière visite d'Arias Cañete, ministre espagnol de l'Agriculture, aux autorités de Bruxelles. Ce responsable, flanqué de plusieurs autres représentants des sphères professionnelles agricoles ibérique, avait pour objectif de convaincre les eurodéputés de se prononcer contre cet accord. L'argumentaire présenté par l'Exécutif espagnol se voulait intransigeant, et s'est traduit d'ailleurs en actes. En effet, le gouvernement de Mariano Rajoy a présenté, au début de ce mois, une plainte devant la Commission européenne pour dénoncer «le non-respect par le Maroc, de ses quotas d'exportation de tomates». Du déjà-vu, certes, depuis le début des négociations relatives à la mise en place de cet accord. Lobby et contre-lobby La machine lobbyiste des espagnols est cependant bel et bien passée à la vitesse supérieure durant ces trois derniers mois. Le retour aux commandes du pays, réussi par le Parti populaire (PP), n'est pas pour arranger les choses. Pendant ce temps, sur la rive d'en face, les exportateurs agricoles marocains, regroupés sous la bannière de l'Association marocaine des exportateurs (ASMEX), sortent de leur léthargie et actionnent le contre-lobbying pour défendre leurs intérêts sur le marché européen. Ces derniers, enregistrant de bonnes performances productives depuis deux ans, cherchent à élargir leurs débouchés sur le vieux continent. «De toute façon, cela ne pourra pas être pire que la situation actuelle. Les agriculteurs espagnols ont depuis toujours manifesté leur opposition à nos produits agricoles, même sous le régime de Zapatero», expliquait ce membre du bureau exécutif de la Confédération marocaine de l'agriculture et du développement rural (COMADER), au lendemain de l'investiture de Mariano Rajoy.