Compensation, justice, transports… Les grandes réformes structurantes toujours en phase de réflexion. Le Conseil national du PJD, chef de file de la majorité, a fait le point, fin décembre, et a approuvé le bilan de ses ministres. Dignité, conditions de vie décentes, lutte contre la corruption et l'économie de rente. C'était plus que des slogans, affirmaient alors leurs auteurs. Il y a un peu plus d'une année, les quatre formations politiques aujourd'hui au pouvoir, comme d'autres partis, en faisaient leur credo de campagne. Il y a un peu plus d'une année, ils promettaient même plus que cela en termes de chiffres et de réalisations. Aujourd'hui, on ne peut pas dire que beaucoup en a été réalisé. Loin de là. Emploi, logement, santé, éducation…, tous les partis, au moment de la campagne, présentaient leurs engagements comme étant raisonnables et réalisables. Et pourtant, une année plus tard, au sein même du PJD on se sent «un peu gêné que le gouvernement n'ait pas réalisé des actions d'envergure», comme le soutenait un cadre du parti peu avant la tenue, fin décembre, de la première session du conseil national. Certes, nous ne sommes qu'au début du mandat et le gouvernement «s'est engagé sur une période de cinq années», précisera, encore une fois, le chef du gouvernement à l'occasion de cette réunion du conseil national. Mais, rien n'empêche de revenir sur ces engagements électoraux. Le PJD s'est présenté aux élections avec un projet de société basé sur trois piliers : la restauration du système de valeurs «dans le cadre du référentiel musulman et de l'identité marocaine dans toute sa diversité», la réforme effective de l'éducation nationale et, en troisième lieu, une réforme globale de la justice. Voilà pour les priorités du parti au pouvoir. Pour ce qui est des mesures concrètes, le parti n'a pas dérogé à la règle. Il a proposé de relever le taux de croissance, la production des logements et les salaires et réduire le taux de chômage, la pauvreté et l'analphabétisme, entre autres. Les classiques de chaque programme électoral, en somme. Des mesures phare, le parti en a proposé également, notamment celle de porter à 30%, au moins, la participation des PME aux marchés publics. Bien sûr, ce dernier chiffre vient d'être porté, grâce à un amendement de la loi sur les marchés publics, à 20%. Ce qui n'est pas peu vu qu'aucun quota n'était fixé auparavant. Le PJD parlait également d'octroyer des bourses de formation à 100 000 bénéficiaires par an en vue de leur intégration au marché du travail et de porter le seuil minimum des pensions à plus de 1 500 DH par mois. Sur ce dernier point, le chef du gouvernement a pesé de tout son poids pour que ce chiffre soit porté à 1 000 DH tous régimes confondus. Quant aux bourses de formations, elles ne sont pas encore à l'ordre du jour. Des réformes, oui. Mais pas tout de suite Côté réformes, les ministres Mustapha Ramid, pour la réforme de la justice, Najib Boulif, pour la réforme de la Caisse de compensation, Mustapha El Khalfi, pour la réforme de l'audiovisuel et du code de la presse et Aziz Rebbah, pour l'organisation des transports et de l'exploitation des carrières, en sont encore à la préparation du terrain nécessaire à leur lancement. Il faut préciser, en ce sens, que c'est bien l'Istiqlal qui avait inscrit en clair dans son programme la réforme des dispositifs d'agréments. Le parti s'était, en effet, engagé à «promulguer des textes juridiques annulant le recours à la procédure des privilèges dans l'exploitation des agréments de transport des voyageurs, de taxis, de pêche maritime et de carrières de sable, et de les remplacer par des appels d'offres ouverts conformément aux cahiers des charges». L'Istiqlal, premier partenaire du PJD, s'était engagé sur un projet sociétal qu'il présentait comme égalitariste avec des piliers que sont la liberté, la citoyenneté responsable, la moralisation de la vie publique, la solidarité et la cohésion sociale, l'équilibre, l'égalité des chances. Autre promesse : la réactivité vis-à-vis des attentes des citoyens, notamment en matière d'emploi, de santé, d'enseignement, de logement, de qualité de vie, de lutte contre la prévarication, d'éradication de l'économie de rente et des privilèges… Maintenant, les départements assurés aujourd'hui par l'Istiqlal ne lui donnent pas la main sur tous ces secteurs et on voit mal comment le parti réaliserait tout ce qu'il a promis. La tâche sera encore plus difficile pour certaines promesses trop utopiques comme celle par exemple de doter de tramway toutes les villes de plus de 500 000 habitants à l'horizon 2016. Dans la même lancée, le parti a promis une indemnité financière pour perte d'emploi et un soutien financier aux titulaires de diplômes, pour une période de 100 jours après obtention du diplôme pour les chercheurs d'emploi, à conditionner par l'accomplissement d'un travail d'utilité publique. La première mesure étant toujours en débat, alors que la seconde ne semble pas à l'ordre du jour. L'Istiqlal s'est engagé, en outre, à promulguer une loi garantissant l'accès à l'information, une autre prévoyant un minimum de services publics en cas de grève. Autre engagement : rendre publiques les demandes de candidature pour les postes de responsabilité et mettre en place un régime de nomination des hauts responsables. Mesure entrée en vigueur après la promulgation de la loi organique portant application des articles 49 et 92 de la Constitution. L'Istiqlal s'était, de même, dit engagé à imposer le mérite pour accéder aux postes de responsabilité à travers des concours pour garantir l'égalité des chances. Sauf qu'aujourd'hui, Hamid Chabat, son nouveau secrétaire général, est à la tête de ceux qui appellent à l'intégration directe de centaines, voire de milliers, de diplômés dans la fonction publique. Les autres l'ont promis, le PJD en tire profit Quant au MP, troisième composante de la majorité, il n'avait pas de programme propre. Pendant toute la campagne électorale, ses responsables comme ceux des ses partenaires d'alors, le G8, ont présenté un programme commun. Et ce, avant que le MP ne décide de leur fausser compagnie. Ceci étant, le MP a promis, comme ses anciens alliés aujourd'hui dans l'opposition, de renforcer la confiance des Marocains dans les institutions, d'instaurer un climat sain et transparent. Il s'est fixé comme engagements la consolidation de l'édification démocratique, la mise en place d'un système efficace de bonne gouvernance qui lie l'exercice d'une responsabilité à la reddition des comptes, afin de garantir l'efficience des politiques publiques. Il s'est également engagé, pour ne citer que quelques aspects, à garantir la sécurité dans ses différents aspects, renforcer l'égalité entre les sexes et promouvoir le rôle de la femme dans la société. Voilà pour les grands principes. Pour ce qui est des chiffres, les auteurs du programme électoral défendu par le MP sont allés jusqu'à budgétiser leurs actions et non seulement les chiffrer . Exemple : désenclaver les régions montagneuses et éloignées, un thème très cher aux Harakis, à travers la réalisation de 24 projets d'infrastructures pour un montant de 122 milliards de DH. Autres exemples : la mise à niveau de 10 agglomérations pour une enveloppe de 25 milliards de DH ou la création d'un Fonds de promotion de l'emploi des jeunes pour un montant de 3 milliards de DH. Quant au taux de croissance promis, il devait dépasser les 6%. Autres mesures qui devraient servir, aujourd'hui, d'un grand apport au ministre MP de la jeunesse et des sports, Mohamed Ouzzine, l'élaboration d'une politique nationale en faveur des jeunes. Et ce par l'amélioration et la diversification des services culturels et sportifs, ainsi que des programmes de divertissement en faveur des jeunes. En restant dans ce secteur, le MP à travers le G8 s'est, de même, engagé à augmenter la capacité d'accueil des cités universitaires et adopter un système de couverture médicale en faveur des étudiants avec à la clé 600 000 bénéficiaires pour une enveloppe d'un milliard de DH à l'horizon 2016 ainsi que l'augmentation des bourses d'étude. Des chantiers que le gouvernement a ouverts. Mais ce n'est paradoxalement pas le ministre haraki de la jeunesse et des sports qui en est l'initiateur. L'extension des cités universitaires, l'assurance maladie pour étudiant et l'augmentation des bourses d'études, effective depuis octobre dernier, sont aujourd'hui à inscrire à l'actif du ministre PJD, Lahcen Daoudi. Les trois «réalisations» de Benkirane Plus réaliste que les trois premiers partis, le PPS, la quatrième composante de la majorité, a annoncé la couleur dès les premières lignes de son programme : sachant que ni le PPS ni aucun autre parti ne peut se targuer d'obtenir, à lui seul, la majorité, «notre programme fera l'objet d'une négociation en cas de participation au gouvernement». Cela n'a pas empêché ce parti de faire quelques promesses chiffrées. Ainsi, l'instauration d'un revenu minimum d'insertion aux familles nécessiteuses d'une moyenne de 1 000 DH par mois et la revalorisation du Smig en le portant à 3 000 DH mensuels exonéré d'impôts font également partie des 100 mesures concrètes pour lesquelles le PPS s'était engagé. Encore une fois, alors que le débat sur le Smig n'est pas encore entamé, l'idée des aides directes est sur le point d'être concrétisée. Bien sûr, certaines de ces promesses, faites par les quatre formations, ont été reprises, quoique dans des termes généraux, dans la déclaration du gouvernement. Laquelle déclaration a été présentée au débat lors du vote d'investiture au Parlement. Toutefois, entre ces engagements électoraux et les réalisations au terme de cette première année, il y a un énorme écart. Là encore, le PJD en est conscient. Le parti s'est largement penché sur la question à l'occasion de la tenue de la dernière session de son conseil national (28, 29 et 30 décembre). Le chef du gouvernement a présenté, à huis clos, un rapport de la situation politique du pays et, par la même occasion, fait quelques déclarations publiques sur les réalisations (contestées) de sa première année au pouvoir. Il s'est attardé sur trois points. Pour le premier, à savoir la réforme de la Caisse de compensation, il a estimé que l'Etat ne peut plus continuer à subventionner les produits pétroliers. Le deuxième point étant la ponction sur les salaires des fonctionnaires grévistes, décision sur laquelle il ne compte pas revenir et qui selon lui a déjà porté ses fruits : aucun mouvement de grève n'a été enregistré dans l'enseignement cette année. Autre mesure : l'accès à la fonction publique se fera exclusivement sur concours, malgré la polémique créée par cette décision et le risque d'un recours des partis de l'opposition, devant le Conseil constitutionnel, pour contester la légalité de la Loi de finances 2013. Là encore, le chef du gouvernement ne manque pas d'arguments : alors que le recrutement d'un petit nombre de diplomés fait l'objet d'une controverse diplômés (à peine 2 800), plus de 18 000 nouveaux fonctionnaires ont été recrutés par voix de concours en 2012.