Nabil Ayouch, cinéaste des causes, sans trêve sur les fronts brûlants avec un regard acéré et un talent abondamment récompensé. Considéré indiscutablement comme l'un des réalisateurs contemporains majeurs, il fait de chaque film un acte de résistance. À l'occasion de la sortie de « Everybody Loves Touda », nous avons rencontré un réalisateur dont les films engagés et souvent controversés ne cessent d'interpeller. Conversation. Suivez La Vie éco sur Telegram Nabil Ayouch fut l'un des porte-drapeaux d'une relève dont l'absence fut longtemps la maladie endémique du cinéma marocain. Révélée au Festival de Tanger grâce à des courts métrages qui sont autant de diamants de la plus belle eau, elle tarda à sauter le pas, au point qu'on l'enterra. À tort. C'est Nabil Ayouch qui, le premier, mit le pied à l'étrier en tissant subtilement son Mektoub, un road-movie palpitant. Quelques années plus tard, Ayouch revint à la charge, armé du fantastique Ali Zaoua, aujourd'hui bardé de distinctions. Ali Zaoua porte la griffe Nabil Ayouch. Griffe, parce que les qualités du film sont déjà perceptibles dans les œuvres antérieures du réalisateur : les courts métrages (Les pierres bleues du désert, Hertzienne connexion, Vendeur de silence). Quand Ali Zaoua vint enchanter nos mirettes, il n'avait pas encore fini d'éclairer les salles obscures que déjà il recueillait l'adhésion du public, suscitait l'enthousiasme de la presse et remportait les suffrages de la critique. À juste titre, car cette fable généreuse, tournée avec les enfants de la rue, non seulement satisfait aux exigences de la construction dramatique et de la mise en scène, sans emphase ni fioritures, mais aussi réussit, au-delà de toute expression, à faire vivre les personnages et à embarquer les spectateurs. Fort de ce succès, Ayouch poursuit sur cette lancée en abordant des thématiques tout aussi délicates et universelles : la violence, la misère, mais aussi l'espoir. Les Chevaux de Dieu (2012) est une plongée glaçante dans les mécanismes de la radicalisation, inspirée des attentats de Casablanca. Avec Much Loved (2015), il provoque un véritable séisme sociétal en abordant la prostitution à travers le regard de trois femmes déterminées à s'affirmer, malgré les jugements et les pressions. Razzia (2017) explore la tension entre tradition et modernité, tissant une mosaïque de portraits qui résonnent comme une radiographie du Maroc contemporain. Enfin, avec Haut et Fort (2021), il s'intéresse à la jeunesse et à la culture hip-hop comme vecteurs d'émancipation et d'expression. Aujourd'hui, Everybody Loves Touda s'inscrit dans cette continuité. Ce long-métrage, poignant et résolument féministe, suit le parcours de Touda, une jeune femme marocaine aspirant à devenir Cheikha, une artiste traditionnelle, malgré les entraves imposées par une société patriarcale. Avec ce film, Ayouch dresse un portrait saisissant de la condition féminine au Maroc, ballottée entre traditions ancestrales et quête de modernité. Nabil Ayouch prouve que le cinéma peut être une arme puissante pour raconter des histoires, dénoncer les injustices et réveiller les consciences. Chaque film qu'il signe est une pièce supplémentaire d'un puzzle complexe, témoignage d'une société en perpétuelle évolution.