Dans son baromètre du premier trimestre 2023, Allianz Trade, leader mondial de l'assurance-crédit, a attribué au Maroc une notation qui le place dans le trio de tête en Afrique. Pourquoi le Maroc doit améliorer ses indices de gestion des risques pour booster les investissements sur son sol ? Le développement, le progrès et l'évolution sont intimement liés à la prise de risque et au danger. Le risque est dans l'ADN même des grandes firmes et des entrepreneurs à succès. À en croire Mark Zuckerberg, « le plus grand risque est de ne prendre aucun risque… Dans un monde qui évolue très rapidement, la seule stratégie qui échoue est de ne pas prendre de risque. » Sauf que la propension au risque peut s'avérer dangereuse quand elle n'est pas réfléchie et peut souvent être fatale à des dirigeants beaucoup trop audacieux et pas assez précautionneux. C'est pourquoi la gestion du risque est au cœur de la stratégie des entreprises de nos jours. Les dirigeants d'entreprise ne peuvent faire l'impasse sur une étude et une évaluation des risques lorsqu'ils souhaitent développer leur activité à l'étranger. Le risque étant trop important d'essayer de percer dans un marché étranger avec un environnement spécifique, des règles et des lois différentes et un contexte socio-économique et sécuritaire particuliers, sans faire d'étude ni d'analyse préalable.
Facteurs politiques, économiques… Face aux grands risques et turbulences que connait le monde actuel, l'anticipation et la surveillance des risques sont devenues une obligation pour gérer la volatilité des marchés et prévoir les risques et incertitudes géopolitiques et sécuritaires. Ainsi, l'analyse Risque Pays prend en compte des facteurs aussi bien politiques, économiques, financiers, technologiques, sécuritaires, que des contraintes légales, réglementaires, écologiques et sanitaires. Tous ces facteurs pourraient entrainer un risque de sinistre, d'opérations ou de transactions illégales, voire de faillite pour les entreprises concernées. Cette évaluation est devenue depuis une démarche indispensable et cruciale dans les stratégies de développement à l'international des organisations dès les années 60. Cette notion de Country Risk Rating serait d'ailleurs apparue pour la première fois en 1956 après la nationalisation du canal de Suez par le président égyptien Nasser, et l'incertitude qu'elle a entrainée auprès des entreprises britanniques et françaises inquiètes de se faire chasser ou d'être dépossédées de leurs biens et avoirs en Egypte. C'est pour répondre à ces préoccupations que des agences de notation financière comme Moody's et Standard & Poor's, des sociétés d'assurance-crédit, telles que Coface ou Allianz, ainsi que les grandes banques d'investissement ont intégré cette notion d'évaluation dans les services proposés à leurs clients.
Risque financier et économique La crise économique de 1929 avait déjà alerté sur les répercussions dévastatrices que pouvait avoir le krach boursier de la première puissance économique mondiale sur l'ensemble des marchés à travers la planète. Pour la première fois de l'histoire, les errements, les risques et les négligences d'une poignée d'investisseurs, aveuglés par l'appât du gain par l'intermédiaire de bulles spéculatives, ont provoqué la chute de tout le système financier international. Mais d'autres risques, parfois beaucoup plus préjudiciables, sont ensuite apparus avec le temps. Alors que la culture du risque est inhérente au développement des entreprises et à leur succès, il existe des seuils et des limites que les organisations ne peuvent se permettre de franchir sans risquer la banqueroute. Les banques et les marchés financiers n'aimant pas l'incertitude, la prise en compte de nouveaux risques s'est imposée en englobant les risques d'inflation, de variation du taux de change par rapport au dollar, de baisse de la consommation ou de lobbying hostile et de campagnes de boycott. Comme on ne prête qu'aux riches ou aux gens qui apportent des garanties de remboursement, les agences de notation publient annuellement leur évaluation sur le risque pour chaque pays de non-remboursement de ses dettes.
Le risque politique difficile à évaluer Longtemps focalisées sur les risques financiers et économiques, ces analyses Risque Pays accordent de plus en plus d'importance aux risques politiques et réglementaires. Dans la deuxième moitié des années 2010, les entreprises françaises ont massivement investi en Iran, flairant un bon coup à travers l'opportunité d'investir dans la probable future puissance économique émergente du Moyen-Orient. Selon les évaluations de grands groupes français et les projections d'organismes internationaux, tels que le FMI ou la Banque mondiale, les prévisions de croissance étaient très optimistes concernant l'Iran et les risques économiques étaient modérés et globalement maîtrisés. Sauf que toutes ces analyses et prévisions n'avaient pas anticipé l'imprévisible : l'élection de Donald Trump puis sa décision brutale de rompre les accords préétablis avec Téhéran en réimposant des sanctions économiques sévères contre le régime des Mollahs. Personne ne pouvait penser que le résultat d'une élection présidentielle sur un autre continent pouvait autant impacter et déstabiliser l'économie iranienne et ses partenaires économiques de cette manière. Le caractère imprévisible de la géopolitique, des guerres et des crises sur les affaires internationales et, par conséquent, sur le business, fait que le risque politique est très difficile à anticiper. Il y a d'ailleurs des risques que les assurances n'acceptent pas de couvrir. Et le risque politique en fait partie. Les multinationales sont de plus en plus souciantes de la sécurité de leurs collaborateurs et de leur bien-être. La sécurité des ressources humaines est ainsi au centre des préoccupations des entreprises. Ainsi, le niveau de sécurité, la probité et l'indépendance de la justice, ainsi que le niveau de prestation des services de santé d'un pays sont soigneusement étudiés par les agences de notation. Les pays avec un taux élevé de criminalité, une menace terroriste récurrente, un haut niveau d'instabilité et un risque d'accident de la route supérieur à la moyenne sont de ce fait négativement notés et ont beaucoup de mal à attirer les investisseurs étrangers.
Le Maroc : Bon élève des agences de notation Les pays désirant attirer les investissements étrangers sont donc très attentifs aux analyses publiées annuellement par les agences de notation. Et le Maroc ne déroge pas à cette règle. Mais, la dernière évaluation publiée récemment par l'assureur-crédit, Allianz Trade, contient beaucoup de motifs de satisfaction pour le Royaume. Selon le rapport de cette agence, le Maroc fait partie des trois pays les plus résilients d'Afrique derrière le Botswana et Maurice, avec une note de B3. Il devance ainsi les 5 puissances économiques du continent africain : le Nigéria (D3), suivi de l'Afrique du Sud (C3), de l'Algérie (C3) et de l'Egypte (D4). Malgré ce classement plus qu'honorable pour le Maroc, il reste encore beaucoup d'axes d'amélioration pour pouvoir attirer davantage d'IDE. En effet, le rapport pointe du doigt les disparités régionales, l'extrême pauvreté du milieu rural ou encore le taux élevé de chômage des jeunes ainsi que le niveau encore important de corruption dans le pays. À l'inverse, le rapport met en avant la stabilité institutionnelle dont jouit le Royaume et l'attachement à la monarchie et au Roi Mohammed VI de la part de la population. Une course aux IDE est déjà lancée en Afrique depuis quelques années. Une course qui verra les pays les plus résilients, les plus agiles, les plus aptes à atténuer leurs risques politiques, économiques et sécuritaires, réussir à attirer une grande partie des investissements destinés au continent africain.