Le marché des mutations connaît une croissance exponentielle : +30% en un an. Pour organiser le marché, les concessionnaires suggèrent que la TVA de 20% soit appliquée uniquement sur la marge. La situation actuelle profite aux garagistes qui se contentent de jouer les intermédiaires entre particuliers. «Partout dans le monde, l'activité des concessionnaires automobiles est composée de quatre métiers, à savoir la commercialisation des voitures neuves, le service après-vente, la vente des pièces de rechange et la vente de voitures d'occasion, sauf au Maroc où elle se limite aux trois premiers». La remarque est de Jean Frédéric Piotin, DG de Renault Maroc, qui, depuis son arrivée en décembre 2010, n'arrive toujours pas à comprendre cette exception marocaine. Pourquoi les concessionnaires sont absents de ce marché ? Font-ils tant de bonnes affaires dans le neuf qu'ils snobent l'occasion ? Pas si sûr, car la plupart des professionnels sont conscients de l'importance de ce segment. Le marché des voitures d'occasion est effectivement en pleine expansion. En attestent les chiffres du ministère de l'équipement et des transports, qui font état de 342 832 véhicules ayant fait l'objet de mutation entre janvier et novembre 2011. Ces transactions sont en hausse de 29% par rapport à la même période de l'année d'avant. Une croissance largement plus soutenue que celle réalisée sur le marché du neuf (+8,3% en 2011). Et au rythme où vont les choses, on s'attend à ce que ce chiffre dépasse les 370 000 à la fin de 2011. Autrement dit, le marché des voitures d'occasion, non compris les véhicules d'occasion importés (voir encadré), est trois fois plus important en volume que celui du neuf qui a totalisé 112 099 unités. Une double TVA : sur le premier achat et sur la revente Les concessionnaires des voitures neuves ne sont pas insensibles à cette manne. En fait, leur absence de ce segment résulte de plusieurs facteurs dont le principal est d'ordre fiscal. Pour la commercialisation des voitures d'occasion, les professionnels doivent ajouter au prix de vente une TVA de 20%, comme pour un véhicule neuf. Le même produit se trouve ainsi soumis doublement à cet impôt, puisque le premier acquéreur du véhicule s'en est déjà acquitté. Bien sûr, ce sont les acheteurs qui supporteront cette charge supplémentaire, mais celle-ci réduirait ainsi la compétitivité du marché organisé. En effet, pour une même voiture, il sera plus intéressant de l'acheter chez un particulier. L'acheteur ne supportera que les droits de mutation auprès du service des mines relevant du ministère de l'équipement et du transport. C'est pourquoi le patron d'un concessionnaire de la place juge que cette TVA de 20% sur le prix de vente total d'une voiture d'occasion vendue dans le circuit formel est «inadmissible». Une telle situation fait l'affaire de la plupart des garagistes spécialisés, qui se contentent de faire l'intermédiation entre particuliers en contrepartie d'une commission. Résultat : l'Etat se voit privé de recettes fiscales importantes. Un professionnel avance une marge moyenne dans la vente de voitures d'occasion de l'ordre de 20 000 DH. Une TVA de 20% appliquée à cette marge apporterait à l'Etat, en moyenne, 4 000 DH par mutation, soit dans un marché qui totalise 370 000 opérations une recette globale de près de 1,5 milliard de DH. Les concessionnaires ne proposent qu'exceptionnellement de faire des reprises C'est donc pour organiser cette activité que certains concessionnaires appellent à l'instauration d'une TVA plus souple. «Non seulement l'Etat ne déboursera aucun centime, mais il profitera d'une rentrée d'argent permanente si une TVA sur la marge est instaurée, comme cela se fait dans plusieurs pays», souligne le patron de Renault Maroc. Et pour étayer leur revendication, ils mettent en avant un autre avantage, en l'occurrence social, puisque le développement de cette branche se traduira par la création d'emplois. Et ce n'est pas tout. L'absence d'argus fiable ne permet pas aux professionnels d'avoir une visibilité sur la cotation réelle des voitures. Sans compter le flou qui plane sur l'aspect technique des véhicules en raison de l'absence de culture d'entretien. «Rares sont les automobilistes qui disposent de carnet de mise à jour», observe Hatim Kaghat, directeur des relations publiques de Kia Maroc. Pourtant, le concessionnaire de la marque coréenne, comme pas mal d'autres professionnels, avait tenté de mettre en place un réseau dédié à cette branche. Selon ses responsables, il avait même lancé des études et était prêt à s'y engager, il y a trois ans. Mais l'ensemble de ces obstacles l'avait poussé à faire marche arrière. Aujourd'hui, les concessionnaires proposent exceptionnellement de faire des reprises, et, dans certains cas, ils se limitent à jouer indirectement les facilitateurs entre vendeurs et acheteurs. «Devant l'insistance de certains clients pour qui l'achat d'une voiture neuve dépend de la vente de leur ancien véhicule, nos commerciaux recourent à leurs réseaux relationnels pour faciliter et accélérer la transaction», confie le directeur commercial d'une grande marque. Ce qui est loin des attentes du marché de l'occasion.