Industrie des allumettes. Détrônée par les briquets, l'allumette compte ses derniers jours. Les allumettiers tentent de diversifier leur production pour sauver la donne. Mais la réalité du terrain est de plus en plus dure. Le marché regorge de produits de contrebande. Le constat est alarmant : Les allumettiers qui produisaient 100 millions de boites par an, ont aujourd'hui grande peine à vendre 5 millions de boites par mois. Il ne s'agit pas d'une marque qui en a détrôné une autre, ni d'un manque à gagner, mais les dégâts se mesurent en termes de fermeture. Après avoir subi des redressements fiscaux, envisagé des conflits sociaux et perdu le soutien des banques, deux fabricants ont fermé leurs usines et arrêté leurs projets qui ont coûté des milliards de DH. Face à cette situation dramatique, quel sera le sort de l'allumette ? La flamme va-t-elle s'éteindre ? Pour étayer les préoccupations et mesurer l'ampleur des dégâts, l'état du marché des allumettes, corrobore les difficultés confrontées par les allumettiers. Pour les industriels du secteur, la prospérité n'a duré que peu de temps dans un secteur récent. A peine introduits au Maroc, en 1952, via l'implantation du groupe suédois, deux fabricants ont disparu de la scène en 1993 sous l'effet de la fusion-absorption pilotée par le cavalier géant du secteur, qui, lui-même, a du mal à résister aujourd'hui, puisque les ventes d'une seule marque se sont maintenues difficilement jusqu'en 2006, à 5 millions de boites par mois. Par contre les ventes des autres marques se sont effondrées à 500 000 boites par mois. Si, jusqu'à une date récente, on parlait de trois fabricants, aujourd'hui, un seul allumettier vivote encore sur le marché. En 2007, il n'a vendu que 5 millions de boites par mois au lieu de 25 millions il y a dix ans. La demande ne cesse de diminuer et ce, depuis 1995. Comparativement à cette période, les ventes ont été divisées par deux en 2002, soit 12 millions de boites et ne cessent de chuter d'année en année. A présent, toutes les marques se vendent difficilement. Les acteurs des secteurs ont affirmé que ce sont les importations de briquets asiatiques, dont une bonne partie en contrebande, qui ont mis à mal le secteur. Aujourd'hui, il est officiellement importé, en moyenne, 55 millions de briquets, dont une cinquantaine en provenance d'Asie, la Chine principalement, le reste est partagé entre la France qui fournit 695.000 briquets, de l'Espagne 44 millions et les Pays-Bas 582.000. Solutions entravées Comment une entreprise peut-elle échapper à l'éphémère et assurer sa pérennité et son invulnérabilité dans une économie où les acteurs se modifient ? La question est : Quel est le meilleur chef d'entreprise de l'histoire ? Si la question est posée au cavalier du secteur menant le combat seul aujourd'hui, la réponse pourrait être similaire à celle du père du management, Putter Drucker, et affirme que c'est celui qui a dessiné, conçu et construit les pyramides de l'Egypte, car quatre mille ans après, elles tiennent toujours. Mais pour quelle politique de la gestion de la crise a-t-il opté pour pouvoir résister aux difficultés ? Demeurant seul sur scène, à l'heure où rares sont les domaines où on peut parler de monopole, le fabricant ayant du mal à endiguer la vague des produits chinois, a eu recours à la diversification de sa production. Les bougies sont sa bouée de sauvetage. Dans cette niche, l'allumettier a été frappé une seconde fois, par la réalité du terrain. L'importation des bougies en provenance de la Chine a quadruplé. Refusant de disparaître, il a fait de son produit un support publicitaire pour des marques du secteur automobile et autres. Même les produits basiques de première nécessité, doivent marquer leur présence sur le terrain de la communication. Mais le créneau des produits publicitaires n'est guère une solution de rechange, pour amortir la crise. Quant aux niches relatives à l'export, elles sont jugées trop étroites pour être rentables. En dépit des coûts de transport et des problèmes afférant à la logistique, les exportations en direction de l'Allemagne, alors seul marché à l'étranger, sont aujourd'hui arrêtées. Comment est-il donc possible d'écouler une production de 100 millions de boites d'allumettes sur un marché local qui regorge de briquets de contrebande ? Solutions sporadiques Sans aucun doute, les autorités marocaines sont conscientes du fléau contre lequel des mesures ont été prises. Mais les actions menées, demeurent occasionnelles. En septembre 2004, les douanes et le département du Commerce et de l'Industrie, ont mené des actions conjuguées à celles du ministère des Affaires Economiques générales, pour lutter contre la contrebande. Les Résultats de la démarche se sont révélés efficaces, et sur certains marchés, les briquets de contrebande ont tout simplement disparu. Aujourd'hui, les choses ont repris, et les briquets de contrebande ont refait surface. Reste que la bataille contre ce fléau ne se gagne pas par de simples actions sporadiques, mais c'est une lutte continue et de longue haleine. Les services des douanes ont toujours parlé de la sous-facturation, sans vouloir toucher du bout des doigts, le mal du secteur, à savoir, l'importation intense des briquets. Dans la mesure où un paquet d'allumettes de 40 tiges se vend à 0,50 DH, un briquet au même prix permet 500 allumages. Comparaison faite des dénominateurs de la première variable marketing Q/P, il est normal que l'allumette compte ses derniers jours. D'après les industriels, le fléau n'a pas été considéré comme un sérieux danger par les autorités qui ont laissé les difficultés s'accumuler et le problème grossir. Pour eux, les difficultés ne datent pas d'aujourd'hui. Jusqu'en 1980, les fabricants vendaient 10 millions de boites par mois, soit une hausse de 50% par rapport à 1972. Depuis cette date, le feuilleton de la descente aux enfers a commencé avec l'importation d'allumettes en provenance du Pakistan. Et si les autorités marocaines ont réagi contre les allumettes pakistanaises vendues à l'époque à moitié prix, le fléau a pris de l'ampleur avec l'importation des briquets asiatiques. La flamme a toute la peine à imaginer son avenir, surtout qu'il est estimé que l'importation de briquets se monterait à 80 millions. Drame économique Des centaines de milliers de magasins répartis à travers le royaume, commercialisent des briquets aux marques à consonance fort troublante pour le consommateur lambda. Plusieurs ont en mémoire l'accident provoqué par la fameuse fourgonnette bourrée de briquets de contrebande qui avait pris feu à Derb Omar. La mésaventure n'avait pas fait de victimes, mais elle a eu le mérite de révéler le caractère fort dangereux de ces produits qui ne répondent à aucune norme de sécurité ni environnementale (les matières composantes sont jugées très nocives pour la santé). Si des mesures ont été prises par le ministère de l'Industrie et du Commerce et de la Mise à niveau de l'économie, pour contrecarrer le phénomène de l'importation des briquets ne répondant à aucune norme de sécurité, comment peut-on expliquer leur quantité non négligeable, inondant le marché ? Dans l'attente d'un renforcement des moyens de protection du marché, une longue vie est à souhaiter à la flamme.