Voie saturée de mille et une souffrances, de mille et une peurs, de mille et une humiliations, de mille et un désespoirs. Raison sur le point de se rompre. Folie ou suicide ? Avec des mots simples, sans fioritures, mais aussi tranchants qu'un scalpel, il témoigne de l'innommable qu'il a subi au centre de Témara..(voir vidéo) Au bord de la tombe, on ne pleure pas le mort, on se pleure. Et rien n'exclut que demain, tout à l'heure peut être, nous ne soyons ce « il ». « Il » a pour prénom Bouchta Ne sommes nous pas tous des Bouchta en puissance, susceptibles d'être enlevés et torturés selon le bon vouloir de « shab al hal » ? Ses tortionnaires aux pseudonymes de « Dib », de « Hadj ». La lâcheté n'a pas de visage. Exécuteurs des basses œuvres, sbires au service d'un Etat, d'un régime, de responsables calfeutrés dans leurs bureaux climatisés. Aujourd'hui, ils ont pour nom Abbas El Fassi, Cherkaoui et autres Naciri. Hier, El Himma, Jettou, El Youssoufi. Aucun de cette « gent policée », jamais, ne leva le moindre petit doigt, n'émit la plus petite protestation, encore moins ne réclama la fermeture de ce nouveau Derb Moulay Chrif, de nouveau Abou Ghrib. Tous complices par leur silence car ils savaient pertinemment que les « Zabanias » de ce centre, de funeste réputation, continuaient à se livrer à leur sale besogne. Tortionnaires….aux cols blancs, ils le furent donc par procuration. Un anglais, d'origine éthiopienne, Benyam Mohamed El Habachi, livré en 2OO2, aux « experts marocains » de Témara par les USA, dans le cadre de leur sous-traitance** de la torture atteste: « L'un des tortionnaires a saisi mon pénis et a commencé à y faire des coupures. Il l'a fait une fois et pendant environ une minute, ils ont observé ma réaction. C'était atroce, je pleurais. Ils ont recommencé, 20 ou 30 fois. Il y avait du sang partout ». Pendant 18 mois, il va subir cette torture abominable. Si Bouchta, Benyam, témoins vivants que la torture est toujours en vigueur, que le centre de Témara est toujours en fonction, que les tortionnaires y officient toujours en toute quiétude, sûrs de leur impunité, comme ce fut le cas pour leurs ainés : les Yousfi Kaddour, les frères Achaachi et autres Bentahila. Que pèsent alors, devant ces abominations qui perdurent, les promesses royales d'une réforme constitutionnelle qui garantirait l'indépendance de la justice, la séparation des pouvoirs la suprématie de la loi, la garantie du respect des droits de l'homme ? Que pèsent alors devant ces pratiques barbares d'un autre âge les tribulations et cogitations d'une Commission Consultative de la Révision de la Constitution, de surcroît, formée de cette « intelligentsia silencieuse » qui a brillé par son silence pendant les longues et noires années de plomb, et de « makhzanéens recyclables » ? Ceux et celles qui constituent cette officine makhzanéenne jouissent certes d'une « légitimité de nomination », celle d'un monarque au pouvoir absolu***, mais sont dépourvus de toute légitimité populaire. Un souverain qui concentre entre ses mains les pouvoirs spirituel et temporel et ce en vertu de l'article 19 *** Ceci dit, l'existence même de cette commission est une violation de cet axiome de base, à savoir que la souveraineté appartient au peuple. Or, ce peuple n'a, à ce jour, mandaté personne pour agir, proposer, et décider en son nom. Et comme disent les foukahas (les jurisconsultes) : tout ce qui découle du faux est faux ما بني على باطل فهو باطل" » Participer donc, de près ou de loin, aux travaux de la dite commission c'est devenir complice de l'OPA qu'elle a opérée sur la volonté et la souveraineté populaires. C'est légitimer ce détournement. En fait, la finalité de cette commission est de confectionner un habillage juridique aux désidérata royaux. Simple toilettage. Simple relooking. Ce dont les animateurs du Mouvement du 20 février sont parfaitement conscients. C'est pour cela qu'ils refusent toute compromission avec la CCRC. Aujourd'hui, ils savent qu'ils n'ont qu'un ennemi, leurs gouvernants. Certes on consultera, on auditionnera nombre de partis, nombre de représentants de la société civile, nombre de personnalités. Mais, ce n'est là qu'un simple subterfuge, un simple tour de passe passe juridique pour essayer de crédibiliser un processus dont la finalité est de pérenniser la monarchie absolue en vigueur à travers un semblant de changement. Rappelons au passage que la consultation en islam ( Achoura) n'est contraignante ni pour celui qui consulte, ni pour celui qui est consulté (الشورى لا تلزم لا المستشار و لا المستشير) Autiste le régime marocain continue à l'être. Ainsi, le conseiller du roi, sourd aux revendications de la rue, a réuni les représentants des partis au lendemain du 20 Mars, journée, pourtant, où des dizaines de milliers de marocains et de marocaines, répondant à l'appel du mouvement du 20 février, ont manifesté pacifiquement dans l'ensemble du pays, revendiquant une monarchie parlementaire issue d' une constituante élue et scandant « Le peuple veut la chute du despotisme », « Le peuple refuse une constitution des esclaves », « Abbas dégage », « Commission consultative de révision de la constitution dégage », « El Himma Majidi, dégage » et même « Général Bensliman dégage », « la loi de l'obéissance n'est pas l'esclavage » Lors de cette rencontre, il a été demandé à ces représentants de donner leur avis quant l'aspect procédurier des travaux du CCRC. Dans sa « mansuétude », Mr. El Mo3tasim daigna même leur accorder…. deux minutes pour s'exprimer ! Une « bienveillance » qui augure de ce que l'on attend de ces partis, de ces syndicats et autres associations de la société civile. « Consulte- la, mais ne tiens pas compte de son avis » dit un proverbe marocain des plus sexistes. C'est dire que le discours royal du 9 mars satisfaisait aux injonctions européennes et surtout américaines, et non aux revendications des participants à la marche du 20 février. Comment croire aussi à un quelconque changement lorsqu'on apprend que la réunion gouvernementale du jeudi 17 mars a été consacrée, en partie, à critiquer les propos du vice président de l'AMDH. Propos considérés par certains ministres comme une atteinte au respect dû au roi. Lors de cette réunion, le ministre de l'Intérieur, Taib Cherkaoui a été l'un des premiers intervenants à s'attaquer à la démarche d'Abdelhamid Amine, rejoint par les chefs de partis politiques représentés dans le gouvernement, dont le Premier ministre, Mais quel crime de lèse majesté Amine a-t-il commis ? Celui d'avoir proclamé que le temps était venu de mettre fin au « baise main » et aux courbettes. En un mot à des pratiques venues du fond du Moyen Age que même un roi, aussi conservateur que celui de l'Arabie Saoudite a abrogées ! Et ce sont ces partis aux échines perpétuellement courbées qui sont appelés à exprimer leurs avis et leurs doléances relatifs à une réforme constitutionnelle qui nous engagerait, nous, en tant que peuple ? Ces organisations politiques, adeptes et défenseurs acharnés du « baise main » et de « Allah Ibarak f 3mar sidi » pourront-ils réclamer l'abrogation de « Imarat el mouminin » ou l'article du 19 ? On peut rêver ! Comment croire à un quelconque changement alors que les média supposés publics, mais vampirisés par le makhzen, continuent de travestir la vérité et déformer les propos des citoyens comme ce fut le cas lors de la couverture des marches du 20 février et du 20 Mars, par 2M qui s'est érigée en éradicateur, menant croisade contre les islamistes, principalement ceux d' El Adl Wa Al Ihsan, accusés de tous les maux. En fait, le régime, dont 2M n'est que le « barrah »****, est ulcéré à l'idée que PSU, Ennahj, Mouvement du 20 févier, AMDH, ATTAC et islamistes , notamment ceux de Al Wal Ihsane puissent se retrouver sur une base de revendications communes et agir de concert. El Adl Wal Ihsane ne vient-il pas, crise sur le gâteau, d'appeler « à la mise en place d'un Etat civil moderne sans droit divin et là où personne ne peut prétendre à la sacralité et où personne n'a de délégation divine. Un Etat où le peuple aura la souveraineté » Comment accorder, enfin, un quelconque crédit à ces promesses de réformes lorsque prisonniers politiques et simples quidams raflés par centaines après les attentats de Casablanca et condamnés injustement continuent de croupir dans les prisons du royame. De nouveau, la voie saturée de mille et une souffrances, de mille et une peurs, de mille et une humiliations, de mille et un désespoirs vient nous rappeler cette vérité : tant que le centre de Témara continuera d'exister, tant que ses tortionnaires continueront à servir en toute impunité, tant que la souveraineté du peuple sera bafoué, tout changement véritable demeure illusoire. *Littéralement : le rouge à lèvres sur la morve. Expression qui signifie maquiller la vérité **Voir l'ouvrage de Stéphane Greg « Les vols secrets de CIA ***. Le Souverain concentre entre ses mains les pouvoirs spirituel et temporel et ce en vertu de l'article 19 de la constitution, qualifié de « supra constitution » ou de « constitution implicite » et dont le potentiel d'arbitraire est complété par deux autres articles : le 23, qui fait du roi une personne "sacrée", et le 29, qui lui donne le droit de promulguer des dahirs, décrets royaux faisant loi et non susceptibles de recours. En regroupant les trois articles, cela donne la situation suivante : le roi peut faire absolument ce qu'il veut, l'article 19 lui en donnant le droit, le 29 les moyens et le 23 éliminant toute possibilité de contestation »*** »*** source Telquel ****Crieur public