La Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (Cemac) a célébré le 16 mars son vingtième anniversaire, dans un contexte marqué par l'échec de tous ses principaux programmes d'intégration. En juin 2013 à Libreville, les chefs d'Etat et de gouvernement des six pays membres de la Cemac décidaient à l'unanimité que la libre circulation des biens et des personnes prendrait effet à partir du 1er janvier 2014 dans tous les Etats de cette sous-région. Personne ne pouvait alors imaginer que cet engagement serait toujours lettre morte jusqu'à ce jour. Au lendemain de la réunion de Libreville, les Etats avaient même accéléré le processus de fabrication du passeport biométrique Cemac. Or, en novembre 2013, la Guinée équatoriale émet contre toute attente ses premières réserves par rapport à cette mesure dont elle était pourtant signataire, par la voix de son Président, Téodoro Obiang Nguema. Les autorités de ce pays disaient alors qu'elles redoutaient une arrivée massive de ressortissants des pays voisins sur leur territoire de plus en plus considéré comme l'eldorado de la sous-région. Ce qui avait l'air d'une plaisanterie pour beaucoup allait pourtant se confirmer dans la nuit du 31 décembre 2013 au 1er janvier 2014 avec la fermeture de la frontière entre la Guinée équatoriale et le Cameroun, à l'initiative de Malabo. La frontière, rouverte plus tard, ne peut être franchie que sur présentation d'un visa d'entrée. Ainsi, trois mois après l'entrée en vigueur théorique de la libre circulation dans la sous-région, rien n'a bougé. Et il n'est pas sûr que les choses s'arrangeront de sitôt ; les dirigeants étant davantage préoccupés par la résorption de la crise centrafricaine qui, il est vrai, complique un peu plus la situation de cette région, qui demeure la moins intégrée du continent. Le projet mort-né de la libre-circulation n'est cependant pas la première initiative à pâtir de la divergence de vue des dirigeants de cette partie du continent. Auparavant, il y a eu la Bourse des valeurs mobilières de l'Afrique centrale (BVMAC) et la compagnie aérienne Air Cémac. Quand la décision fut prise en 2000 d'implanter la BVMAC à Libreville au Gabon, le Cameroun ne l'a pas supporté, car il estimait que Douala, principal centre d'affaires de la Cemac, était mieux placée pour abriter le siège de cette institution. Pour sa revanche, il a créé la Douala stock exchange (DSX). Aujourd'hui, il arrive que les deux places financières qui ont toutes les deux démarré leurs activités en 2003, se marchent dessus, d'autant plus que le projet de fusion entre les deux entités avance à pas de tortue. Annoncés depuis 2002, les premiers vols de la compagnie aérienne sous-régionale Air Cemac sont toujours attendus. Là aussi, le problème du choix du siège de la compagnie est l'une des causes du retard, alors que son capital de 10 milliards de FCFA (20 millions de dollars) étaient déjà libéré et son siège déjà construit. South African Airways (SAA), le premier partenaire technique choisi avait dû se retirer, parce qu'elle aurait souhaité que le hub de la compagnie soit Douala plutôt que Brazzaville au Congo. Après l'ouverture des négociations avec Air France pour en faire le nouveau partenaire technique, les premiers vols de la compagnie étaient prévus avant fin 2013. Jusqu'à présent, il n'en est rien... Côté échanges commerciaux, les choses ne vont pas mieux. Les barrières douanières et les tracasseries administratives continuent de maintenir à leur strict minimum les échanges entre les six Etats de la sous-région (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine et Tchad). Selon le rapport 2013 de la Cnuced, les exportations à l'intérieur de l'Afrique centrale représentaient à 1,3% des exportations globales de la sous-région, entre 2007 et 2011. De l'autre côté, les importations à l'intérieur de cet ensemble représentaient à peu près 3,1% des importations totales. En comparaison, l'Afrique de l'Ouest a enregistré pendant la même période des taux respectifs de 9% et 10,2% ; tandis que l'Afrique de l'Est se situe à 13,9% et 7,1%. Thierry Ekouti, Dir.pub-Le Quotidien de l'Economie (Cameroun) La hantise du Doing Business Le mauvais classement obtenu en 2013 par le Cameroun au classement Doing Business de la Banque mondiale continue de hanter les esprits. Le rapport 2013 a en effet révélé qu'entre 2012 et 2013, le pays avait perdu 7 places au palmarès, passant du 161e au 168e rang. Grâce à ce classement en le secteur public, le secteur privé et les partenaires au développement font aujourd'hui à l'unanimité le constat d'une réelle lenteur dans l'application des recommandations prises en février 2013, à l'occasion de la 4e édition du Cameroon Business forum (CBF), plateforme annuelle de dialogue tripartite instituée pour améliorer le climat des affaires. «Le rythme de mise en œuvre des réformes n'est pas du tout bon», commente par exemple Monique Courchesne, la représentante de la Société financière internationale (SFI), chargée du climat des investissements pour l'Afrique centrale. Ce constat était fait le 6 mars dernier à Douala, à l'occasion de la 5e édition du CBF, présidée par le Premier ministre, Philémon Yang. Ce dernier a fait savoir aux participants que sur les 49 recommandations prises en 2013, seule 20 ont été exécutées, tandis que 17 sont en cours de mise en œuvre, ce qui représente un taux de réalisation de 41%. Il s'agit là d'«un fléchissement de l'élan réformateur», qui pourrait expliquer aussi un taux de croissance de 4,8% seulement en 2013 là où les prévisions étaient de 6,1%.