Un vent d'émancipation souffle sur l'Afrique australe. Longtemps dominée par l'influence pesante de Pretoria, la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) se trouve aujourd'hui secouée par une fronde inédite de plusieurs de ses Etats membres. Le point de rupture ? La signature unilatérale, le 2 avril dernier à Gaborone, d'un protocole d'accord entre le secrétariat exécutif de la SADC et l'entité séparatiste autoproclamée « rasd », entérinée sans la moindre concertation avec les Etats membres. C'est une simple note verbale datée du 11 avril qui a mis le feu aux poudres par une note dressée par le ministère des Affaires étrangères du Malawi au secrétariat de la SADC. La note marque une rupture nette avec la ligne historique dictée par Pretoria. Le ton y est clair : la République du Malawi « ne reconnaît pas ledit protocole d'accord » et se dégage de toute obligation à s'y conformer. Plus encore, le gouvernement de Lilongwe y fustige ouvertement les « efforts de déstabilisation » orchestrés par les groupes séparatistes soutenus par Alger et promus activement par l'Afrique du Sud. Ce revirement n'est pas isolé. Plusieurs Etats membres de la SADC – dont les Comores, l'Eswatini, la République démocratique du Congo, la Zambie, et le Malawi – ont exprimé leur désaccord. Tous ont matérialisé leur position par l'ouverture de consulats dans les villes sahariennes de Laâyoune ou de Dakhla, reconnaissant de facto la souveraineté du Maroc sur son Sahara. L'Afrique du Sud, jusqu'ici cheville ouvrière de la solidarité idéologique avec la « rasd », se voit aujourd'hui désavouée par ses pairs. Depuis des décennies, Pretoria s'est érigée en puissance tutélaire de la région, n'hésitant pas à instrumentaliser la SADC pour en faire le prolongement de ses orientations géopolitiques, souvent alignées sur les intérêts algériens. Lire aussi : SADC-Polisario : nouvelle alliance contre l'intégrité territoriale du Maroc Mais ce jeu d'influence a atteint aujourd'hui ses limites par la signature du protocole avec la « rasd », sans mandat ni approbation formelle des seize membres de l'organisation et qui constitue aux yeux de nombreux Etats une violation grave du traité constitutif de la SADC. Plusieurs capitales dénoncent une démarche unilatérale, illégitime, contraire aux principes de collégialité et de souveraineté collective qui doivent régir toute organisation régionale. Au-delà du cas malawite, d'autres pays se positionnent en faveur d'un réalignement. Madagascar et les Seychelles, bien que moins vocaux, partagent une lecture similaire de la situation. Tous dénoncent une « entorse manifeste » aux fondements juridiques de la SADC et refusent de cautionner une posture idéologique qui ne reflète ni les priorités régionales ni les aspirations des peuples. Cette dynamique traduit un mouvement de fond : une volonté croissante, au sein de l'Afrique australe, de s'affranchir d'une diplomatie dogmatique portée par une minorité activiste. « C'est une remise à plat des équilibres régionaux », explique un diplomate basé à Lusaka. « L'Afrique du Sud n'est plus perçue comme un leader rassembleur, mais comme une puissance intrusive, au service d'agendas extérieurs à la région. » Vers une SADC recentrée sur l'intérêt des peuples Ce réveil diplomatique s'inscrit dans un contexte plus large de repositionnement stratégique sur le continent. Face à l'activisme algérien, qui multiplie les manœuvres de division après avoir perdu son influence au Sahel et enregistré des revers diplomatiques en Europe et aux Etats-Unis, plusieurs Etats africains entendent réaffirmer leur attachement à une lecture réaliste et légitime des enjeux territoriaux. Dans sa note officielle, le Malawi ne se contente pas de rejeter le protocole. Il réaffirme son soutien « indéfectible » au plan d'autonomie marocain, salué par une majorité d'acteurs internationaux comme « sérieux, crédible et réaliste ». Un positionnement qui tranche avec l'ambiguïté de certains Etats et marque une rupture nette avec les postures idéologiques d'un autre temps. En toile de fond, l'ombre d'Alger plane sur cette affaire. Déstabilisée par la perte de ses relais sahéliens et confrontée à une contestation croissante de sa diplomatie clivante, l'Algérie tente de rallumer des foyers de tension là où elle le peut. La manœuvre sud-africaine à Gaborone apparaît ainsi comme un ultime baroud d'honneur, destiné à offrir une tribune internationale à une cause de plus en plus isolée. Mais cette fois, la ficelle semble trop grosse, en plus les réactions de rejet émanant de plusieurs membres de la SADC traduisent une lassitude à l'égard des tactiques d'intimidation diplomatique et des alliances idéologiques figées. C'est un signal fort envoyé à Pretoria : la SADC n'est pas un instrument de politique étrangère sud-africaine, et encore moins une caisse de résonance des obsessions algériennes.