Les actions judiciaires dirigées contre l'Etat ont totalisé 13 756 affaires en 2010, soit une hausse de 6,8% par rapport à 2009. Une hausse qui en dit long sur la mauvaise gouvernance juridique de l'Etat et les coûts y afférents, notamment en termes de détérioration du climat des affaires. Le citoyen est de plus en plus en colère contre ceux qui le gouvernent, et il ne lésine pas sur les moyens pour faire entendre sa voix, via notamment le recours à la justice. Ainsi, le nombre d'actions judiciaires dirigées contre l'Etat et les autres personnes morales de droit public a poursuivi son trend haussier en 2010, avec 13 756 nouvelles affaires enregistrées par l'AJR (l'Agence judiciaire du royaume), soit 876 affaires en plus, comparativement au chiffre enregistré en 2009, représentant une hausse de 6,8%. C'est ce qui ressort du dernier rapport d'activité de l'année 2010 de l'AJR (l'Agence judiciaire du royaume) et qui vient d'être rendu public par le ministère de l'Economie et des Finances. Cette évolution s'explique en partie par l'élargissement du champ d'action des pouvoirs publics, qui s'accompagne d'une activité contentieuse de plus en plus intense, et par l'apparition de nouveaux types de contentieux, expliquent les rédacteurs du rapport. Elle traduit aussi un changement de mentalité qui tend vers la banalisation du contentieux administratif. Le citoyen n'hésite plus à poursuivre l'Etat en justice, culture qui n'était pas assez répandue des années auparavant. L'analyse des nouveaux litiges reçus par l'AJR montre que les affaires relatives à l'expropriation et à la voie de fait arrivent en tête, suivies par les affaires fiscales, des litiges et accidents de travail… Cependant, ces facteurs n'expliquent pas, à eux seuls, cet engouement pour le contentieux. L'évolution constante du nombre des actions judiciaires dirigées contre les personnes morales de droit public est symptomatique d'un malaise de gouvernance de l'administration. Elle est l'expression de dysfonctionnements aux niveaux de l'utilisation de la règle de droit, de son respect, voire de l'inadéquation de celle-ci. Elle relève aussi l'absence d'une politique systématique de prévention du contentieux au sein des services juridiques de l'administration et le faible recours aux modes alternatifs de règlement des litiges, en l'occurrence l'arbitrage, la transaction, la médiation et la conciliation. Le coût de la mauvaise gouvernance « L'administration ne peut plus continuer dans les modes de gestion d'antan, qui relèguent au second plan la dimension juridique dans le processus décisionnel et dans les actes de gestion quotidienne, au risque de voir l'Etat en faire les frais », déclare Mohamed Kemmou, directeur général de l'Agence judiciaire du royaume qui remet en cause la mauvaise gouvernance des administrations étatiques. Ce dernier ajoute que l'administration se voit contrainte à supporter une charge budgétaire dont l'évolution est difficile à soutenir aussi bien pour l'Etat que pour les autres personnes morales de droit public (collectivités territoriales et établissements publics). Si la charge budgétaire, regroupant l'ensemble des frais de dossiers et la gestion des plaintes reçues et jugements contre l'Etat, n'a pas été communiquée dans le rapport, un chiffre a toutefois été relayé par les rédacteurs du rapport. Les indemnités perçues par les avocats représentent plus de 3,8 millions de dirhams. En effet, l'AJR constitue des avocats en vue d'assurer certaines procédures ou traiter certains dossiers, lorsque l'affaire à traiter est pendante devant une juridiction éloignée et qu'elle suppose une présence soutenue devant le tribunal ou des délais très courts. Ainsi, 1 438 notes d'honoraires ont été traitées en 2010, soit une charge financière de près de 3,8 millions de dirhams. Il y a lieu de préciser que le nombre de dossiers dont le traitement est externalisé ne dépasse pas 7% du total traité par l'institution. Toutefois, ces honoraires sont en augmentation par rapport aux années précédentes. En 2009, il s'agissait d'un montant de 3,5 millions de dirhams, contre 3,4 millions en 2008. La moyenne par note d'honoraires est de 2 672,76 dirhams. Ça plombe l'attractivité du pays ! Même si les dernières données disponibles montrent que l'AJR gagne dans l'ensemble 54% des affaires qu'elle plaide, le coût de ces affaires demeure un lourd fardeau pour l'Etat. Il s'agit d'abord du coût direct occasionné par le traitement de l'affaire et l'exécution de la décision judiciaire lorsqu'elle est défavorable (paiement des sommes correspondant à la condamnation). Il s'agit aussi du coût lié au fonctionnement de la justice et à la détérioration de l'image des administrations qui génèrent un volume important du contentieux. Non seulement tous ces coûts pèsent lourd sur les finances publiques mais affectent aussi, in fine, l'attractivité du pays et pénalisent la compétitivité de son économie, puisque ce genre de coûts est inclus dans les calculs des investisseurs, dans leurs matrices de décision.