L'affaire traîne depuis 7 mois. 50 médecins n'ont pas rejoint leurs postes et leur salaire est suspendu. La justice doit trancher sur la décision administrative d'affectation le 9 février. Les femmes médecins continuent à mettre en avant un traitement inéquitable dans la gestion du dossier. C 'est mercredi 4 février que la Fédération nationale de la santé affiliée à l'Union marocaine du travail (UMT) devait rencontrer la ministre de la santé, Yasmina Baddou. A l'ordre du jour de cette réunion : l'affectation des femmes médecins spécialistes de la promotion 2007, dossier qui traîne depuis août 2008 et qui a donné lieu à un bras de fer entre la ministre et les médecins. A ce jour, seulement 30 médecins femmes, sur les 100 qui constituent la promotion, ont rejoint leur poste situé à des centaines de kilomètres de leur domicile. Une cinquantaine résistent toujours car, disent-elles, elle ne peuvent «abandonner leurs enfants». Le reste, une vingtaine, a pu trouver des postes conformes à ses attentes. Une situation bien délicate et qui pourrait se compliquer avec l'arrivée de la nouvelle promotion, consitutée elle aussi dans une grande proportion, de personnes de sexe féminin. Jusqu'en 2007, les lauréates étaient affectées dans un périmètre de 100 km de leur lieu de résidence. Cette règle n'est plus appliquée depuis avril 2008, le ministère de la santé ayant opté pour le tirage au sort afin de permettre l'accès aux soins dans toutes les régions du pays, notamment dans les régions éloignées où les médecins refusent généralement d'exercer. Le ministère ne tient donc plus compte de la situation matrimoniale ni de l'ancienneté. Contestant cette démarche, les médecins femmes avaient créé un Comité pour défendre leurs intérêts. Plusieurs manifestations ont été organisées devant le ministère de la santé. Excédées par le mutisme de la tutelle, la moitié des médecins femmes avaient décidé de ne pas rejoindre leur poste. Cette décision leur a coûté cher puisque le ministère a suspendu leur salaire de novembre 2008 et, pire, leur réclame le remboursement de celui d'octobre. Poussées à bout, les femmes médecins ont alors entrepris deux actions en justice (tribunal administratif) dont une pour demander l'arrêt de l'exécution des dispositions prises concernant les salaires et l'autre pour contester la décision administrative. Elles ont été déboutées pour le premier procès. Pour le second, la première audience est prévue le 9 février courant. Le retour au foyer après un an de service n'est pas garanti «La situation est compliquée, mais nous devons aujourd'hui trouver une solution. Il s'agit certes du problématique équilibre de la carte sanitaire, mais il faut également tenir compte des contraintes familiales de ces femmes», affirme-t-on de source syndicale. La même source ajoute qu'au cours de la réunion du 4 février, le ministère avait prévu d'exposer ses propositions pour dénouer ce litige. Rien ne filtre pour l'instant sur le contenu de la proposition ministérielle. Les femmes médecins ne se font, cependant, pas beaucoup d'illusions dans la mesure où, disent certaines d'entre elles, «Mme Baddou a fermé, contrairement à ce que le ministère laisse entendre, la porte à la négociation. Depuis la réunion tenue en août dernier dans un amphithéâtre du CHU de Rabat, nous n'avons plus eu de contact avec le ministère qui cependant a pris entre-temps, à notre insu, plusieurs décisions administratives nous concernant !». Les médecins spécialistes se disent être «malheureusement des victimes d'une mauvaise gestion des ressources humaines marquée par un manque évident de clairvoyance de la part des responsables». Selon une source syndicale, plusieurs irrégularités ont entaché les affectations ainsi que les mutations. En premier lieu, les médecins citent leur absence au tirage au sort organisé en septembre 2008. Elles ont appris par la presse la décision des affectations alors qu'elles étaient en négociation avec le ministère qui s'était engagé à discuter au cas par cas les dossiers. Deuxièmement, le ministère a décidé de réaffecter, contre toute logique, les 3 mères de jumeaux au détriment des autres mamans. Troisièmement, il a procédé, avant le tirage au sort de septembre, à l'affectation de 13 médecins leur permettant ainsi de rejoindre leurs familles. Le département de Yasmina Baddou a par ailleurs rajouté trois postes qui ne figuraient pas sur la liste initiale. Et toujours au chapitre des irrégularités, les médecins femmes signalent que le ministère s'est engagé sur le retour au lieu de résidence habituelle, après une année d'exercice dans la nouvelle zone d'affectation. «Cet engagement n'est garanti par aucun document et nous ne pouvons pas y croire», disent-elles. Sur tous ces points, on ne connaîtra malheureusement pas la position du ministère de la santé dont les responsables sont restés injoignables. Sa proposition permettra-t-elle de corriger les irrégularités signalées par les médecins ? Nul ne sait… Les médecins spécialistes savent, quant à elles, que leur combat pourrait être encore long. Et ce d'autant plus qu'elles n'ont pas les faveurs de l'opinion publique qui estime qu'«elles sont des fonctionnaires comme toutes les autres femmes du secteur public et en particulier les enseignantes et devraient de ce fait assumer les contraintes de leurs statuts !». D'un autre côté, les médecins affirment que le problème de la carte sanitaire n'est toujours pas résolu puisque même «les femmes affectées loin de leur famille et qui ont rejoint leur poste ne sont pas toujours présentes à leurs postes. Elles sont nombreuses à présenter des certificats médicaux et donc à s'absenter !». Une situation compliquée en effet et dont le dénouement nécessite des concessions de part et d'autre.