Plus de cinq mois après sa présentation au Parlement, le projet de loi portant réorganisation du Conseil national des droits de l'Homme, qui va permettre d'instaurer le mécanisme de prévention de la torture n'a pas encore été discuté par les députés de la Commission de la justice de la chambre basse. C'est un texte important qui va permettre au royaume d'avoir une législation relative à la création d'un mécanisme de prévention de la torture. Plus que jamais, la mise en place d'une législation de lutte contre la torture s'impose d'autant plus que les responsables marocains ne nient pas l'existence de mauvais traitements dans les centres de privation de liberté (CPL). Une grande responsabilité incombe à l'institution législative pour que le projet de loi portant réorganisation du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) voit le jour très vite. L'examen de ce texte n'a pas encore été entamé au sein de la Commission de la justice, de la législation et des droits de l'homme à la Chambre des représentants, presque sept mois après son adoption par le Conseil de gouvernement. Les parlementaires ont programmé une journée d'étude à la chambre basse sur le sujet en présence des parties concernées notamment le secrétaire général du CNDH, Mohamed Sebbar, et le ministre d'Etat chargé des droits de l'Homme, Mustapha Ramid. Le renforcement des prérogatives du CNDH s'inscrit dans ce cadre à l'instar de ce qui se fait dans plusieurs pays. Ramid aurait souhaité que le mécanisme de la prévention de la torture soit entre les mains d'une institution indépendante relevant du Parlement mais le gouvernement a opté pour la formule actuelle qui «répond aussi aux standards internationaux». En vertu des dispositions de ce texte, le CNDH aura le droit de visiter tous les CPL : prisons, commissariats, gendarmeries, hôpitaux psychiatriques, centres de sauvegarde de l'enfance et d'accueil des personnes âgées etc... Grâce à la future loi, les visites du conseil ne pourront pas être refusées. Les parlementaires sont appelés à accélérer le rythme d'examen et d'adoption du texte pour que le CNDH puisse jouer le rôle de mécanisme national de prévention de la torture. Depuis l'adoption du projet par le Conseil de gouvernement en mai dernier, Ramid et le président du CNDH Driss El Yazami militent pour le voir entériné avant la fin de l'année afin que le Maroc puisse honorer ses engagements internationaux. Ce vœu semble pieux. Difficile de passer un tel projet en deux semaines. La mission d'asseoir non seulement un mécanisme de prévention de la torture mais aussi tout un dispositif transversal n'est pas aisée. Le ministre de tutelle met l'accent sur le rôle des magistrats appelés à être indépendants à l'image de la législation actuelle. L'administration, pour sa part, devra jouer un rôle déterminant dans le transfert des dossiers à la justice qui est le premier protecteur des droits de l'Homme. Tout le processus est à revoir pour garantir le respect des droits de l'Homme. Ramid souligne l'importance de doter tous les centres de police et de détention de caméras ainsi que la nécessité d'enregistrer les aveux des prévenus. À cela s'ajoute le renforcement du rôle de la défense. À ce titre, le plan d'action national en matière de démocratie et des droits de l'homme, dont la présentation officielle était prévue hier après-midi, recommande de réviser les dispositions juridiques pour permettre aux avocats d'assister les prévenus dès leur détention mais la mise en œuvre de cette disposition ne se fera pas du jour au lendemain. Elle nécessitera au moins trois ans voire cinq ans pour former la police judiciaire et les avocats.