Le Parlement Européen a totalement ignoré le vacarme provoqué par le lobby espagnol en prenant toutes les dispositions pour la ratification, jeudi, du nouvel accord agricole avec le Maroc. 369 eurodéputés ont voté pour le nouveau texte, alors que 225 se sont prononcé contre. C'est la victoire de la raison sur les comportements kafkaïens d'un conglomérat d'entrepreneurs, de politiques et d'exportateurs avides de bénéfices rapides (économiques ou électoraux) au détriment des intérêts stratégiques unissant le Maroc et l'Union Européenne (UE) dans différents camps. Le nouvel accord commercial et agricole va permettre l'entrée dans l'espace communautaire de davantage de produits agricoles marocains, principalement la tomate, en dépit des faux arguments avancés par le lobby espagnol. Les agriculteurs espagnols ont préféré se cacher derrière de pseudo-craintes quant au non-respect par le Maroc des règles des prix et contingents en vigueur, comme si les échanges commerciaux entre les deux pays s'effectuent par le biais de circuits illégaux. C'est la raison pour laquelle les eurodéputés espagnols persistent dans leur attitude de voter contre le texte de l'accord laissant entendre qu'ils défendent les intérêts de leurs compatriotes. La réalité est que la ratification de cet accord par le Parlement Européen intervient en pleine campagne électorale en Andalousie, région qui abrite la plupart des entités composant le lobby agricole anti-marocain. Lors du débat, mardi à Strasbourg, les eurodéputés se sont montrés dans leur majorité partisans du développement des relations avec le Maroc en tant que partenaire stratégique et pour exprimer un ferme soutien aux réformes démocratiques entreprises. En tout cas, il est fort possible que les groupes européens socialiste, « populaire », libéral, conservateur et réformiste appuient positivement le vote sur le texte final de l'accord. Les autres groupes, les Verts et la Gauche Unitaire comptent s'y opposer conformément à leur traditionnelle attitude à l'égard de la question du Sahara. Les eurodéputés espagnols sont restés fidèles à leur position de rejet de l'accord, particulièrement les socialistes et les populaires. Ceux-ci considèrent qu'il serait un accord « déséquilibré » qui porterait préjudice aux intérêts du secteur agricole de leur pays sans apporter de garanties quant au respect des normes s'appliquant à certains produits sensibles (tomate, concombre, fraise, mandarine, ail, courgette et sucre). Les autres eurodéputés espagnols de la Gauche Unie, de l'Initiative Pour la Catalogne-Verts, de l'Union Progrès et Démocratie et du Bloc National de Galice vont se prononcer dans le même sens. Le lobby espagnol, agissant au nom des producteurs et exportateurs de tomates en Andalousie, aux Iles Canaries et à Murcie n'a cessé, depuis des années sinon des décennies, de protester contre l'entrée des produits agricoles marocains dans l'espace européen arguant que l'accord est déséquilibré et accordant des avantages aux marocains quant aux volumes et prix d'entrée de leurs produits horto-fruitiers. L'UE a opté pour une attitude pragmatique prenant en considération les historiques relations avec le Maroc, la viabilité des échanges globaux et les relations stratégiques et de voisinage. C'est la raison pour laquelle le commissaire d'Agriculture, Dacian Ciolos, avait demandé, mardi lors du débat au Parlement Européen, la ratification dudit accord avec le Maroc qui, a-t-il proclamé, « n'est pas un partenaire quelconque» et qu'il s'agit d'un accord « équilibré ». Répondant aux allégations du lobby espagnol, il s'est prononcé, également, en faveur des importations marocaines qui respectent les normes européennes. Il s'est engagé à mainteneur « un suivi très strict » des produits alimentaires « les plus sensibles » dont la tomate. Le texte a été élaboré sur consensus par les eurodéputés (à l'exception des espagnols) dont ceux du Parti Populaire Européen, des Socialistes et Démocrates, des Libéraux, des Conservateurs et Réformistes. L'accord reconnaît que le Maroc est un « partenaire très important pour l'UE » et son application va renforcer les investissements et échanges commerciaux avec le Maroc ainsi que de promouvoir la démocratie dans la rive sud de la Méditerranée. Il attribue également « un rôle clé au développement économique du pays et sa stabilité politique ». De même, l'accord offre de nouvelles opportunités aux entrepreneurs européens, signale le texte. La suppression des droits douaniers pour près de 70% des produits agricoles et halieutiques permettra « une épargne estimée à 100 millions euros » pour l'UE. Par contre, au parlement espagnol, socialistes et “populaires” s'accusent mutuellement au sujet de la responsabilité de ne pas s'opposer à la ratification de l'accord agricole. C'est un exercice de politique politicienne en perspective des prochaines élections régionales en Andalousie qui a eu pour scène, mercredi, le congrès des députés. Pour le ministre de l'agriculture, l'Alimentation et l'Environnement, Miguel Arias Caneté, c'était José Luis Rodriguez Zapatero, qui avait « donné le feu vert » à l'accord en 2010 alors que la députée socialiste, Maria José Rodriguez, a critiqué le gouvernement de Mariano Rajoy de réagir « violemment » dans le cas des « guignols » français accusant les sportifs espagnols de dopage que contre l'accord agricole avec le Maroc. Arias Caneté a rétorqué en disant que les socialistes ont “changé” de position face à l'accord à l'approche des élections régionales en Andalousie puisque les négociations sur ce texte durent depuis 2005 aussi bien au Conseil qu'au Parlement européens. L'accord, qui devait être ratifié jeudi par le Parlement Européen, met ainsi fin à un combat absurde au moment où les approches économiques actuelles encouragent la complémentarité régionale. Les intérêts unissant le Maroc et l'Espagne, d'une part, et le Maroc et l'UE de l'autre, sont au-dessus des petits calculs mercantiles d'un lobby réputé pour son hostilité à ce que soient instaurées des relations normales entre les deux rives du Détroit de Gibraltar.