Les hautes autorités et les medias d'audience nationale d'Espagne ont accordé, mercredi, un intérêt particulier au déplacement officiel à Rabat, de Mariano Rajoy depuis son investiture en tant que président de gouvernement. Bien que cette visite intervienne dans un cadre protocolaire pour obéir à une tradition inaugurée depuis le début des années 80 par les chefs de gouvernements nouvellement élus, plusieurs indices démontrent la contradiction existant entre les attitudes officielles des nouvelles autorités de Madrid de renforcer le climat d'entente et de confiance avec le Maroc et les campagnes menées tous azimuts par le lobby agricole espagnol qui manifeste ouvertement son opposition aux intérêts marocains. Il suffit seulement de lire les indications communiquées aux médias en rapport avec la visite de Rajoy par la présidence du gouvernement et le déclenchement en même temps d'une large campagne de pression sur les autorités espagnoles pour avorter la conclusion d'un accord agricole entre le royaume et l'Union Européenne (UE). La visite de Rajoy offre « une opportunité d'établir un agenda de travail pour les prochaines années comportant des échanges de visites et contacts entre les deux administrations », indiquent des sources proches de la présidence du gouvernement de Madrid. De même, le chef de l'exécutif espagnol saisira l'occasion pour aborder avec son homologue Abdelillah Benkirane « les principales questions de l'actualité politique aussi bien bilatérale qu'internationale », ajoutent les mêmes sources. Ceci explique que le gouvernement espagnol est disposé à discuter ouvertement de tous les problèmes en suspens qui constituaient des entraves devant une communication fluide entre le Maroc et l'ex-gouvernement conservateur de José Maria Aznar. Au plan bilatéral, note la présidence du gouvernement espagnol, les deux parties détermineront les grandes lignes d'action et de coopération entre les deux gouvernements tout en prenant comme objectif primordial la préparation de la future Réunion de Haut Niveau, qui s'était réunie pour la dernière fois en 2008 à Madrid, et le développement des flux commerciaux, d'investissement et de tourisme. Rajoy compte également transmettre à son homologue marocain l'assurance que le Maroc «est un partenaire clé de l'UE » et que « le Statut Avancé dont il jouit ouvre des opportunités au profit de tous ». Ce qui est important, indiquent à Albayane des sources bien informées proches du gouvernement de Madrid que le président du gouvernement espagnol va examiner avec ses interlocuteurs marocains la question de non rénovation de l'accord de pêche entre le Maroc et l'Union Européenne et la prochaine ratification par le Parlement européen du nouvel accord agricole, lequel est rejeté par le secteur agricole espagnol. Il est aussi « prévisible que Rajoy aborde avec les autorités marocaines le conflit du Sahara ». Parallèlement à ces bonnes intentions parvenant du côté officiel, le lobby agricole espagnol ne cesse d'exercer de fortes pressions aussi bien au plan médiatique que revendicatif contre la commercialisation de produits horto-fruitiers du royaume. Les actions débordent largement le cadre des négociations sur un accord pour exiger l'interdiction des exportations marocaines vers l'espace Européen. Il suffit de repasser les réactions des différents acteurs de ce lobby durant les dernières 48 heures pour se rendre compte de sa manifeste hostilité à l'égard du Maroc. Les organisations Association Agraire des Jeunes Agriculteurs d'Andalousie (ASJA), le comité de Coordination d'Organisations d'Agriculteurs et Eleveurs (CAG), l'Union des Petits Agriculteurs (UPA), les Coopératives Agro-alimentaires et la Fédération d'Associations de Producteurs et Exportateurs de Fruits, Légumes, Fleurs et Plantes Vivantes (FEPEX) manifestent sans cesse leur rejet des négociations sur le renouvellement de l'Accord de libre-échange entre l'UE et le Maroc. Ce conglomérat d'agents sociaux comptent unir les mobilisations pour s'opposer à ces négociations et demander une réunion d'urgence avec le ministre d'Agriculture, d'Alimentation et de l'Environnement, Miguel Arias Caneté, dans l'objectif de connaître la position du gouvernement et coordonner dans ce sens les démanches entre les deux parties. De leur côté, les producteurs de tomates des Iles Canaries ont demandé à Mariano Rajoy de se maintenir « ferme » dans la défense du secteur agricole durant sa visite à Rabat, lit-on dans un communiqué de FEDEX. Les cinquante entreprises membres de PROEXPORT ont pour leur part adressé des lettres aux 53 eurodéputés espagnols les invitant à agir de manière à avorter la conclusion de l'accord agricole Maroc-UE lors du vote pour ratification du projet de texte en février prochain par le parlement européen. C'est une nouvelle forme de harcèlement du Maroc par le lobby espagnol dont l'attitude cache une guerre ouverte contre ses intérêts économiques et entraver par-là, la réouverture d'une nouvelle ère d'entente, de compréhension et de coopération à laquelle aspirent les deux gouvernements des deux Etats voisins.