Le Maroc ne dispose d'aucune installation de collecte et de recyclage des déchets provenant du BTP. Le stockage est devenu une activité lucrative pour certains propriétaires de terrains inconstructibles. C 'est un vrai casse-tête pour les professionnels du bâtiment et des travaux publics. Ils ont du mal à se débarrasser des déchets qu'ils dégagent au moment de la réalisation des travaux de construction et surtout de réaménagement. Si les restes de certains produits comme le fer, l'aluminium, le bois et, surtout, le cuivre sont très convoités par les collecteurs et revendeurs informels, il n'en est pas de même pour les débris de verres, de minéraux ou bitumeux, le mélange de béton et de ciment qui constituent la grande part des gravats. Et pour le stockage de ce type de déchets, il n'y a aucune décharge dédiée. Pis, les autorités interdisent à quiconque de recourir aux décharges publiques «classiques» pour les déposer. Les professionnels comme les citoyens doivent se débrouiller pour se débarrasser de ces déchets. Au grand dam du paysage urbanistique car le Maroc en produit environ 9 millions de tonnes par an. 50 à 100 DH par camion de déchets exigés par les propriétaires de terrain Pour ne pas avoir à engager des charges imprévues, les professionnels incluent désormais les frais liés à la gestion de ces déchets dans le devis et la facture de réalisation des travaux. «Chaque maître d'ouvrage consacre dans son cahier de prescriptions spéciales (CPS) 5% du prix des travaux pour les frais dits de replis qui servent essentiellement à nettoyer le chantier de tous les déchets», indique un membre de la Fédération nationale du bâtiment et travaux publics (FNBTP). Et certains n'hésitent pas à faire du stockage une activité lucrative. A l'instar de cette propriétaire terrienne qui a transformé une superficie de deux hectares dans les environs de Bouskoura, classée en zone verte et donc non exploitable, à une sorte de décharge informelle pour le BTP. Et il paraît que même le prix de la prestation a été conventionnellement fixé chez les exploitants de ces installations anarchiques. «Pour le déversement de la contenance de chaque camion, on perçoit entre 70 à 100 DH», souligne cette quinquagénaire déçue par le dernier plan d'aménagement de Hay Hassani qui l'a «pénalisée en plaçant ce terrain en zone verte». Mais comme elle, plusieurs propriétaires de terrains situés dans les périphéries de Casablanca comme dans la plupart des grandes villes s'adonnent à cette activité dopée par le boom immobilier de ces dernières années. Le phénomène se développe aussi à l'intérieur des cités. A Casablanca, le terrain du quartier Ifriquia, qui servait auparavant au célèbre marché de moutons en période de l'Aïd Al Adha, accueille tous les jours de longues files de camions qui viennent y décharger leurs déchets de BTP. Le service géré, de manière illégale mais au vu et au su de tout le monde, par des intermédiaires proches des responsables locaux rapporte 50 à 70 DH pour tout chargement. Au début, les services communaux fermaient les yeux sur cette activité car ces débris permettaient de remplir les fosses des anciennes carrières exploitées. Mais par la suite, les amas de résidus et débris ont commencé à déborder, au point qu'ils sont désormais visibles depuis l'autoroute. La FNBTP défend l'idée de la mise en place d'un système de valorisation Certes, ces déchets ne sont pas nuisibles à la santé car ils ne subissent aucun changement physique, biologique ou chimique avec le temps. C'est pour cela qu'ils sont qualifiés de déchets inertes. Mais le problème est qu'ils enlaidissent le paysage. De l'avis des professionnels, les 9 millions de tonnes de débris et de restes de béton déversées chaque année pourraient être mieux utilisés. Aujourd'hui, seuls les grands opérateurs de BTP réutilisent ces déchets, notamment dans les constructions des chaussées. «Vu l'importance des moyens dont ils disposent, ils peuvent se permettre d'exploiter les gros volumes de déchets qu'ils produisent car cela devient intéressant et rentable», explique Mustapha Miftah, directeur délégué de la FNBTP. «Ils sont à peine trois ou quatre grands promoteurs à disposer de machines pour la réutilisation de leurs débris de béton et de briques», précise un opérateur. Pour Hassan El Jai, président de l'Association marocaine des producteurs de sable, «l'absence de filière industrielle qui se charge de cette activité empêche les professionnels de recourir à cette alternative étant donné qu'il faut transporter, stocker, puis procéder à la sélection et au traitement avant de passer au recyclage». En outre, le législateur ne prévoit rien en la matière, même si, au sein de la FNBTP, on avait soulevé cette question à maintes reprises. «Nous avons avancé l'idée de mettre en place, dans le cadre de la Charte de l'environnement pour le développement durable, un système pour la gestion des décharges dédiées à ces déchets, mais jusqu'à présent notre demande est restée lettre morte», déplore un membre de cette fédération affiliée à la CGEM.