Dénouement de l'affaire des administrateurs Si Jettou a marqué une rentrée sociale “tonitruante” du gouvernement en annonçant la mise en œuvre du gros chantier de l'AMO, Mohamed Boussaïd aura effectué une entrée réussie en étrennant son nouveau portefeuille ministériel. Un tandem de choc qui promet des avancées significatives en “expédiant” au mieux des conflits aux contours complexes et vieux de plusieurs années. Dialogue social renforcé, consensus partenarial consolidé et paix sociale sauvegardée Il aura fallu, en effet, à peine trois mois depuis sa prise de fonction à la tête du département chargé de la Modernisation des secteurs publics, entrecoupés par les vacances d'été, et une vingtaine d'heures de concertations avec les centrales syndicales pour qu'un conflit vieux de 4 ans trouve un aboutissement acceptable pour toutes les parties. La cérémonie de signature, ce mercredi 8 septembre, marque la conclusion d'un “accord final”, selon la déclaration du ministre, qui met un terme à des années de surenchères et d'affrontements par grèves entreposées sur un litige dont la complexité des enchevêtrements avait, auparavant, découragé maints responsables qui se sont frottés aux épines de ce dossier. D'ailleurs, à l'unanimité de ton et d'attitudes, les centrales signataires, l'UMT ayant fait faux bond, ont mis en relief “l'efficacité” du tandem Jettou-Boussaïd dans la poursuite du dialogue social, tandem très apprécié par nos partenaires au plan de l'écoute, de la communication, de la disponibilité, du sérieux d'investigation et des études et de la volonté manifestée pour résoudre, au mieux des intérêts de toutes les parties concernées, les litiges en suspens. Le tout auréolé de chiffres précis, d'un timing de mise en œuvre et d'un calendrier de négociations pour les points convenus à approfondir. Du bel ouvrage et un esprit fermenté dans le positif et le constructif qui fait que chaque partenaire, se rendant à une négociation, sait par avance que des solutions palliatives, intermédiaires ou globales sont assurées d'être trouvées à l'issue de chaque rencontre. D'ailleurs, Mohamed Boussaïd n'a pas manqué de saluer ses partenaires sociaux en leur rendant la politesse en soulignant, avec un accent sincère et la spontanéité qu'on lui connaît, la qualité et le haut degré de conscience et de responsabilité des centrales syndicales qui ont su mener “un dialogue civilisé et constructif”. “La paix des braves” Après les accords entre partenaires sociaux du 30 avril 2003 et des décrets d'application en date du 28 janvier 2004, le gouvernement Jettou a entamé sa rentrée politique en accordant la priorité aux questions sociales. En premier lieu, le règlement des dossiers laissés en suspens dont celui afférent à la révision statutaire et indemnitaire des administrateurs et cadres assimilés de la Fonction publique. Après la séance présidée par le Premier ministre le vendredi 2 septembre courant, un accord final a été signé, le mercredi 8 du même mois, au siège du ministère chargé de la Modernisation des secteurs publics. Cet aboutissement vient clore un des chapitres les plus controversés et les plus âprement disputés dans l'histoire longue des rudes négociations mettant face à face forces publiques et représentatives du monde du travail. La régularisation, légitime du reste et longtemps espérée, de cette catégorie de professionnels de l'administration publique vient de franchir une étape qualitativement substantielle vers une solution définitive. Rappelons que cette question a constitué depuis plus de 4 années, sur fonds de surenchères et de grèves à répétition, l'une des principales pommes de discorde nourrissant l'affrontement entre syndicats et pouvoirs publics. Rappelons aussi que Jettou, qui a réussi à remporter l'unanimité des partenaires sociaux et économiques du dialogue social pour aboutir à l'accord historique du 30 avril, a tenu ses engagements. En effet, le Premier de nos ministres avait solennellement déclaré, lors de la cérémonie de signature des modalités d'application de ces accords, en janvier dernier, qu'il accordera la plus grande priorité au règlement des questions en souffrance, par un dialogue social permanent et positif, dont l'affaire des administrateurs. L'entente s'est matérialisée sur le principe d'aligner progressivement la revalorisation indemnitaire de cette catégorie de la Fonction publique sur les ingénieurs et profitera à plus de 41 000 fonctionnaires classés sur les échelles 10 et au-dessus. L'enveloppe indemnitaire consentie s'élève à 3050 dh pour les administrateurs adjoints (échelle 10) classés sur l'échelon 1 à 6 et 4300 dh au-delà. Quant aux administrateurs (échelle 11), leurs indemnités mensuelles atteignent désormais 6300 dh pour les 5 premiers échelons, elles plafonnent à 9600 dh. Enfin, les administrateurs principaux (hors-échelle) empocheront la coquette somme indemnitaire de 13800 dh. Il est louable de souligner que les pouvoirs publics ont consenti un effort appréciable en portant le taux d'indemnisation à hauteur de 90% de celui bénéficiant aux ingénieurs, au lieu des 60% initialement proposés aux syndicats. Et l'Exécutif a mis la main à la caisse dont les incidences budgétaires sont estimées à près d'un milliard dh, soit une rallonge de 10% de l'offre initiale budgétisée. Les régularisations sont rétroactives, à compter de juillet 2003 et s'étaleront sur trois années sous la condition que les deux-tiers de l'enveloppe soient réglés avant fin 2004. Jettou n'a pas hésité à prendre le risque de grever lourdement, dans la limite des ressources mobilisables, le budget de l'Etat dans le souci de sauvegarder la tradition et l'esprit du dialogue social qui a, non seulement rapproché les partenaires qui se comprennent mieux et apprécient bien les contraintes respectives, mais qui, aussi et surtout, est devenu un espace de concertation très fructueux puisqu'il s'est habitué, maintenant, à des résultats palpables et se mesure au volume “sonnant et trébuchant” des décisions prises pour améliorer le sort de la classe travailleuse. Il ne faut pas oublier que le coût global du dialogue social consenti par le gouvernement dépasse les 11 milliards dh dont 4,2 milliards engagés en 2003 et 7 milliards dh réservés cette année. L'autre point de l'accord, stratégique celui-là, intéresse l'élaboration d'un statut unifié des administrateurs et cadres assimilés (une vingtaine de statuts disparates régissent actuellement les différentes composantes de cette catégorie) qui harmonisera les conditions de recrutement et de classification et les modalités de développement de carrière. Et ce n'est que justice rendue en réhabilitant un corps représentant 55% des “troupes” animant l'encadrement l'administration marocaine. Le “style, c'est le…technocrate” La célèbre phrase de Buffon, “l'homme, c'est le style” semble s'appliquer dans le cas d'espèce, si ce n'est celle de “le style, c'est le technocrate”. Un techno-politique maintenant endurci par sa maîtrise de l'espace des affaires publiques et de la privatisation qu'il a su mener à bon port. Trois mois après son entrée au gouvernement, Mohamed Boussaïd n'a pas tardé à battre un record en faisant le consensus autour de sa stratégie de réforme et de modernisation des structures et du fonctionnement de l'appareil public et à résoudre, avec une célérité rare dans les annales, l'épineux dossier des administrateurs et cadres assimilés que les négociations aboutissant aux accords historiques du 30 avril et du 28 juillet n'avaient pas réussi à boucler. Ce brillant technocrate, trempé au pragmatisme des situations complexes, initiateur du premier colloque national sur les systèmes de régulation en marché de concurrence, ce “pontiste” qui a mené, avec brio, les gros dossiers de privatisation et de restructurations des entités du portefeuille public, à qui l'on doit la refonte moderne du contrôle financier et de beaucoup d'autres choses non moins intéressantes, a pris les rênes de la réforme la plus délicate et la plus difficile en cette ère de renouveau : transformer l'administration publique longtemps et totalement discréditée dans la conscience collective et régulièrement pointée aux premières loges parmi les facteurs de blocage des investissements dans le pays. Le challenge est bien rude mais le personnage possède de la volonté à revendre et de l'efficacité à toutes épreuves. L'histoire retiendra que pour ce talentueux ingénieur à la vivacité d'esprit et la promptitude de décision étonnantes, à la personnalité très marquée, indépendante et intègre, qu'il a réussi à faire l'unanimité autour de sa personne. Les centrales syndicales, dans un même élan, ont salué “un homme de dialogue à l'écoute attentive et un manager très efficace”. Mais c'est l'humilité du personnage qui en a étonné plus d'un : “j'ai beaucoup appris dans ce dialogue social, surtout quand on a la volonté commune d'arriver à des solutions acceptables par tous”. Néanmoins, Boussaïd a rappelé, après l'enthousiasme suscité par le couronnement de l'affaire, que “maintenant, c'est un grand défi, autrement plus redoutable qui nous attend, tous. J'ai grand espoir que nos administrateurs et cadres de la Fonction publique se mobiliseront pour la réussite de la grande réforme et l'implantation dans notre culture et nos mœurs de la nouvelle gouvernance de la chose publique, au service du citoyen et de l'investisseur”. Comme quoi si la question de la régularisation administrative est bel et bien réglée, n'oubliez pas que le plus dur reste à faire. Autrement dit, si vos droits sont maintenant largement satisfaits, vous devrez en faire de même pour vos devoirs envers l'administration dont la modernisation et la décentralisation ne peuvent être que l'œuvre de ressources humaines qualifiées et motivées. Une bataille est finie, il faut à présent remporter la “guerre” contre le sous-développement et les travers incorrigibles qui ont terni l'image de l'administration nationale auprès de ses usagers et clients internationaux. Avec une locomotive nommée “Boussaïd”, la gageure s'inscrit désormais dans l'art du possible. Le comble, positif en l'occurrence, du hasard qui fait bien les choses, l'affaire de la revalorisation indemnitaire des administrateurs et cadres assimilés a été résolue par un … ingénieur, justement le principal point d'achoppement des négociations où les syndicats réclamaient constamment l'alignement sur les mêmes dispositions statutaires et des administrateurs et des ingénieurs dans la fonction publique. Une certitude : si la cadence de règlement des problèmes sensibles qui compromettent fréquemment la paix sociale s'apparentait au cas d'espèce, bien des choses iraient certainement beaucoup mieux en termes d'équilibre des intérêts entre la production et le travail. Autre certitude : si “le style Boussaïd” pouvait inspirer d'autres technocrates du gouvernement souvent sous les feux de la rampe sans résultats tangibles pour apprendre en sobriété et efficacité, alors le “rêve marocain” serait permis ! L'UMT se débine Grandeur et décadence ! Après la gloire, la déchéance ? La centrale historique s'est mise au régime minceur en perdant la confiance de milliers de travailleurs et fonctionnaires pour se retrouver bousculée par d'autres forces sociales qui l'ont supplantée dans plusieurs secteurs vitaux de l'activité nationale. Après avoir applaudi à l'esprit du dialogue social avec l'avènement du gouvernement Jettou et souscrit pleinement aux accords du 30 avril 2003 et signé les décrets d'application du 28 janvier dernier, voici que la machine à Benseddik s'est décidée à perpétuer la surenchère en boycottant, sans crier gare, la cérémonie de signature de l'accord sectoriel intéressant la régularisation statutaire et indemnitaire des administrateurs et cadres assimilés de la Fonction publique. En reniant leur engagement de dialogue social assorti de la menace de porter l'incendie, et en prétextant de la politique revendicative éculée du “tout ou rien”, le vieux syndicat, au quatrième rang représentatif seulement parmi les 5 centrales partenaires du dialogue social dans cette affaire de fonctionnaires, a brûlé ses dernières cartouches en tentant désespérément de redorer un blason largement terni par des “convulsions suicidaires”. En “crachant” sur l'argent des “pauvres” que le gouvernement a budgété pour cette année, la centrale a voulu priver des milliers de fonctionnaires d'indemnités valorisantes et des fins de mois arrondies pour leurs familles. Il reste la piètre image d'une organisation vieillie, désertée par ses bases et fêlée au sommet. Le divorce entre les fondateurs du syndicat institué le 20 mars 1955 est maintenant définitivement consommé. Et le renom de la centrale est entaché de plusieurs affaires “suspectes” liées à la mauvaise gestion des affaires sociales, des poursuites judiciaires seraient même en cours…. Combien de travailleurs dans les entreprises ont été “blousés” par les responsables de fédérations sectorielles ? Combien d'accusations de “corruption” des élites syndicales font les choux gras des discussions populaires ? Grandeur et décadence ou gloire et déchéance ? Qui sème le vent récolte la tempête ! Mais les travailleurs ne sont plus dupes et savent très bien reconnaître leurs vrais leaders et leurs représentants les plus dignes.