Le nombre de plaintes est en hausse de 7%, les citoyens hésitent moins à faire prévaloir leurs droits. L'augmentation est imputée à la mauvaise gestion administrative des dossiers liant l'Etat aux tiers. Sur les 16 441 affaires traitées en 2010 par l'Agence judiciaire du Royaume (AJR), institutions qui défend les intérêts de l'Etat (voir encadré), le nombre de nouveaux dossiers s'élève à 13 756, en hausse de 6,8% par rapport à l'année d'avant. Les affaires portant sur l'expropriation et l'atteinte à la propriété privée viennent en tête des actions judiciaires dirigées contre l'Etat (personnes morales de droit public et entreprises publiques) avec 2 271 dossiers, soit 16,5%. Viennent ensuite les contentieux fiscaux qui ont fait l'objet de 2 180 actions (15,8%). La législation sociale qui comporte aussi les litiges relatifs aux accidents de travail a généré 2 024 procès (14,7%). Les ministères sont les premiers générateurs de contentieux pour l'Etat. A eux seuls, ils ont été à l'origine de 80% des actions en justice. Le reste a impliqué à parts égales les établissements publics et les collectivités locales. Et ce sont les départements des Finances et de l'Intérieur, dont la Direction générale de la sécurité nationale (DGSN), qui détiennent le plus grand nombre d'actions en justice avec respectivement 3 581 et 1 483 dossiers. Ces deux ministères sont à l'origine de 37% des procès intentés contre l'Etat. Ils sont suivis du département de l'Education nationale et l'Enseignement supérieur avec 831 dossiers, et celui de l'Equipement et des Transports avec 783 actions. La taille de ces institutions et la nature de leurs activités expliquent en fait ce nombre élevé de litiges. Il n'y a pas de mystère si les Finances occupent la première place car c'est le département qui gère le plus les questions de l'expropriation, de l'atteinte à la vie privée et du contentieux fiscal qui constituent 32,3% du total des actions juridiques. Par ailleurs, l'issue de ces actions judiciaires est à 54% en faveur de l'Etat. C'est le taux des dossiers gagnés en justice par l'AJR. Un résultat qu'il faut prendre avec précaution cependant puisque, comme le souligne cette institution, «il cache des disparités selon les catégories du contentieux». Aussi, les affaires de voie de fait sont généralement perdues car «la responsabilité de l'Etat est incontestable». A l'inverse, d'autres types d'actions sont systématiquement remportés par cette institution ainsi que l'évacuation des logements administratifs. Mais face au nombre de plus en plus croissant des litiges et de l'effectif réduit de son équipe, l'AJR est obligée de recourir davantage aux services d'avocats externes. Elle a traité en 2010 quelque 1 438 notes d'honoraires, totalisant près de 3,8 MDH. Le nombre de dossiers pour lesquels l'AJR recourt à l'externalisation ne dépasse cependant pas les 7% du total des affaires prises par cette institution. 1 605 plaintes de recours en annulation pour excès de pouvoir L'augmentation du recours aux avocats externes est justifiée par le nombre de plus en plus élevé des dossiers qu'elle est appelée à gérer et ce en raison de plusieurs facteurs. Comme le souligne l'AJR, le champ d'action des pouvoirs publics s'est élargi et, par conséquent, le nombre des affaires contentieuses a augmenté. A cela s'ajoute le changement, durant ces dernières années, des mentalités dans une société dont les citoyens ne craignent plus comme avant de porter plainte contre l'Etat. Mais ce n'est pas tout. Une des principales raisons, et c'est ce qui inquiète sérieusement les responsables de cette institution, réside en fait dans «les dysfonctionnements au niveau de l'utilisation de la règle de droit, de son respect, voire de l'inadéquation de celle-ci». Autrement dit, c'est une sorte de mauvaise gestion au niveau administratif qui est mise à l'index. Si des actions judiciaires sont intentées contre l'Etat, et si surtout elles débouchent sur sa mise en cause, c'est que généralement la procédure a été sinon bafouée du moins non respectée. L'AJR déplore ainsi «l'absence d'une politique systématique de prévention du contentieux au sein des services juridiques de l'administration et le faible recours aux modes alternatifs de règlement des litiges». Et cela risque d'avoir un coût financier considérable sur l'Etat. Pour l'Administration sommée de les exécuter, ces jugements alourdissent considérablement ses charges budgétaires. Le coût de ces contentieux est aussi nuisible à l'image du pays et à la compétitivité de son économie.Inquiétant, d'autant que les changements récents au niveau de la Constitution ont davantage élargi le périmètre de responsabilité de l'Etat. D'où l'appel de l'AJR pour que «la conception de l'action administrative tienne compte des impératifs légaux et réglementaires et [que] le coût de la non-conformité juridique devienne le souci majeur des décideurs».