Au moins 450 sociétés d'intérim opèrent au Maroc, dont 60 ont l'autorisation d'exercer. L'activité progresse en moyenne de 10% paran. Les opérateurs souhaitent un allongement de la durée des contrats d'intérim et la baisse de la caution. L'intérim se développe au Maroc tant bien que mal, malgré le poids important de l'informel. A en croire Moulay Abdellah Alaoui Mdaghri, président de la Fédération nationale des entreprises de travail temporaire (FNETT), au moins 450 sociétés d'intérim opèrent dans le secteur dont seulement 60 sont autorisées à exercer par le ministère de l'emploi et des affaires sociales. Ces dernières réalisent à elles seules un chiffre d'affaires estimé à 1,5 milliard de DH. La multinationale française Tectra est le leader du marché. Elle se place loin devant ses concurrents. «En général, le taux d'évolution du secteur est de 10% par an. Mais certaines entreprises réalisent un taux de croissance bien plus intéressant», déclare Moulay Abdellah Alaoui Mdaghri. Et pour cause, les opérateurs «non autorisés» continuent de grignoter des parts de marché grâce à des tarifs en dessous du marché. D'après les professionnels, le coefficient de facturation est descendu de 1,40 à 1,31 (le taux de facturation est calculé en multipliant le salaire horaire brut de l'intérimaire par le coefficient). «Jamais le coefficient n'a été inférieur à 1,4», déclare M. Alaoui Mdaghri. Avec un prix de 1,31, les entreprises d'intérim ne peuvent s'adjuger que 1% de marge à condition de payer la totalité des salaires et toutes les charges sociales des intérimaires. «Pour réaliser des marges plus confortables malgré ces prix très bas, les pratiques de ces sociétés sont connues. Elles ne déclarent pas régulièrement leurs intérimaires à la CNSS, ne paient pas l'assurance accident de travail et l'assurance maladie obligatoire de manière assidue...», déclare le président de la FNETT. Le secteur emploie 180 000 à 200 000 personnes Les pratiques sont parfois frauduleuses. Mais faute de contrôle continu de l'inspection du travail, les droits des intérimaires sont souvent bafoués. «L'intérim pâtit en effet d'une concurrence qui a une appréciation "particulière" de la législation, de la fiscalité et du respect des salariés», affirme Patrick Cohen, directeur général Maroc de Crit. Pourtant, ces sociétés continuent d'afficher des taux de croissance plus élevés que ceux du marché. «Ces sociétés non autorisées présentent des prestations 20% moins chères que les nôtres. Du coup, elles ont raflé tous les marchés publics généralement basés sur le moins-disant», renchérit Tarik Lamrani, directeur général adjoint de Best Profil (ex-Best intérim), société d'intérim qui réalisait en 2013 près de 40% de son chiffre d'affaires grâce aux marchés publics. «Aujourd'hui, les marchés publics ne représentent plus rien dans notre chiffre d'affaires. Nous sommes concentrés aujourd'hui sur le secteur privé, notamment les banques, les assurances et surtout l'industrie avec le Groupe OCP. Grâce à cette orientation, Best Profil a un taux de croissance estimé entre 15 et 20%», dit M. Lamrani. L'activité reste en effet dominée par l'industrie. Manutentionnaires, techniciens, coursiers mais aussi téléopérateurs et archivistes sont les métiers les plus demandés auprès des sociétés d'intérim. «Globalement, entre 180 000 et 200 000 personnes travaillent chaque année grâce à l'intérim avec un taux de nouveaux entrants situé entre 5 et 10%. Le secteur fait vivre un million de personnes si l'on compte une famille de cinq personnes pour chaque intérimaire», déclare le président de la FNETT. Grâce à la flexibilité qu'offre l'intérim pour les entreprises, la demande est forte pour ce type de service. Les professionnels tablent sur des taux de croissance encore plus intéressants si la période d'embauche des intérimaires en CDD (contrat à durée déterminée) est allongée. On pense ainsi à un an renouvelable une seule fois comme pour l'ouverture d'un nouvel établissement et le lancement d'un produit pour la première fois ou 6 mois renouvelable sans dépasser deux ans comme pour le secteur agricole. En attendant, de nouvelles pratiques voient le jour dans le secteur. «Les intérimaires sont embauchés pour 3 mois renouvelables une fois. Après 6 mois, généralement le poste subsiste. Pour respecter la loi, l'intérimaire est tout simplement remplacé par un autre. L'intérim en CDI permet d'y remédier. Nous recevons de plus en plus de demandes pour ce type de contrat», déclare M. Lamrani. En d'autres termes, l'intérimaire est en contrat CDI avec la société d'intérim qui peut l'arrêter dès que le client le souhaite généralement entre 2 et 3 ans. La demande étant récurrente pour certains postes, les employeurs privilégient donc le CDI en intérim. C'est la raison pour laquelle l'allongement de la durée du contrat dans l'intérim trouve toute son importance. Le CDI en intérim se développe «L'Etat a lui-même adopté le CDD dans son mode de recrutement. Il a intérêt à le promouvoir», clame M. Alaoui Mdaghri. La durée des contrats n'est pas le seul souci des entreprises du travail temporaire. La FNETT propose de fixer le montant de la caution financière déposée auprès de la CDG pour la création d'une agence d'intérim à 200 000 DH contre 50 fois le SMIG annuel actuellement. Certains professionnels prônent, quant à eux, l'indexation de la caution sur le chiffre d'affaires annuel et sa révision périodique. Cette proposition est partagée par Patrick Cohen, DG de Crit Maroc, qui a réalisé en 2015 un chiffre d'affaires de 284 MDH. En tout cas, le ministère de tutelle maintient le statut quo. Malgré cette barrière à l'entrée, des entreprises d'intérim sont créées chaque année et opèrent sans aucune autorisation. «Pourtant, depuis plusieurs années, il existe une volonté du ministère de l'emploi pour structurer et organiser le secteur. Mais il est difficile d'identifier et d'intervenir à l'encontre de ces entreprises», déplore le DG de Crit Maroc.