Le le 28 avril 2011 en plein Jamaa Lafna au coeur même de Marrakech une déflagration retentit dans le café-restaurant Argana. Si, au départ on ne se prononçait pas encore sur son caractère, il s'est avéré que la thèse de l'attentat a été par la suite officiellement reconnue. Cet acte abject qui a fait plusieurs morts dont des touristes a été condamné par toute la classe politique et la société civile. C'est un crime qui doit être élucidé mais non instrumentalisé. Les recherches tant françaises que marocaines des responsables de ce crime n'ont pas encore définitivement abouti . Alors qu'en France, on se dirigeait vers une responsabilité de la QMI, celle-ci a déclaré le 7 mai 2011 qu'elle n'avait aucun lien avec l'attentat de Marrakech. Force est de constater que ce crime a été perpétré alors que ce que l'on appelle le «printemps arabe» a réveillé un grand nombre de marocains qui, depuis le 20 février 2011 manifestent dans les rues de plusieur villes toutes les semaines et au niveau national tous les mois. La troisième manifestation nationale a eu lieu dans une centaine de villes le 24 avril 2011, 4 jours avant l'attentat de Marrakech. Le 8 mai 2011 à Marrakech, le défilé organisé à l'appel du mouvement du 20 février a bien montré que cet acte innommable était en contradiction totale avec toutes les revendications portées par lui et les comités de soutien en Europe. Il a clairement déclaré que cet acte ne le détournera pas de ses revendications légitimes et de son combat pour l'égalité des droits et un changement profond de la constitution et donc du système en place. Il ne s'agit pas de réformettes qu'on lui sert depuis longtemps et qui émiette ses revendications. Le discours du roi Mohamed VI du 9 mars 2011, malgré certains acquis remportés grâce au combat de ce Mouvement, n'a pas convaincu, en particulier suite à la répression de la manifestation du 13 mars 2011. Contrairement à ce qu'affirme Thierry Oberlé dans l'article du 10 mai 2011 du Figaro.fr «Mohammed VI montre qu'il est à l'écoute des revendications en annonçant des transformations institutionnelles avec, en filigrane, l'instauration d'une monarchie parlementaire...», le discours du roi n'a pas en filigrane l'instauration d'une monarchie parlementaire. Soit Mr Oberlé ne sait pas ce qu'est une monarchie parlementaire, soit il n'a pas écouté ou lu le discours du roi car, dans ce dernier, il n'y a ni transformation mais des promesses de réformes, ni monarchie parlementaire puisqu'il a confirmé « La sacralité de (ses) constantes …» et que toutes ses propositions de réformes sont faites «… A partir de ces prémisses référentielles immuables…». D'autre part, sans répondre à la revendication de la démission nécessaire du gouvernement et à la dissolution du parlement pour marquer une véritable volonté politique de changement, c'est le roi qui : 1- constitue une commisssion de révision de la constitution et nomme à sa tête Manouni qui sera chargé d'inscrire les réformes que lui-même a préconisées dans son discours. 2- nomme en la personne de Mouatassim, représentant du Makhzen, l'homme qui doit convoquer les partis politiques pour la négociation de ces dites réformes. Où est donc l'espace de la négociation? On comprend que le Mouvement du 20 février ait décliné l'invitation. Ce Mouvement est aujourd'hui dans une phase de revendications de la dignité, de la liberté et de la citoyenneté véritable, une phase de résistance contre toutes les formes d'injustice et d'intolérance. Stéphane Hessel écrit « le motif de la résistance, c'est l'indignation ». Mais l'indignation n'a de portée que dans la résistance aux revendications légitimes dans le respect de l'être humain. Résister face à ceux qui tentent d'instrumentaliser et de dévoyer ces revendications. Ceux qui ont brandi l'épouvante islamiste pour empêcher les jeunes de manifester ne vont-ils pas instrumentaliser cet épouvantail pour diviser le mouvement de contestation qui les dépasse? Nous avons vu, à Rabat, le 24 avril 2011, d'anciens détenus islamistes récemment libérés fustiger contre ces jeunes «sans foi» et revendiquer un Etat islamiste. Et pourtant, ces jeunes militaient pour leur libération! Ceux qui ont brandi l'épouvantail islamiste ne vont-ils pas se servir de cet épouvantail pour préserver un makhzen qui sauvegarde leurs intérêts quand différents secteurs d'activité sont liés à l'étranger et que ces liens sont plus solides que ceux qui existent sur le marché intérieur? Le 18 mars 2011 l'adjoint à l'Ambassadeur de France à Rabat n'a-t-il pas organisé une rencontre avec un groupe de jeunes issus de partis politiques marocains pour les mettre ouvertement en garde contre ce qu'il appelle « la manipulation des islamistes et l'extrême gauche » et les dissuader de continuer à manifester dans le cadre du mouvement du 20 février? Mais, nous le savons, les intégrismes religieux et ethniques comme les extrémismes politiques se sont développés et continuent à se développer à l'ombre de la crise tant politique, sociale que culturelle. Au Maroc, la réalité la plus marquante reste, conjointement à une corruption érigée en système de gouvernance, celle de la juxtaposition de deux mondes: celui de la pauvreté absolue et celui de la richesse et du luxe étalées de manière indécente. Cette réalité aujourd'hui implose. Les conditions subjectives comme objectives de cette implosion étaient là. Le Mouvement du 20 février, en reprenant le flambeau des soulèvements tunisien et égyptien l' exprime de manière pacifique et avec mâturité. Et, ce 8 mai 2011 à Marrakech , il a encore une fois, clamé son intention ferme de ne pas se faire dévoyer de ses revendications légitimes. Tout en condamnant avec fermeté l'attentat contre le café-restaurant ARGANA et le terrorisme sous toutes ses formes, il a scandé son désir de changement véritable, son absence de confiance en la commision de réformes constitutionnelles et son combat contre la corruption qui gangrène notre pays.. Les autres villes du Maroc ont, ce 8 mai comme toutes les semaines, tenu leurs rassemblements pour crier encore une fois et d'une seule voix leur détermination à rester debout face à ceux qui veulent les assujettir. Les extrémismes fleurissent à l'ombre des autocraties et de l'absolutisme. Bien des Etats occidentaux alors qu'ils fustigent contre l'islamisme ne se privent pas de soutenir des autocraties pour préserver leurs privilèges. Or, en cautionnant ces derniers, en favorisant les privilèges impunis pour ceux qui détiennent le pouvoir, on cautionne les intégrismes. Pour que le pays ne tombe pas aux mains de mouvements intégristes et islamistes, il faut imposer un Etat de droit et de justice sociale. Il est urgent que le peuple ait la liberté de promouvoir sa citoyenneté. La liberté comme la démocratie ne se saucissonne pas: elle est entière ou elle n'est pas. Elle est tant politique que religieuse. Sinon, la porte est ouverte à la dénaturation des causes justes des peuples dans leur combat contre toutes les formes d'asservissement. Ce Mouvement, à l'instar des mouvements des peuples dans les mondes arabe et méditerranéen, a basculé les apriori et les stéréotypes qui consistaient à clamer que la recherche de la démocratie était propre à l'Occident… Les détenteurs des pouvoirs n'ont jamais posé la question de la démocratie et des droits humains dans leur caractère universel. Ils ont donné une priorité au relativisme culturel. Le Mouvement du 20 février au Maroc dont certains jeunes diplômés chômeurs est dans une phase d'indignation et de vigilance. Il est encore trop tôt pour dire quelles seront les conséquences de toutes ces marches vers la liberté mais il est revenu le temps de la résistance pour que les peuples recouvrent leur dignité et manifestent contre un système qui favorise l'intégrisme et l'islamisme en ouvrant la porte à de nouvelles dépendances qui permettent l'enrichissement éhonté de minorités au pouvoir. Le 10 mai 2011 Hayat Berrada-Bousta, ancienne exilée