Manier son existence, palper ses illusions, épier ses rêves. Telles sont les ambitions du commun des mortels. Arriver à exaucer ses désirs est si rude, si pénible que tout cela s'approprie nettement les célèbres parodies de la vie. L'immigration clandestine est pour certains un suicide volontaire, une abnégation cruelle. Alors que pour d'autres, c'est l'aboutissement d'une pression tragique due aux conditions précaires où ils survivent. Réussir à rejoindre l'Eldorado européen est désormais le seul subterfuge capable de leur prohiber besoin, nécessité et pauvreté. Quitter son pays, lâcher ses origines, entamer le chemin d'un avenir insensé, mettre sa vie au dépit du hasard, entre les mains du monde de l'au-delà. S'engager dans un destin voilé, dans une mer agitée, dans des vagues enragées, dans une barque inassurée, aux pieds d'un rêve pas facile à réaliser. Cependant, la voie de la raison est dissimulée par la rage de vaincre, de vaincre ce besoin inouï de retrouver une existence simple à diriger. Voir sa famille se tordre de faim, se lamenter sur son sort poignant, sentir toutes les issues se boucher. Tout cela peut être le titre de ce grand opuscule qu'est l'immigration clandestine. Espérer un avenir meilleur, conquérir un monde assuré, assurer un revenu stable aux siens, être capable de se procurer tout ce que l'on aspire, ressembler aux « anciens combattants » de l'initiative sociale pour atteindre la côte d'Algésiras. Tout cela pour avoir une vie meilleure, faire fausse compagnie à la précarité, échapper au lot de drame. Notre pays malheureusement reste passif devant de telles tragédies. Les cadavres de nos jeunes s'entassent au fins fonds des largeurs, les cœurs de leurs familles sont meurtries de chagrin, et notre cher Maroc ne bouge même pas le pouce, sauf bien sûr pour annoncer l'actualité du nouveau nombre de décédés. Le temps s'écoule, les drames se succèdent, et la mégarde de notre cher pays ne cesse de labourer concrètement des victimes, confusément une image horrible. Des jeunes partagent l'obsession de traverser le détroit. L'esprit distrait, le regard pensif, le cœur battant, ils ne peuvent se détacher de la vision d'une probable commodité de vie de l'autre côté de la belle nappe, bleue de couleur, particulièrement traîtresse. Non fiable, ni confiante, les très fonds ce ces eaux enferment des créatures dont la chair de nos pauvres désespérés était le principal plat d'entrée. Esprit volé, espoir violé, nos petits bourgeons humains n'ont pêché que pour aspirer à un monde, le moins que l'on puisse dire, meilleur. Est-ce juste que les portes de la mort les accueillent bras ouverts alors qu'ils ne demandaient que le strict minimum ? Est-ce évident que la vie fausse bond à ses êtres alors qu'elle est sensée leur tenir la main et leur offrir la sourire qu'ils méritent ? L'histoire cessera-t-elle un jour ou la scène du théâtre « ESPOIR » continuera-elle ses fausses trames théâtro-réalité ?