Yaoundé et Ankara veulent porter le volume de leurs échanges de 75 à au moins 500 milliards de FCFA d'ici à 2015. «Il y a de réelles opportunités à saisir [au Cameroun] pour soutenir l'offre des biens et services dans les divers sous-secteurs : agriculture, industries agroalimentaires, bâtiment et travaux publics, télécommunication, énergie, hydraulique, transport...» Ainsi s'exprimait le chef de l'Etat camerounais le 27 mars dernier à Istanbul. Paul Biya clôturait le forum économique Cameroun -Turquie, un des temps forts de sa visite de quatre jours (du 25 au 28 mars) dans ce pays, à cheval entre l'Europe et l'Asie. Pour étayer ses propos et séduire davantage les quelque 500 opérateurs économiques turcs qui ont pris part à ce forum, il a affirmé que «notre potentiel agropastoral et halieutique est très riche et diversifié, en raison de la variété des climats et des sols. La surface cultivable, d'environ 85% de la surface totale du pays, n'est que très marginalement exploitée, à peine 20% actuellement». Il a ensuite cité d'autres potentialités, comme les 360 km de façade maritime et les 17 millions d'hectares de forêts contenant près de 300 espèces exploitables. Avant de vanter le fait que le Cameroun est au centre d'un marché potentiel de 300 millions de consommateurs, allant du Nigeria au Soudan, en passant par les pays de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) et la République démocratique du Congo. En 2011, les échanges entre le Cameroun et la Turquie se sont situés autour de 75 milliards de FCFA (144,3 millions d'euros), un niveau jugé insuffisant par les deux pays. En octobre 2012, Omer Faruk Dogan, l'ambassadeur de Turquie au Cameroun, s'était adressé aux opérateurs économiques camerounais, en disant que l'objectif était que ces échanges atteignent 1.000 milliards de FCFA (1,52 milliard d'euros) d'ici à 2015. Dans son discours de clôture du forum d'Istanbul, Paul Biya a dit qu'avec le Premier ministre turc, ils sont tombés d'accord sur le fait que «nos échanges doivent atteindre un minimum de 500 millions de dollars (381,12 millions d'euros, NDLR)». D'où sa confiance : «Le Cameroun sait donc pouvoir compter sur ses partenaires extérieurs, en bonne place desquels la Turquie qui, à bien des égards, a la capacité et la compétence pour répondre à nos besoins». Auparavant, le chef de l'Etat camerounais avait eu un entretien le 26 mars avec son homologue Abdullah Gül, avec à la clé la signature de sept accords dans les domaines de la défense, du tourisme, de l'audiovisuel, de l'énergie, de l'exploitation minière, des hydrocarbures et des académies diplomatiques. Aucune précision sur le contenu de ces accords n'a cependant été rendue publique. Le chef de l'Etat camerounais s'est contenté d'indiquer qu'ils vont développer la coopération bilatérale entre les deux pays. Quoi qu'il en soit, cette visite était aussi une réponse à l'invitation adressée par le président turc à son hôte lors de sa visite de deux jours au Cameroun en mars 2010. Depuis, il y a eu l'ouverture de représentations diplomatiques de part et d'autre et l'établissement depuis 2012 par Turkish Airways de liaisons aériennes directes entre les deux pays. Toutefois, cette visite entre globalement dans une plus vaste campagne de séduction, qui a déjà conduit le président camerounais en France fin janvier 2013. Comme en Turquie, il était accompagné d'opérateurs économiques camerounais et des accords avaient été signés. Du 17 au 19 mars dernier, c'est le Premier ministre Philémon Yang qui conduisait la délégation du Cameroun au 9e conclave Inde – Afrique à New-Delhi. C'est dire si le pays entend élargir le cercle de sa coopération en vue d'atteindre son émergence fixée en 2035. Aussi Paul Biya a-t-il lancé, à Istanbul : «Nous mettons tout en œuvre pour que tous ceux qui veulent nous accompagner trouvent des incitations à l'investissement et à l'exportation». Thierry Ekouti Dir.pub-Le Quotidien de l'Economie (Cameroun) La CEMAC à l'épreuve de la RCA On le sait, une crise politique secoue depuis quelque temps la République centrafricaine, (RCA). On le sait aussi, cette crise a provoqué un changement à la tête de ce pays, puisque François Bozizé, chef de l'Etat depuis 2003, a dû s'enfuir pour se réfugier au Cameroun, laissant le pays sous le contrôle des rebelles. On sait enfin que cette crise a vu l'attaque d'un poste de police camerounais situé à proximité de la frontière entre les deux pays. Ce que beaucoup ne savent pas en revanche, c'est que l'addition de tous ces éléments entraîne une rupture dans le ravitaillement de ce pays en biens de toutes natures. Territoire sans ouverture sur la mer, la RCA importe l'essentiel de ses biens à partir du port de Douala au Cameroun d'où le reste du voyage s'effectue par route sur plus de 600 km à bord de gros camions. Depuis cette attaque, franchir la frontière est devenu très difficile pour ces camions. Conséquence : les marchandises ne rentrent plus suffisamment dans le pays et le ravitaillement est ralenti. Beaucoup de ces camionneurs se sont d'ailleurs plaints sur les radios de Douala. Entre les denrées périssables dont une importante quantité est déjà perdue et la pénurie qui pourra bientôt se ressentir sur les marchés centrafricains, les conséquences économiques de la situation de ce pays vont sans doute peser lourd. Elles peuvent aboutir entre autres à la faillite d'opérateurs économiques du secteur des vivres frais et autres dont les marchandises, bloquées quelque part au Cameroun, pourraient se détériorer et devenir impropres à la vente et à la consommation. Cette situation interpelle la communauté sous-régionale, qui a déjà échoué à éviter cette crise. Elle doit agir pour garantir une certaine stabilité politique et la continuité des activités économiques vitales, afin de sauver ce qui peut encore l'être d'une économie déjà très fragile. C'est là que la CEMAC doit agir !