Jour J du scrutin législatif, on ne saurait faire fi des engagements politiques et des promesses électorales de nos partis. La chose est normale, puisqu'on est en temps de campagne. À première vue, et dans leurs grandes lignes directrices, les mesures inscrites dans les programmes soumis à l'appréciation des votants du désormais historique «25 novembre» se ressemblent foncièrement, rappelant cette intervention d'un acteur économique, lors de la présentation du programme politique du PJD à la CGEM, qui demandait à Benkirane si son programme n'était pas plutôt socialiste que ... . La réponse a interpellé l'assistance tout aussi bien que le constat : «En tant que musulmans, nous sommes par définition libéraux dans la production de richesse, mais en tant que tels, nous nous devons aussi d'être socialistes par la répartition de la richesse». De quoi donner le tournis aux idéologues. «Les idéologies sont mortes, l'ère est aux projets concrets», nous rappelait Mbarka Bouaida, jeune figure montante de la vie politique nationale, et membre actif du RNI, à l'occasion de la tenue de la première conférence – débat «Echoscope», organisée par les Echos quotidien, le 3 novembre à Casablanca. Soit. Les programmes électoraux des grands groupes politiques en compétition nous offre, à ce titre, l'occasion d'analyser la justesse des mesures proposées à l'électorat et la cohérence du modèle économique qui les sous-tend. De la guerre des chiffres .... Commençons par l'essentiel, le taux de croissance. Deux constats préliminaires sautent aux yeux. D'abord, les niveaux affichés diffèrent, selon que le parti a été présent en force ou marginalement dans le gouvernement sortant, ou qu'il a été confiné dans l'opposition démocratique. Ceci d'une part ; de l'autre, il y a l'optimisme affiché par l'ensemble des groupes politiques dans la définition de l'objectif de croissance. Pour ce dernier, la fourchette d'ensemble va de 5 à 7 %, soit une moyenne de 6 %, supérieure d'un point aux prévisions du dernier rapport du FMI. 5 %, c'est donc le taux plancher proposé par le parti de l'Istiqlal, un taux bas, probablement dû aux enseignements tirés par 4 années à la tête du gouvernement, qui ont certainement refaçonné les ambitions du parti de la balance et l'ont ainsi incité à la prudence et au réalisme économique. Les temps sont en effet très durs, ce qui n'empêche pas le PPS et l'Alliance pour la démocratie de tabler sur un taux intermédiaire de 6 %. Politiquement, cela a du sens, puisque quand on se veut à la fois moderniste ou progressiste et attaché à nos valeurs et traditions séculaires, la neutralité est de rigueur. Il reste les challengers, et ceux là sont dans l'obligation de faire des «grands coups» et de taper dans la fourmilière pour se faire entendre. C'est dans cet esprit que l'USFP et le PJD promettent un objectif de croissance de 7 % par an, un taux plafond qui pose la question des moyens de sa réalisation. Finalement, les objectifs de croissance, tous partis confondus, restent largement optimistes, malgré la récession qui menace notre premier partenaire économique, l'Europe, et aura forcément des répercussions sur nos équilibres macroéconomiques à venir, notamment sur les cinq prochaines années. Sur ce chapitre essentiel, certains veulent revenir aux fondamentaux, quand les autres ne veulent pas se prononcer, de peur probablement de compromettre l'arsenal de mesures sociales et culturelles promises à leur électorat. Les premiers donc sont le PJD et l'Istiqlal, pour lesquels il ne saurait y avoir de développement économique sans assainissement de nos principales grandeurs économiques. Ils s'engagent alors à plafonner le déficit budgétaire à 3 % du PIB, allant même au-delà, en rappelant ou en promettant (Istiqlal, Alliances pour la Démocratie) la nécessité de ramener la dette nationale à 50 % du PIB. Les seconds eux, PPS et USFP, ne précisent malheureusement aucune mesure spécifique à cet égard, ce qui peut relever de l'honnêteté intellectuelle, mais aussi de l'impasse idéologique de la gauche, tant au niveau national qu'international, comme c'est le cas en France actuellement. Plus ambitieux que les autres les parti de l'Alliance pour la démocratie vise elle un déficit budgétaire ne dépassant pas les 2 % du PIB, un taux audacieux qui ferait rêver plus d'un pays en ces temps de crise. ... au consensus ... Plus problématiques sont les perspectives d'investissement annoncées par ces partis. Il semblerait qu'il y ait un consensus involontaire à adopter une politique d'investissement pour le moins dépensière, pour ne pas dire onéreuse. Ainsi, si tout ce monde se prononce favorablement pour une augmentation des investissements publics, le PPS et le PJD s'engagent à accorder une part importante pour nos acteurs économiques nationaux, fixée à 30 % pour les premiers, quand les seconds la déterminent entre 20 % et 40 %, se donnant ainsi une marge d'ajustement selon l'état à venir de nos finances publiques. Pour le PJD, la question n'est pas tant de savoir quel volume fixer pour les investissements publics, mais d'œuvrer pour une gouvernance à même d'exploiter toutes les économies et les recettes fiscales prévues. C'est dans cette logique que le Parti de Benkirane s'engage à «mettre fin à l'économie de rente et au monopole économique», ce qui permettra de favoriser les PME et PMI, d'autant que le seuil des conventions d'investissement sera réduit à 100 millions de DH. Cette proposition est inscrite aussi dans le programme de l'Alliance menée par Mezouar, qui promet en outre de territorialiser l'investissement public vers et au profit des régions, quand l'Istiqlal promet lui de centraliser auprès de la Primature les stratégies sectorielles lancées ces dernières années. Pour le reste, les propositions sont relativement similaires et mettent l'accent sur la nécessité de simplifier les procédures administratives pour encourager l'investissement, afin sinon de réduire le taux de chômage, du moins de favoriser la création d'emploi. Deux chantiers fort épineux que la rue et les dernières manifestations sociales anté-réforme constitutionnelle ont placés au premier rang de leurs revendications. À ce titre - et c'est peut-être une bonne nouvelle - les propositions diffèrent, en chiffres et en moyens. Seuls Le PJD et le PPS s'accordent à relever le SMIG à hauteur de 3000 DH par mois, et à baisser le taux de chômage de près de 2 points. En matière de création d'emploi, la guerre des chiffres et leur exhaustivité est le maître mot. L'Istiqlal, en mode prudence, ouvre les enchères en proposant 170.000 créations d'emploi par an (20.000 dans le secteur public), dépassé par l'Alliance pour la démocratie avec 200.000 postes créés (30.000 dans le secteur public), un chiffre certes ambitieux, mais qui reste en-deça des 250.000 annoncés par le PPS. En ce qui concerne le SMIG enfin, et à l'insu des engagements du PPS et du PJD, la question du relèvement du niveau du SMIG ne figure pas dans les priorités des autres partis, que ce soit l'Istiqlal, l'USFP ou l'Alliance pour la démocratie.