L'amendement de la loi sur les délais de paiement mis dans le circuit dans les prochains jours. «Je ne pense pas que ce soit 200 ou 300 DH d'économie au titre des charges sociales qui vont encourager les entreprises à recruter plus». Butoir de la TVA : le seuil de remboursement sera augmenté pour toucher les grandes entreprises. – Actualité oblige, au lendemain de la révélation du projet de Loi de finances 2015, la CGEM a fait clairement part de sa déception. Il paraît que le projet est complètement décalé par rapport au discours que tient le gouvernement… La CGEM est un partenaire incontournable. Au moment de la préparation du projet de Loi de finances, et comme à l'accoutumée, nous avons eu avec les patrons plusieurs et longues séances de travail. Ils ont exposé leurs points de vue. J'ai exposé de mon côté la situation économique et financière actuelle. Nous sommes d'accord sur la nécessité d'améliorer la compétitivité des entreprises, de soulager leur trésorerie, de relancer la dynamique de l'emploi, d'accélérer les paiements et de réduire leurs délais. Tout ceci est dans le projet de Loi de finances. – Mais visiblement cela ne semble pas correspondre à l'effort attendu par la CGEM… C'est possible mais je peux vous assurer qu'il correspond aux moyens que nous sommes en mesure de déployer pour garder cette philosophie générale tout en prenant en compte les autres contraintes. Et si l'on prend quelques éléments, on se rend compte facilement que le gouvernement a tout de même répondu à de nombreuses requêtes. Pour le délai de paiement, par exemple, nous nous sommes mis d'accord sur l'amendement de la loi et le texte va être mis dans le circuit dans les jours qui viennent. – Dans quel sens sera opéré cet amendement ? Cet amendement prend en considération la nécessité d'assujettir également les établissements publics à cette loi comme l'ont réclamé les chefs d'entreprises depuis le départ. Mais on accordera tout de même un délai aux établissements publics pour qu'ils puissent se conformer au nouveau texte. – De combien sera ce délai ? Je ne peux pas vous le dire aujourd'hui mais il sera dévoilé incessamment. D'un autre côté, il y a aussi le dossier des arriérés de l'Etat. Et à ce niveau, je tiens à dire qu'aujourd'hui les administrations et les ministères n'ont pas d'arriérés. Tous les marchés passés par les administrations publiques sont payés à temps, à l'exception de quelques petits retards. En revanche, je reconnais que certains établissements publics ont en effet des arriérés. Le cas qui posait le plus problème, en l'occurrence l'ONEE, a été résolu mais il reste celui des académies régionales d'éducation et de formation (AREF). – Le gouvernement avait pourtant promis de débloquer la situation mais il semble que la machine soit trop lente… Je vous fais remarquer que dans le cas des AREF, l'Etat a tout de même débloqué pas moins de 3 milliards de DH durant cette année. Aujourd'hui, la dette exigible de ces établissements est d'environ 850 millions de DH. Nous espérons pouvoir résorber ces arriérés avant la fin de l'année. Avec tout cela, il y aura encore des accumulations de retards pour les marchés en cours. En 2015, nous espérons résoudre définitivement le problème des arriérés des AREF. Pour les autres établissements publics, je n'ai pas aujourd'hui connaissance d'un quelconque problème d'arriérés. En revanche, l'autre grande avancée réalisée cette année est celle relative au butoir de la TVA. Durant des décennies, ce butoir s'est accumulé et n'a jamais été remboursé et la CGEM l'a toujours réclamé, à juste titre. Et le gouvernement a répondu favorablement. Nous travaillons pour apurer ce dossier. En 2014, nous sommes en train de rembourser près de 95% des entreprises qui étaient éligibles au titre du décret publié à ce sujet, c'est-à-dire celles qui avaient un volume inférieur à 20 millions de DH. L'année prochaine, nous continuerons à le faire et je vous annonce d'ores et déjà que nous réfléchissons sérieusement à relever ce seuil de 20 millions de DH pour pouvoir rembourser aussi les grandes entreprises qui ont des volumes importants au titre du butoir. – Quel sera le nouveau seuil? Nous n'avons pas encore arrêté un chiffre précis. Nous sommes actuellement en pleins travaux de simulations pour savoir où on mettra le curseur. – Au sujet du butoir, certains chefs d'entreprises reprochent à l'Etat la complexité de la procédure et la multitude de paperasses à tel point que certains ont préféré abandonner ce remboursement. Décider de rembourser les entreprises est certes une mesure très louable mais à quoi sert-elle si elle est trop compliquée à mettre en œuvre ? C'est le cas notamment de factures qui remontent à dix ans… Il s'agit de deniers publics et l'administration est obligée de justifier leur dépense. La Direction générale des impôts ne peut pas arrêter les montants à rembourser sur la base des simples dires des entreprises. La seule et unique manière de s'assurer de la véracité et la fiabilité des chiffres est de le faire sur la base de factures. Nous n'avons pas d'autres choix. – Dans le projet de Loi de finances, on remarque que la masse salariale continue d'enfler. Jusqu'à quand devra-t-on traîner un tel boulet? Le gouvernement a-t-il une stratégie, une vision ? D'abord, je vous fais remarquer qu'en 2012, le sujet central était celui de la Caisse de compensation. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. En 2013, le problème principal était celui de la dette. Nous n'en parlons plus aujourd'hui ou en tout cas pas avec la même intensité. Cela veut dire que nous sommes en train de régler les grandes problématiques une à une, que nous avançons. Pour le projet de Loi de finances de 2015, je vous l'accorde, le sujet de la masse salariale s'impose. Cette masse salariale restera en dessous de la barre des 11% du PIB pour 2014 et 2015. Elle évolue d'abord par un effet mécanique naturel des promotions qui représentent environ 3,5 milliards de DH. – Il y a aussi les nouveaux postes budgétaires. Vous en avez créé 22 800 cette année… Certes mais ces 22 800 postes n'ont pas vraiment un grand impact sur la masse salariale car de l'autre côté il y a 14000 départs en retraite, sachant que les salaires des débutants sont bien inférieurs à ceux de fonctionnaires en fin de carrière. La masse salariale va être contenue dans des proportions raisonnables à partir du moment où l'on réalisera de bons taux de croissance. En d'autres termes, nous devons agir sur le dénominateur, en l'occurrence le PIB. Et à ce niveau, il ne faut pas oublier que l'administration est un des facteurs déterminants de la croissance par son efficacité, ses procédures, l'accompagnement qu'elle assure au secteur privé et à l'investisseur. – On aura remarqué dans le projet une baisse considérable de l'enveloppe réservée à la compensation. Après le super sans plomb, le gasoil et le fioul, certains disent que le gaz butane sera probablement le prochain produit sur la liste… Une réforme aussi importante que celle de la compensation ne peut être que progressive. Certes, le gaz butane représente aujourd'hui le plus gros du budget. Mais je vous affirme qu'à ce jour, il n'y a aucune réflexion ficelée pour la décompensation de ce produit. Nous devons nous donner un peu de temps pour faire aboutir cette réforme dans de bonnes conditions. Car pour le gouvernement, la réforme de la Caisse de compensation ne se réduit pas simplement à une question d'ordre financier. Certes, les équilibres financier et économique sont nécessaires mais l'équilibre social est parfois le plus déterminant. Nous veillons à ce que cette réforme n'ait pas des effets sur les populations les plus démunies. Et c'est dans cette même logique que le gouvernement, au moment de lancer le contrat-programme avec l'ONEE, a tenu à ce que les 4 millions de ménages qui consomment moins de 100 kw/h ne soient pas touchés. – En 2013, l'Etat a concédé près de 33 milliards de DH sous forme d'exonérations fiscales dont 20 milliards accordés aux entreprises. Pour quels résultats ? Ne faudrait-il pas à votre avis contractualiser ces exonérations en les conditionnant, par exemple, par des objectifs chiffrés notamment en termes de création d'emplois ? Les exonérations fiscales accordées aux entreprises répondent généralement à deux types d'impératifs. D'abord, elles ont pour but de renforcer leur compétitivité. Et l'autre objectif est d'encourager le développement de certains secteurs. C'est le cas des incitations accordées au secteur de l'immobilier, par exemple, pour booster le logement social. Cette année, l'Etat va décaisser, entre autres indicateurs, l'équivalent de 2 milliards de DH au titre du remboursement de la TVA dans le cadre du dispositif d'incitation. Mais aujourd'hui, au vu du développement qu'a connu ce secteur, on peut dire que l'Etat en a eu pour son argent. 1,2 million de logements ont été contractualisés, 600 000 sont en cours d'achèvement. Les résultats sont plus que probants. De manière plus générale, chaque année nous évaluons les exonérations, nous révisons la portée de certaines d'entre elles en limitant les dépenses fiscales qui en découlent. – Comment expliquez-vous que malgré toutes ces exonérations, il y a encore un problème de compétitivité des entreprises ? L'Etat ne devrait-il pas, à votre avis, reconsidérer ces exonérations de manière à mieux cibler et donc avoir un impact immédiat ? La fiscalité est, certes, une donnée fondamentale dans la compétitivité. Mais elle n'est pas la seule. D'autres facteurs entrent en jeu comme la disponibilité des zones industrielles, de ressources humaines compétentes, la productivité du facteur travail. C'est d'ailleurs pour cette raison que la stratégie actuelle d'accélération industrielle s'attaque justement à tous ces volets.
– Selon le secteur privé, une exonération des charges sociales pour tous les salaires inférieurs à 3 000 DH permettrait de créer 100 000 emplois. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas répondu favorablement à cette proposition au moment où justement on est à la recherche de toute solution permettant de générer des emplois ? Aujourd'hui, le tissu économique dans notre pays crée 120 000 à 130 000 emplois chaque année sans cette exonération. Je ne pense pas que ce soit 200 ou 300 DH d'économie au titre des charges sociales qui vont encourager les entreprises à recruter plus pour la simple raison que le vrai problème du chômage ne concerne pas les bas salaires mais les jeunes diplômés dans les villes qui ne sont pas dans cette catégorie. Nous ne devons pas poser l'équation de la compétitivité en termes de coût du travail mais en termes de productivité, d'organisation des entreprises, d'optimisation de leurs process. – Vous estimez qu'en accordant aux entreprises une exonération totale de l'IR et des charges sociales pour les salaires inférieurs à 10 000 DH à hauteur de 5 salariés, vous aurez un meilleur impact en termes de création d'emplois ? Oui, elle est plus pertinente parce qu'une telle mesure permet à mon sens de toucher le plus grand nombre de TPE et de PME qui se créent chaque année, de les aider à améliorer la qualité de leur encadrement en recrutant et en accordant des salaires respectables aux profils qualifiés et de sortir de l'informel pour certaines d'entre elles. – Sur un tout autre registre, une des mesures qui n'a pas beaucoup plu concerne l'épargne au titre des retraites complémentaires. Auparavant, les cotisations étaient totalement déductibles de l'impôt pour les salariés. Cette année, vous avez décidé de plafonner à 10% du salaire imposable. Selon des estimations récentes, ces retraites complémentaires drainaient tout de même 8 milliards de DH par an d'épargne donc de moyens de financement dont l'économie a grandement besoin. N'est-ce pas maladroit de se priver d'un tel réservoir en pareille conjoncture ? Selon les chiffres dont je dispose, l'épargne drainée est de 2 milliards de DH et non pas 8 milliards dont vous parlez. Nous encourageons l'épargne et nous continuerons de le faire. Mais que doit-on penser des contribuables qui mettent 100% de leur salaire mensuel dans cette épargne ? De quoi vivent-ils alors ? Il n'est pas normal d'épargner 100% de son salaire. Aujourd'hui, si nous devons encourager l'épargne, elle doit être effectivement faite pour la retraite et pas dans un esprit de contourner les impôts. Ceci est inacceptable. – L'Etat va-t-il faire une sortie à l'international courant 2015 ? Non. Au jour d'aujourd'hui, aucun emprunt à l'international n'est d'actualité. Pour 2015, le financement du Trésor sera assuré essentiellement par le marché intérieur et les organisations multilatérales. Mais rien n'est figé. Nous agirons en fonction des opportunités qui se présenteront. Ce qui est sûr, c'est que les dernières sorties étaient de grands succès et les marchés internationaux sont encore demandeurs du papier Maroc pour le faible risque qu'il présente. Je viens de rentrer de Londres où j'ai rencontré des investisseurs qui en demandent encore.