Everybody Loves Touda du réalisateur marocain Nabil Ayouch livre un mélodrame poignant porté par Nisrin Erradi, incarnation vibrante d'une femme en lutte pour sa liberté dans une société marocaine en tension. Un récit musical d'une intensité émotive remarquable. Avec Everybody Loves Touda, Nabil Ayouch continue d'explorer l'âme vibrante et les contradictions du Maroc contemporain. Porté par une Nisrin Erradi au sommet de son art, le film transcende les codes du mélodrame pour offrir une fresque intimiste où la musique devient un souffle de vie, un cri d'émancipation, et un vecteur de mémoire culturelle.
Dans la tradition des grands conteurs visuels, Ayouch adopte une mise en scène immersive, faite de plans longs et d'une caméra qui caresse les paysages autant qu'elle observe les âmes. L'ouverture, d'une brutalité poignante, nous plonge dans un univers où les chants ancestraux de l'aïta, incarnés par Touda, résonnent comme des appels à la fois à la célébration et à la révolte. L'esthétique visuelle évoque par moments le cinéma de Fatih Akin, où la musique n'est pas seulement une bande-son mais un protagoniste central.
Le scénario trace le parcours de Touda, une chanteuse de fêtes cherchant à s'affirmer dans une société où la tradition et le patriarcat écrasent les ambitions individuelles. La première partie, ancrée dans les montagnes, offre un portrait d'une communauté où chaque note chantée porte en elle le poids des attentes et des non-dits. Lorsque Touda décide de partir à Casablanca, le film s'ouvre sur une fresque urbaine, où l'espoir et l'aliénation s'entrelacent dans un ballet hypnotique.
Nisrin Erradi : un éclat brut
Nisrin Erradi livre ici une performance d'une intensité rare. Sa présence à l'écran est magnétique, oscillant entre fragilité et puissance. Ayouch, en cinéaste attentif, capte chaque nuance de son jeu, transformant ses scènes de chant en moments d'épiphanie, où le personnel devient universel. Sa voix, vibrante et chargée d'émotions, semble porter les espoirs d'une génération.
La musique de Everybody Loves Touda, composée par Flemming Nordkrog, enveloppe le spectateur dans un écrin sonore envoûtant. Les mélodies traditionnelles de l'aïta, réinventées avec une sensibilité contemporaine, dialoguent avec les silences, créant une atmosphère où chaque note raconte une histoire.
Au-delà de son intrigue, Everybody Loves Touda est une méditation sur la place de l'artiste dans une société en mutation. Touda incarne une femme tiraillée entre ses racines et son désir d'évasion, entre la préservation de la tradition et la quête d'un avenir libéré des carcans sociaux. Ayouch peint un Maroc à la fois nostalgique et résolument tourné vers l'avenir, où l'art devient une arme pour réinventer le présent.